De la «seule constante» à l’homme abusé

ESSAIS DE PSYCHANALYSE D’UN ECHEC

Dans la vie, seul Dieu est une vraie constance pour les croyants. Au Parti démocratique sénégalais, il y avait pourtant, une constance qui n’était ni Dieu, ni prophète. Il s’appelait Abdoulaye Wade. C’est lui qui détenait toutes les vérités. Les bons d’entrée et de sortie. Les avancées, arrêts de vie ou de mort professionnelle au sein de son groupe. Sur le fil, la fin de la présidentielle 2012 a eu le mérite de nous avoir mis devant les réalités. Des faits cruels qui montrent la cruauté de la vie publique. Invincible, le bonhomme est devenu creux parce que vulnérable. Plus vieux que nature dans son propre parti où les langues se déliaient déjà sur  sa candidature. Mais personne n’a osé se prononcer au grand jour.

Demain, s’il perd le pouvoir, le président Abdoulaye Wade va porter seul, semble-t-il, le poids de la défaite. Mais, on en est encore loin. Dans un parti qu’il a dirigé avec ses moyens et l’appui de quelques-uns, l’absence de débats et d’alternatives autres que lui, ont fini par le mettre au devant de tout. De tous. Et pourtant, la présidence Wade à la tête du Sénégal, n’a pas été marquée que du mauvais. L’homme est un battant. Et le bilan  est largement positif sur certains points. Mais, sa seule faiblesse est qu’il n’avait pas d’entourage contrairement à ce qu’on a dit ici et là. Sa sortie, mardi après midi, pour une simple déclaration est la preuve que monsieur le président n’a pas d’entourage crédible. Il semble d’ailleurs ne plus lui faire totalement confiance.

Or en politique cela ne pardonne pas. Aller à une élection et ne se voir autrement que comme président, et rien d’autre, est une posture inintelligente que seuls les chefs d’Etat africains ont l’habitude d’afficher. Contre eux-mêmes. Sans parti structuré, résumé à une seule et même personne, le candidat Wade n’a jamais été la constante qu’on croyait. Ces gens de son parti qui le disaient étaient à la fois dangereux pour le pays, et le Parti démocratique sénégalais qui devra quoi qu’il arrive survivre à Wade. Mais, comme dans un film western composé de gens adeptes des attaques de convois chargés d’or, Wade avait autour de lui quelques vautours qui n’attendaient souvent que le partage du magot, pour chanter ses louanges. Ils revenaient tous les jours répéter à l’envi que Wade était encore la seule constante.

Idrissa Seck, Macky Sall, Aminata Tall et le tout dernier Abdou Fall en ont fait les frais. Même s’ils ne sont pas tous des saints. Alors que reste-t-il aujourd’hui de cette constance ? Qu’en restera-t-il au lendemain de la présidentielle quand Wade (qui pourrait perdre le pouvoir ou le conserver), ne sera plus là ? La question mérite d’être posée au moment où les négociations pour le second tour vont commencer. Vainqueur du premier tour (chose qu’on ne doit pas oublier), le président Wade a encore plus d’un tour à jouer. Et, même s’il reste maintenu au pouvoir par le groupe des sénégalais qui aura voté pour lui, l’homme semble bien sonné par le verdict du premier tour avec seulement 34% des suffrages pour quelqu’un qui se voyait autour des 53%.

Quel avenir donc reste-t-il au Pds après le départ de Wade. Aujourd’hui, en cas de défaite, il aura beaucoup de mal à positionner son parti sur l’échiquier politique sénégalais. Le parti socialiste, un des vaincu de ce dernier scrutin, en sait quelque chose.  Vaincu, il devrait se retirer de la politique. Mais, le mal sera fait d’autant que le Pds est presque au bord d’une autre implosion après celle que lui ont imposée Idrissa Seck et Macky Sall qui ont créé sur ses flancs deux partis (Rewmi et l’Apr Yakaar). Mais aussi avec les départs de l’année 2011 et à la veille de la présidentielle.

La véritable défaite de Wade est à ce niveau. Et en mal de fidèles autour de lui, ceux qui parlaient de lui comme un Dieu, ne suivront pas à sa retraite. Il n’aura même pas les moyens de les entretenir encore. Les mille et un transhumants qui n’ont jamais cru en lui, (pensant à leur propre avenir et non celui du pays), seront aussi malheureux que les autres. Et dans ce jeu de la « mort » politique, même le candidat qui semble avoir pour le moment, le « blanc seing » d’une certaine partie du peuple, Macky Sall, en l’occurrence, n’est pas à l’abri de surprises, une fois le pouvoir en main.

Dans le jeu de la constance en politique, il devra se méfier des laudateurs et des suivants sans foi ni loi. Ces nouveaux chercheurs d’or qui s’accommoderont de tous les pouvoirs, pourvu qu’il puisse les nourrir,  au frais de l’argent public et des caisses noires du palais. Wade l’aura payé à ses dépends. Il lui reste à tirer les conclusions qui s’imposent avant de partir dans trois semaines ou dans deux ans…

par Mame Aly KONTE