24 ans après le génocide au Rwanda, Paris et Kigali amorcent à nouveau un réchauffement de leurs relations après une première tentative sous Nicolas Sarkozy. Pour la première fois depuis 2011, Paul Kagame était reçu mercredi 23 mai à l’Élysée. Alors que le Rwanda préside cette année l’Union africaine, les présidents français et rwandais ont affiché leurs convergences de vues sur un certain nombre de crises qui agitent le continent et Emmanuel Macron en a profité pour apporter formellement son soutien à la candidature de la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo au poste de secrétaire générale de la Francophonie.
A Paris comme à Kigali, on préfère aujourd’hui voir le verre à moitié plein. Et l’Elysée n’a pas trouvé meilleur symbole de réchauffement qu’un soutien à la candidature rwandaise à l’OIF.
Un premier pas sur la route encore longue vers la normalisation, selon Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires étrangères : « C’est une relation qui prendra du temps pour ressouder les deux pays, pour créer une relation apaisée. Mais ce qu’on voit aujourd’hui, c’est des dirigeants qui ont une vision, qui se rencontrent quelque part par rapport à la relation entre la France et l’Afrique, mais aussi entre le Rwanda et la France ».
Les blessures entre les deux pays demeurent vives et profondes. Le Rwanda accuse toujours la France d’avoir été complice des génocidaires en 1994. Et des proches du président Kagame sont toujours mis en examen par la justice française dans l’enquête sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, qui a précédé le génocide. Dossier que Kigali aimerait voir refermé.
L’opposition en exil choquée
Pour l’ancien Premier ministre devenu opposant en exil, Faustin Twagiramungu, la France se fourvoie en recevant celui qu’il considère comme un criminel. « C’est une déception exceptionnelle. Ça a été accordé au président rwandais tout en connaissant les crimes qu’il a commis, pas seulement au Rwanda, mais dans la région. C’est une déception totale, je vous le dis. Le président Macron vient de commettre une erreur diplomatique et politique, en ce qui concerne sa politique africaine, extraordinaire. »
Un avis que partage aussi Gervais Condo, deuxième vice coordinateur du Congrès national rwandais (RNC-Rwandan national congress), parti d’opposition en exil. Il estime que « la France courbe l’échine face au régime » de Paul Kagame. Pour lui, « cela dépasse le seuil de l’entendement ».
« Nous savons que la France et la Francophonie sont des défenseurs des valeurs de la démocratie, du respect des droits de l’homme, de séparation de pouvoirs, de libre expression, et cela n’existe pas au Rwanda. Mais monsieur Kagame, après avoir tourné le dos à la France et à la Francophonie, s’est dirigé vers le Commonwealth. Il sera l’hôte du sommet de Commonwealth en 2020. Alors qu’il danse d’un côté dans le Commonwealth parce qu’il a banni le français, et que maintenant, il y revient par la grande porte après avoir agi contre les valeurs ou les principes de la Francophonie… Et c’est là encore une fois où nous n’avons pas d’explications claires, et que la France n’ait jamais posé de conditions à ce retour et que, plutôt, elle lui donne un cadeau d’or, associé d’un plateau d’argent. Je me dis qu’il invite encore un loup dans la bergerie. »
Sur le plan diplomatique, si le retour d’un ambassadeur français à Kigali est prématuré, invitation a été lancée au président français de venir au Rwanda dans les prochains mois.
Rfi
La France et le Rwanda amorcent un réchauffement, l’opposition en exil s’indigne
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