Le Président Macky Sall à Boston: « Qu’on me juge au terme de mon mandat »

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Macky Sall reste fixé sur son agenda présidentiel, conformément à ses promesses électorales. Le Chef de l’Etat qui souhaite être jugé au terme de son mandat ne compte pas se laisser distraire, ni dans la traque des biens mal acquis, ni dans sa définition des priorités qu’appelle la situation du Sénégal. Le suivi et la préservation des acquis de Benno Bokk Yaakaar restent politiquement importants en  direction des élections locales de 2014, selon le Président Macky Sall. La question des talibés mendiants revenue au-devant de l’actualité depuis l’incendie mortel de la Médina à Dakar est abordée avec la promesse que l’Etat continuera à lutter contre toutes formes d’exploitation des enfants, ce qui passera par un soutien aux établissements religieux et la promotion des daaras respectueux des droits des pensionnaires. Le renforcement de l’axe de coopération Dakar-Washington est aussi abordé par le Chef de l’Etat dans l’interview accordée à Boston, à notre correspondant Dame Babou.

Sud Quotidien: Monsieur le Président, quelles sont les quatre ou cinq priorités que vous pourriez indiquer aux Sénégalais et sur lesquelles vous souhaiteriez être jugé dans trois ou quatre ans ?

Macky Sall :  Vous savez, nous avons plusieurs priorités aujourd’hui, compte tenu des urgences, mais les urgences ne doivent pas faire oublier l’essentiel. Les quatre ou cinq priorités que je voudrais lister ici et que j’ai déjà développées lors de ma campagne sont, en premier lieu, l’agriculture qui va apporter la réponse à la question de la sécurité et de l’autosuffisance alimentaires. J’aimerais, d’ici quatre à cinq ans, au terme de mon mandat, que nous puissions évaluer l’évolution de la production agricole au Sénégal, l’enrichissement des paysans par rapport au moment où je prenais fonction, et toutes les transformations structurelles dans le secteur d’ici à cette période. Bien entendu, on ne peut pas, en une année, définir des politiques de réforme, les mettre en œuvre et voir les résultats.

Le deuxième secteur-clé pour le Sénégal, reste l’énergie. D’un point de vue structurel, la question de l’énergie doit être revue pour que notre système de production soit un système moins onéreux, pour une maîtrise conséquente des énormes subventions de l’Etat au secteur. Il faut savoir que cette année, nous injectons autant d’argent que le budget du ministère de la Santé, rien que pour maintenir le prix de l’électricité à son niveau actuel ; ce n’est pas viable. Il nous faut trouver des solutions, et nous sommes en train de nous y atteler à travers le mix énergétique, la diversification des sources : en privilégiant le gaz naturel aujourd’hui, mais également le charbon, tout comme les énergies fossiles, et en ayant toujours à l’esprit, les nouveaux développements des énergies renouvelables, notamment le solaire et toutes les énergies annexes. Sur l’énergie  donc, j’aimerais être jugé au terme de mon mandat.

La troisième priorité, c’est l’emploi, particulièrement celui des jeunes. Bien entendu, le développement de l’agriculture va être un facteur important, puisque c’est un secteur qui, bien entretenu, géré et  modernisé, générera le plus d’emplois.

La quatrième priorité, ce sont les infrastructures. Parce qu’elles assurent les bases du développement, il y’aura les routes, les Chemins de fer que je compte reprendre et les pistes de production qui devront être les nervures qui vont retrouver le squelette structurant les grandes routes, ainsi que des autoroutes. Le projet autoroute a démarré ; j’entends le poursuivre sur les deux axes majeurs que sont : l’axe Diamniadio – Thiès – Touba, et l’axe Mbour – Kaolack – Tambacounda, plus tard.
J’ai également l’honneur d’avoir été désigné par mes pairs africains,  pour diriger le NEPAD. Et là aussi, nous parlons des mêmes priorités, à savoir les infrastructures, chemins de fer, routes, énergie et agriculture, donc la sécurité alimentaire.
Je pense que, autour de l’agriculture, de l’énergie, de l’emploi des jeunes   et du monde rural de façon générale, nous pourrons créer un environnement favorable qui fera que l’investissement privé va rejoindre nos efforts en matière d’investissements publics. C’est cela qui devrait à terme, marquer notre croissance.

Sud Quotidien: Que répondez-vous à ceux qui se demandent pourquoi  le Président Macky Sall qui doit rencontrer prochainement le Président Barack Obama vient à Boston, pour livrer un discours à l’Ecole Kennedy School of Government de Boston ? Quel lien entre ces deux voyages ?

Macky Sall : Les deux voyages sont différents mais aussi tout à fait liés. Au Sénégal, nous n’avons pas la même compréhension du rôle de l’Université. Je rappelle que le Harvard University est quasiment la première université des Etats Unis, et donc du monde. C’est la plus ancienne et les influences de ces institutions sur les politiques sont tout à fait remarquables.

Je rappelle également que l’Université qui m’a fait l’honneur de m’inviter à travers le Kennedy Forum School of Government, qui est en quelques sorte, l’école qui forme dans le management, dans l’administration, et dans la gouvernance, a une relation d’intimité avec les pouvoirs publics à Washington.

Je ne pouvais pas refuser cette invitation parce que c’est un honneur. T puis, c’est sur mon chemin pour Washington, où je me rends en visite officielle. Là, c’est le président des Etats Unis qui m’invite sur la base de sa grille de lecture par rapport aux leaders qui aujourd’hui en Afrique, incarnent le renouveau, la démocratie et la bonne gouvernance. Donc, tout est lié. Je ne pouvais pas ne pas répondre à cette invitation. Je suis sûr que les connections et le lobbying, de même que les rapports qui peuvent être faits, ne feront que renforcer l’axe de coopération déjà exemplaire entre Dakar et Washington.

