Au fur et à mesure que l’échéance électorale de 2012 se rapproche, le Palais abritera des cérémonies hautes en couleur qui laisseront abasourdis les Sénégalais. Des cohortes de souteneurs de tout acabit défileront devant le maître des lieux en tenant des propos saugrenus et en lorgnant avidement la grosseur de l’enveloppe qui leur sera remise. Au temps du règne finissant du PS et de DIOUF n’assistait-on pas aux mêmes scènes avec aujourd’hui, en prime le bonus des enveloppes? Qui disait que l’histoire ne se répète jamais? Quand bien même en le faisant, elle bégaierait.
D’anciens lutteurs, des imams, le Mouvement Al Falah sont passés à la caisse. Au suivant ! Au moment où le Sénégal joue son destin, il est navrant que de soi-disant hommes de Dieu se muent en flagorneurs d’un homme qui n’aura guère brillé par son sens de l’équité, de la justice, du pardon et surtout par sa piété et sa bonne gouvernance. Soyons clairs, nous ne leur dénions pas leurs choix politiques car ce sont des citoyens. Ce que nous réprouvons et condamnons c’est l’instrumentalisation d’une organisation qui regroupe toutes les obédiences politiques. Ils représentent les fidèles, mais ils ne peuvent ni parler en leur nom, ni les engager sans avoir reçu un mandat précis. S’ils veulent faire de la politique et soutenir leur leader, qu’ils osent créer un mouvement de soutien avec leurs familles et qu’ils se jettent dans l’arène politique. Alors, on verra s’ils draineront des milliers d’électeurs. Il y a deux manières de faire de la politique : se servir ou servir le peuple. Cette seconde manière exige le courage et l’abnégation, le désintéressement et le sacrifice. C’est un choix parsemé d’embûches. Lorsque les imams de Guédiawaye, à côté des jeunes, des hommes et des femmes de toutes confessions et de toutes conditions ont organisé une marche pacifique pour dénoncer la cherté des factures de la SENELEC, ce fut une levée de boucliers de tous les tartuffes et de tous les hommes liges du pouvoir qui leur ont jeté l’anathème. Quelle intolérance ! Pourtant leurs contempteurs, aveuglés par les « per diem » distillés par des officines nébuleuses au cours de séminaires- farniente, hypnotisés par les routes et les échangeurs au coût faramineux, par les promesses mirobolantes, occultent dans leurs prêchi-prêcha les difficiles conditions d’existence des populations et les grandes questions de l’heure (débat sur le monument de la renaissance africaine etc.)
Comment comparer l’opportunisme frénétique et le silence assourdissant de nos imams au devoir de réserve des membres du clergé catholique qui n’excluent ni une analyse lucide de la situation nationale, ni des prises de position mesurées mais fermes et courageuses? Voyez la recherche effrénée du clinquant et le caractère tonitruant de la démarche de ceux-là! Admirez la modestie et la discrétion de ceux-ci !
Nos imams sont-ils des philistins incapables de décrypter les mutations du monde moderne et de la société? N’est-ce pas ce qui justifie leur propension à la courtisanerie quel que soit le prince du jour et qui les pousse à adopter des attitudes incongrues? Ainsi il se susurre que lors de l’audience, Me Wade serait arrivé dans la salle à l’heure de la prière du Timis. A certains qui auraient proposé de s’en acquitter comme l’exigent les recommandations de Dieu et la sunna de son Prophète (PSL), le président de l’association aurait répliqué qu’elle pouvait être différée jusqu’à la prière du Fadjr! Or, dans un hadith unanimement rapporté, Abdallahh Ibn Mas’ud (RA) a dit: »J’ai demandé au Messager de Dieu (PSL): » Quelle est l’œuvre la plus méritoire? » Il dit : « La prière à ses heures. »… Si le fait est avéré, nul doute que ce comportement est blâmable pour des guides qui ne cessent, sur un ton comminatoire, de nous rappeler l’impérieuse nécessité du respect scrupuleux des cinq prières. »Vade retro, Satana! »
Me viennent en mémoire ces alexandrins de Molière dans Le Tartuffe, si pleins de vérité et si actuels :
Ces gens qui, par une âme à l’intérêt soumise
Fait de dévotion métier et marchandise
Ces gens, dis-je, qu’on voit d’une ardeur commune
Par le chemin du ciel courir à leur fortune
Sont prompts, vindicatifs, sans foi, pleins d’artifices…
Fort heureusement tous les imams ne sont pas de cette race. Aussi, faut-il saluer le mouvement de résistance qui est né le 17 juillet 2010, La Ligue des Imams et Prédicateurs du Sénégal. Il devra lutter pour réhabiliter l’image ternie de l’islam en privilégiant non pas les intérêts égoïstes et bassement matériels d’une clique, mais ceux de tous les fidèles.
Elhadj Alioune CISSE, professeur de lettres, Rufisque