Le crétinisme est dans la cité

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Faut-il en rire ou en pleurer… Ah, le spectacle tordant (ou poignant, c’est selon) que ce 18 juillet 2012, avec ces hordes d’étudiants aux abois qui désertent précipitamment le temple du savoir au fronton duquel il est inscrit que la lumière est sa loi, vaincu par l’obscurantisme triomphant en pleine cacophonie.

Ce dont il faut s’étonner, à mon sens, c’est bien de la stupeur qui frappe le dernier ilot des sceptiques qui ne comprennent pas comment des universitaires peuvent succomber aussi facilement à leur tréfonds païen. Ben voyons, vous savez bien : de l’entrée en sixième à l’agrégation, le chemin de nos diplômés dégouline d’eaux bénites, est parsemé de cornes de boucs, surchargé de fioles ténébreuses et de stylos trempés de formules cabalistiques… Y’a toujours, à la veille de l’examen, la formule magique qui convainc le correcteur anonyme, en dernière instance, d’accorder les points qui font l’admission. Ceci explique cela.

L’université, depuis bien longtemps, pourrit par la tête. Suffit de tourner un bouton, télé ou radio, au choix, une fois dans la semaine, pour entendre en direct à quel point le savoir est dépenaillé et le bon sens démissionnaire. Entre les dahiras qui recrutent à tours de bras depuis trente ans au cœur du campus, le p’tit commerce qui prend ses aises, la politicaille qui y apprend ses premières gammes canailles, y’a plus vraiment le temps de «questionner le questionnement» comme dirait quelque philosophe surdimensionné.

Allez, avouons : l’ultime bataille est perdue. Depuis que, par exemple, ça fait une décennie, des footballeurs et des lutteurs voient les portes du palais s’ouvrir grand devant eux, alors que l’armée des cracks qui font le gotha du Concours général reste dans de grandes salles de théâtre à s’ennuyer une matinée entière en compagnie du président de la République, lequel a manifestement souvent l’esprit ailleurs à ce moment là. C’est bien simple, cette année-ci, pas de concours général… Mauvais signe des temps ?

Le Sénégal des profondeurs, qui éructe au quotidien son paganisme viscéral, vient de planter son drapeau obscur au sommet de l’université, laquelle guette, le regard au ciel, non pas les découvertes de l’astronomie, mais les édits de quelque jeteur de cauris que son marketing aura vendu plus que de raison.

En fait, plus que désintégrer le socle culturel, ce serait tuer l’économie nationale, que de supprimer le droit des citoyens à croire à leurs propres balivernes en toute démocratie. Les audits que le pays réclame à cors et à cris, ils s’arrêteront toujours aux portes de cette société de la superstition, dans laquelle des gouffres financiers se sont réfugiés, sûrs de leur inviolabilité. Des régions entières vivent de cette industrie du charlatanisme dont l’un des produits dérivés, la cola, s’importe par cargaisons, tandis que les poules blanches ou rouges, les moutons ou chèvres à quatre cornes battent des records aux enchères en période d’effervescence électorale.
Au fond, nous sommes face à la première industrie culturelle, sans doute également le premier employeur de notre pays, dont la vitrine la plus étincelante reste le monde bigarré de la lutte. Tous les week-ends, l’art de la malveillance et la science de la malfaisance d’une ethnie, d’une contrée ou d’une confrérie nous sont vendus à travers le cirque des arènes. Les pays développés font fortune avec des armes de destruction massive ? Nous, on a nos amulettes de meurtre téléguidé. Combien a rapporté à la famille de Baye Niasse l’odyssée de Tyson, depuis son triomphe sur Tapha Guèye, en 1997, jusqu’à ses premiers déboires devant Bombardier ? Combien de Sénégalais ont pu résister à l’attrait des sorciers sérères pendant l’interminable règne de ses champions, depuis le sacre du roi Manga jusqu’à la déchéance de l’empereur Yékini ?

La révolution Balla Gaye II, c’est surtout le retour des bonnes affaires pour le mysticisme socé qui voit son fonds de commerce démoli par un impitoyable Manga II face à un Double Less vieillissant il y a de cela plus d’un quart de siècle. Là, avec le sacre de Balla Gaye II qui tombe sans remords Yékini, dans tous les antres à magie de Casamance, ça se frotte les mains et prie pour qu’Eumeu Sène ou Modou Lô ne viennent pas mettre un terme prématuré à la saison qui s’annonce.

Non, renoncer à notre bonne vieille superstition, ce serait tuer la médecine du pauvre, qui se nourrit du désespoir de nos âmes pécheresses, et enrichit ses apothicaires et botanistes de l’à-peu-près, ses traqueurs d’albinos, et ses chasseurs de ngoutout. C’est ôter une bien factice espérance de vie à nos compatriotes démunis et qui se laissent dériver dans la survie, agrippés à cette maigre planche de salut qu’est leur soumission aveugle à leur funeste sort.
On ne vous le dira jamais assez, de toutes les formes de tourisme, la balade dans les coins isolés de la civilisation des lumières est une sacrée manne. Osons le mot, le tourisme mystique qui ne figure sur aucun dépliant des bureaux qui vendent la destination Sénégal n’en est pas moins un des attraits les plus efficaces. Cestes, pour aller à la rencontre du Saltigué capital qui garantit le sursis à nos incorrigibles errements, ce n’est pas dans un quatre étoiles climatisé qu’on se vautre, et faut pas s’attendre à y sabler de la Veuve Clicquot. Mais ça fait vivre le patelin, qui vous fourguera la volaille et les œufs zébrés d’écrits saints, le «kopati» sous lequel les cris du Bilal ramèneront la chance de votre côté.

Ils sont combien de nos congénères à couillonner du blanc de blanc, par exemple, dès l’instant magique où le Sénégal triomphe de la France en match d’ouverture de la coupe du monde le 31 mai 2002 ? Combien à avoir fait fortune parce que dans le monde entier, le but de Pape Bouba Diop a un p’tit quelque chose de surréaliste ?

Allez, restons Sénégalais. Et laissons Marième Faye Sall nettoyer le Palais présidentiel millimètre après millimètre, à grandes eaux troubles, avant d’y installer ses pénates et quelques cornes salvatrices en contre-attaque des talismans que Viviane Wade y aurait enterré par mégarde. On ne survivrait pas à un autre choix de vie…

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