La mort de Daria Douguina, un attentat qui met Vladimir Poutine sous pression

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L’explosion de la voiture de la fille de l’idéologue ultranationaliste Alexandre Douguine, dimanche près de Moscou, a des répercussions jusqu’au Kremlin. Moscou attribue cet attentat à l’Ukraine, ce que Kiev dément. L’assassinat met Vladimir Poutine sous pression, notamment de la part des plus va-t-en-guerre, mais pas seulement.

L’explosion mortelle a eu lieu non loin de Moscou. La bombe placée sous la Toyota Land Cruiser conduite par Daria Douguina a explosé dimanche 21 août alors que celle-ci conduisait sur l’autoroute à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de la capitale russe.
La mort de Daria Douguina, fille de l’idéologue ultranationaliste Alexandre Douguine, a provoqué une onde de choc médiatique et politique en Russie. Les circonstances de l’explosion rappellent la vague d’attentats à la voiture piégée à Moscou dans les années 1990.

Avalanche de théories sur les auteurs de l’attentat

L’attentat a aussi eu lieu non loin de la Roublevka, la banlieue ouest de Moscou « où se trouvent bon nombre de villas prestigieuses appartenant à l’élite moscovite », souligne Luke March, spécialiste de la politique russe à l’université d’Édimbourg.
La victime, une journaliste et politologue de 29 ans, était en outre une habituée des plateaux de télévision où elle défendait mordicus l’invasion de l’Ukraine et appelait à une intensification du conflit.

Mais surtout, son père demeure un penseur influent de la sphère ultranationaliste russe et a été, au début des années 2010, décrit comme l’une des « éminences grises » de Vladimir Poutine. Pour les proches de cet extrémiste, cités par les agences de presse russes, c’est d’ailleurs lui qui était la principale cible de l’attentat. Alexandre Douguine n’a en effet décidé qu’à la dernière minute de prendre une voiture séparée de sa fille pour rentrer à Moscou.

L’attentat a aussi donné lieu à une avalanche de suppositions quant aux auteurs de cette attaque. « La plupart des commentateurs russes accusent l’Ukraine d’être à l’origine de cette attaque, sans pour autant pouvoir expliquer comment Kiev aurait réussi à organiser une telle opération en plein cœur de la Russie », note Mark Galeotti, politologue spécialiste de la Russie, dans une tribune publiée par le site de l’hebdomadaire britannique The Spectator. Une accusation contestée lundi par Kiev.
D’autres suggèrent qu’il pourrait s’agir d’un coup monté par les services de sécurité russes ou bien un crime mafieux. Les attentats à la voiture piégée dans les années 1990 étaient en effet une spécialité de la mafia russe.

Les ultranationalistes plus visibles ?

« On ne saura peut-être jamais qui est derrière ce meurtre », estime Stephen Hall, spécialiste de la Russie à l’université de Bath (sud-ouest de l’Angleterre). En revanche, il ne fait aucun doute, pour lui, que cette mort aura des conséquences politiques pour Vladimir Poutine et son régime.
En premier lieu, elle pourrait « remettre Alexandre Douguine sur le devant de la scène médiatique en Russie », estime Jenny Mathers, spécialiste de la Russie à l’université d’Aberystwyth, au pays de Galles. Cet idéologue extrémiste « avait largement été oublié par l’opinion générale russe, et cela fait bientôt une dizaine d’années qu’il n’a plus aucune influence directe sur la politique russe », note Stephen Hall.

L’intérêt médiatique suscité par l’attentat va peut-être donner une seconde vie à ses thèses « eurasistes » – vision du monde selon laquelle le modèle sociétal russe doit être imposé à l’Asie et à l’Europe. S’il est de nouveau régulièrement invité à la télévision russe, « cela pourrait influencer certains auditeurs et continuer à faire grossir les rangs de l’extrême droite », estime Jenny Mathers.
Vladimir Poutine pourrait alors se retrouver « sous la pression du camp ultranationaliste », écrit le quotidien Le Monde. De quoi fragiliser politiquement le maître du Kremlin ? « Cette frange de l’échiquier politique russe va être vent debout à répéter encore et encore que Vladimir Poutine ne fait rien pour rendre sa grandeur à la Russie », note Stephen Hall.

Ce n’est pas nouveau. Les ultranationalistes russes tiennent le même discours depuis que l’armée russe peine à gagner du terrain en Ukraine après l’échec du siège de Kiev. Mais la mort de Daria Douguina risque d’amplifier la portée de leur discours.
Le danger, pour certains, est que cela pousse Vladimir Poutine à intensifier davantage l’effort de guerre russe en Ukraine et à la rendre encore plus meurtrière. Notamment pour la population civile, souligne le New York Times.

Vers un nouveau durcissement du régime

Mais ce serait prêter beaucoup d’influence aux ultranationalistes russes. « C’est un groupe très désorganisé, faible en nombre et en influence », résume Ilya Matveev, politologue russe. Ils n’ont aucun relais auprès de Vladimir Poutine et « le Kremlin les utilise essentiellement pour jouer les propagandistes de la politique russe tout en ignorant leurs revendications », ajoute Luke March.
Ce qui ne signifie pas pour autant que le régime peut ignorer l’attentat. La menace viendrait plutôt de l’opinion publique et des « siloviki » – les membres de la communauté du renseignement – censés être la garde rapprochée de Vladimir Poutine. « Qu’un tel attentat ait pu avoir lieu aussi près de Moscou est du plus mauvais effet pour le pouvoir et peut donner l’impression que le Kremlin ne contrôle pas aussi bien la situation qu’il l’affirme », affirme Stephen Hall.

Et si Vladimir Poutine n’arrive pas à imposer l’ordre, une partie des « siloviki » peut se demander s’il faut continuer à miser sur ce cheval politique vieillissant. « Cela ne signifie pas qu’il va y avoir un coup d’État du jour au lendemain pour se débarrasser de Vladimir Poutine, mais plus probablement qu’il risque d’y avoir un durcissement du régime », analyse Luke March.
Le Kremlin va vouloir donner des gages à l’appareil sécuritaire. Autrement dit, « le plus probable est qu’il faut s’attendre à une accentuation de la répression contre tout ce qui peut ressembler à une forme d’opposition au régime ou à la guerre », conclut Jenny Mathers.

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