Le couloir de la mort

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Notre gloire à la morgue, notre avenir dans le coma, le pays rappelle la nuit d’encre européenne de la grande inquisition et de l’autodafé. Au propre comme au figuré, le feu consume le corps social. 19 soldats ont été tués en Casamance en deux mois. En une semaine, deux jeunes se sont immolés par le feu devant les grilles du palais. En deux jours, trois meurtres ont été recensés à Dakar. Une odeur de soufre et de sang flotte. L’incertitude et le chaos défoncent nos portes. Vaccinés contre le drame, les autorités sirotent tranquillement la vie. Les pontes s’accoudent aux privilèges devant le spectacle hideux de cette tragédie quotidienne. C’est vrai : la cour en a vu d’autres. Les 2300 morts du Diola, les centaines de victimes de l’émigration clandestine et les décès violents dans les commissariats sont passés devant le palais de l’avenue Leopold Sedar Senghor. De manière furtive. Elles ont fait de la mort un marchand ambulant. La grande faucheuse propose des chaussettes low cost. Elle exhibe sa marchandise tous les jours et à tous les coins de rue. Le Sénégal réel est devenu un long couloir de la mort. Erreurs monumentales, peine capitale. Du libéralisme aux libéralités, notre réveil est à la fois pénible et brutal. La situation en Casamance est de loin la plus douloureuse. Le président Abdoulaye Wade doit faire le constat de son échec. Constitutionnellement chargé de veiller sur la sécurité nationale et l’intégrité du territoire, le chef de l’Etat avait imposé, au début de son mandat, le silence sur le dossier. Le staccato des armes lui répond désormais. La paix, dans la partie sud du Sénégal demeure l’une des aspirations les plus fortes des citoyens. Des milliers d’élèves ont marché cette semaine à Ziguinchor pour exiger la fin de ce duel fratricide et stupide. Ce n’est pas une saine occupation pour nos mamans que de coudre tous les jours des linceuls pour leurs enfants. Champion de natation sur les rivières de sang, Seif Al Islam, le fils de Khadafi, aurait trouvé le fleuve Casamance bien à son gout. Les rebelles battent même un nouveau record du monde de cynisme. Ils emportent, comme des médailles, les dépouilles des soldats tués. Cette confiscation de corps est une manière de tuer plusieurs fois les membres de leurs familles. Vous imaginez le désastre ? Non seulement votre enfant tombe sous les balles ennemies, mais vous n’avez même pas la possibilité de le porter en terre, de lui donner une sépulture digne. Cette guerre n’est plus sale, elle devient dégueulasse. Elle s’inspire, peu à peu, de la récente barbarie libérienne. C’est un devoir patriotique de nettoyer ce cloaque au plus vite. Le sang attire les fauves. La porcherie est le paradis du porc. Plus de 3650 jours après l’arrivée du pouvoir libéral, le mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance(Mfdc) s’est manifestement réarmé. La rébellion s’enhardit et pousse les frontières de l’outrecuidance. Avec le soutien logistique et stratégique de la Gambie, elle tente d’imposer sur le terrain un rapport de forces militaire nouveau. Les rebelles ont même réussi là ou leurs devanciers avaient échoué. Vous vous rendez compte ? Le débat est ouvert désormais sur un sujet naguère tabou : le référendum d’autodétermination en Casamance. Nous avons reculé de plus de plus de 20 ans. Et dans un moment aussi grave, situer les responsabilités peut paraître à la fois superflu et périlleux. Les autorités politiques n’assument jamais leurs responsabilités. Elles sont certainement à la recherche d’un bouc-émissaire, mais le devoir de vérité interpelle tout le monde, au-delà des appartenances, des camps et des clans. Les soldats morts et les rebelles tués sont tous des fils du même pays. Pourtant, certains de leurs concitoyens avaient été chargés de mettre un terme aux braquages sur la Transgambienne. Abdoulaye Wade avait eu le loisir de nommer ses hommes et de choisir sa stratégie. Sa politique de la mallette a permis à des malfaiteurs identifiables de s‘enrichir. Ils sont les buveurs de sang du couloir de la mort. Comme des herbes maléfiques, ils poussent, d’habitude, dans les cimetières et sur des tombes. Mais le système informel de gouvernance a fait du pays tout entier un terreau fertile. Sorciers et charlatans y pratiquent le rituel du sacrifice humain pour des voitures et des villas. Ces féticheurs font partie de l’engeance. Une société secrète de l’accaparement et de la convoitise qui a remis au gout du jour l’autodafé. Devant le palais, deux jeunes volontaires sont déjà passés par le bûcher mortel. Mais, il ne faut pas s’y tromper. Ces offrandes ultimes sont pour exorciser un grand malheur. A bon entendeur, salut monsieur le Président !

Aliou Ndiaye

lobs.sn

1 COMMENTAIRE

  1. Merci a Alioune Ndiaye d’avoir écrit ences mots ce que pensent beaucoup de sénégalais. J’avais l’habitude de beaucoup parler dans ces forums mais ces temps ci, je sui tellement choqué et abassourdipar les événements qui s’enchaînent que j’ai du mal a piper un mot. Encore merci

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