Du travail de l’OFNAC à l’égard des ministres (Par Mouhamadou Ngouda MBOUP)

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Un ministre de la République peut-il être auditionné par l’OFNAC ? Rien ne s’y oppose. D’abord, la question ne touche pas à la séparation des pouvoirs. Les autorités administratives indépendantes sont rattachées au pouvoir Exécutif. Une audition n’enfreindrait la séparation des pouvoirs et ne porterait pas atteinte à la Constitution. Ensuite, le ministre en question ne devrait pas faire l’objet d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuites. Enfin, la Constitution du 22 janvier 2001 et la loi n°2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC) l’encadrent mais ne l’empêchent pas. Une lecture combinée de l’article 101 de la Constitution et de l’article 3 de la loi portant création de l’OFNAC permet d’affirmer sans aucun doute que l’OFNAC est bien compétent pour entendre « TOUTE PERSONNE » y compris un ministre.
I-Un travail de contrôle
Un constat s’impose à tout juriste averti : en droit, une immunité ne se présume pas ! Là où la mise à l’écart du régime des immunités coïncide, on peut percevoir à travers des textes législatifs une grande parenté des règles applicables dans les deux grandes institutions administratives de contrôle : l’IGE et l’OFNAC. On peut souligner, à cet égard, la similitude des règles concernant la mise en jeu éventuelle du pouvoir de contrôle à l’égard des ministres. D’abord, il s’agit de deux structures supérieures rattachées à la Présidence de la République. Ensuite, elles détiennent un pouvoir de contrôle sur « TOUTE PERSONNE ». Une telle clarté permet de balayer d’un revers de main l’invocation d’une quelconque immunité ministérielle non prévue par les textes.
Depuis 2012, l’OFNAC est devenue la plus haute institution administrative de contrôle. Ce statut est tiré de la loi n°2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l’OFNAC qui lui confère des prérogatives exorbitantes. Au sein du pouvoir Exécutif, (le Président de la République, les ministres et les secrétaires d’Etat), seul le président de la République en exercice bénéficie d’une immunité totale et n’a pas à répondre devant l’OFNAC. Contrairement au Président de la République, les ministres bénéficient d’un privilège de juridiction pour les actes commis dans (et non pendant) l’exercice de leurs fonctions. Sur le plan du droit, c’est très clair, le ministre Mansour FAYE pourrait être auditionné par l’OFNAC dans la mesure où aucun article de la Constitution n’interdit cette possibilité. L’article 101 de la Constitution interdit seulement la convocation du président de la République en exercice devant un juge, une autorité administrative, ou devant le Parlement.

II-Un travail d’enquête
En aucun cas et sous aucun prétexte, les missions de l’OFNAC ne doivent rencontrer d’entraves. Le droit d’investigation de l’OFNAC n’est soumis à aucune restriction. L’OFNAC a tout pouvoir dès lors qu’il n’empiète pas sur des enquêtes en cours et notamment sur une enquête judicaire. Il y a trois enquêtes : l’administrative, la judiciaire et la parlementaire. L’enquête de l’OFNAC n’est et ne doit pas se transformer en une enquête judiciaire. A l’image de l’IGE, il s’agit du travail pour exercer son pouvoir de contrôle, c’est-à-dire savoir, par exemple, comment le fonctionnement du département de Mansour Faye a pu aboutir à cette affaire sans porter de jugement. Il s’agit simplement de décortiquer les règles et procédures de passation des marchés. L’enquête ne met pas en cause la responsabilité politique du ministre. C’est pour ça qu’il n’y a pas d’atteinte à la séparation des pouvoirs. L’OFNAC n’est pas une juridiction !
L’article 101 de la Constitution interdit seulement que le président de la République soit requis de témoigner devant une commission parlementaire, une juridiction ou autorité administrative. L’OFNAC n’est une commission d’enquête parlementaire, ni une juridiction. Par conséquent, il peut demander à entendre le ministre Mansour FAYE sur les conditions de passation et d’attribution des marchés en l’invitant par une lettre à témoigner comme il l’a fait pour les autres personnes déjà entendues. Devant les enquêteurs de l’OFNAC, comment se déroulerait la procédure ? Les enquêteurs poseraient leurs questions et le ministre répondrait. Sur quoi ? Sur l’organisation du fonctionnement de son département, sur la nature de ses fonctions dans l’attribution des marchés, sur la connaissance des faits qui lui sont reprochés, sur ses observations concernant certaines accusations éventuelles, etc.
Il faut juste rappeler que pour la transparence de la vie publique, l’OFNAC est chargé de recevoir et de contrôler les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts des gestionnaires publics. Il faut aussi préciser qu’en cas de saisine non sérieuse, l’OFNAC a la possibilité de procéder par des techniques de filtrage pour éviter que les ministres ne soient entravés dans leurs actions. Ainsi, l’OFNAC détient le pouvoir du dernier mot !

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