Sud Quotidien: Monsieur le Président, dans ce contexte diplomatique, on peut noter que se pose le problème de l’insécurité en Afrique de l’Ouest, avec notamment l’attaque du Mali par des hommes qui se réclament de l’Islam. Pendant ce temps, au Sénégal, on parle des daaras, avec des enfants livrés à eux-mêmes ou souvent utilisés par des gens véreux. Quelles sont les mesures que vous envisagez de prendre pour y mettre un terme ?

Macky Sall : D’abord, je voudrais vraiment éviter toute confusion entre les daaras, l’Islam et l’exploitation des enfants. Il en est de même s’agissant du terrorisme et de  l’Islam. On ne peut pas, au nom de l’Islam, pratiquer la violence, tuer, déshonorer. Ça, ce n’est pas l’Islam.
Là aussi, lorsque l’on parle de daara, il faut qu’on fasse la différence  entre l’enseignement coranique de façon traditionnelle à travers nos daaras, et la forme répugnante que nous voyons aujourd’hui dans nos sociétés, où des maître-chanteurs ou d’autres escrocs utilisent des enfants pour les faire mendier, voire pour les exploiter, y compris sexuellement. Ce sont ces phénomènes que nous combattons. Notre société doit protéger ses enfants, dont ces talibés.
J’ai déjà instruit le gouvernement pour dire que nous devons être plus présents aux côtés des écoles coraniques que nous devons aussi soutenir, puisque l’enseignement catholique est déjà soutenu par l’Etat,  à travers des lignes de subventions du ministère de l’Education nationale.

Aujourd’hui, nous devons travailler avec les chefs religieux à travers les daaras. Sur ce registre, Coki est un exemple. A Saint-Louis aussi, j’ai visité des daaras modernes où des bonnes volontés prennent leur patrimoine, y hébergent des enfants, les nourrissent, les habillent, les soignent. Ceux-là méritent tout le soutien de l’Etat. Ils nous faut  organiser cet enseignement. J’ai discuté avec nos partenaires de la Banque Islamique de Développement, et même avec la Banque Mondiale. Cette dernière est prête à nous accompagner dans la construction de daaras modernes et la prise en charge de leurs besoins.

Il ne s’agit donc pas de s’attaquer aux enseignements religieux. C’est contre l’exploitation des enfants que nous nous élevons. Ces jeunes victimes sont dans la rue où on les utilise à n’importe quoi, parfois à l’insu de leurs parents, donc contre la société.

Sud Quotidien: Monsieur le Président, tout ce débat est aujourd’hui pollué par celui relatif à la lutte contre l’impunité, dont vous vous aviez fait un des points essentiels de votre campagne pour la dernière élection présidentielle. Des procédures ont été déclenchées, mais il y’a beaucoup de débats ! Où en êtes-vous réellement avec ces procédures, et qu’est ce que les Sénégalais peuvent en attendre ?

Macky Sall : Vous comprendrez que ceux qui n’ont pas intérêt à ce que la vérité se manifeste utiliseront tous les stratagèmes pour polluer le discours public. Mais je peux vous dire que je reste extrêmement concentré sur les objectifs stratégiques que j’ai tracés, à savoir que les biens publics seront préservés, que les deniers publics seront préservés. La Justice travaille ; et elle travaille à son rythme.
Le rythme de la presse ne peut déterminer les conclusions des enquêtes. Lorsqu’à travers son Parquet spécial, la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite aura fini, elle notifiera comme la loi le lui Indique les assignations aux personnes concernées. Ces dernières auront le temps (un mois, ndlr) pour se justifier. Cela se fera. Qu’il y’ait confusion ou pas, polémique ou pas, ce calendrier est immuable. Evidement, il y’a beaucoup de gens qui n’ont pas intérêt à ce que cela fasse dans la sérénité ; je les comprends.

Sud Quotidien: Des membres de votre parti, et pas n’importe lesquels, de même que certains leaders de l’opposition, parlent déjà des prochaines élections locales. Irez-vous tous sous la bannière de Benno Bok Yakar ?

Macky Sall : Il faut dire que des élections charrient toujours des passions, ce qui est normal. Les locales sont encore plus difficiles puisque les enjeux sont éclatés. Déjà un seul parti n’arrive pas à trouver l’unité en son sein, a fortiori une coalition de partis, voire une coalition de coalitions. Mais nous devons rester sereins et concentrés sur l’essentiel. Je pense que, quelles que soient les configurations qui se feront lors de ces consultations, cela ne remettra pas en cause fondamentalement, les acquis de Benno Bokk Yakar. Je rappelle qu’en 2009 déjà, lors des dernières élections locales, nous étions dans Benno Siggil Sénégal, mais nous n’étions pas d’accord. L’APR venait d’être portée sur les fonts baptismaux.

Dans bien des localités nous avions nos propres listes et dans d’autres, nous étions avec Benno. J’ai été élu maire de Fatick à travers Benno, et j’ai gagné d’autres localités à travers l’APR, tout seul avec notre coalition « Dekkal Ngor ». Il faut  dès lors, aborder ces questions avec sérénité. Il ne doit pas y avoir de diatribes entre alliés. Nous verrons au cas par cas, selon que le problème se posera, ville par ville, communauté rurale par communauté rurale, région par région. Là  où les convergences  peuvent être trouvées, on les exploitera comme nous l’avons fait pour les législatives. Chaque fois qu’il ne sera pas possible d’aller ensemble, qu’on assume cela, et que les bases assument. Nous continuons notre travail. Il n’est donc pas nécessaire  de  donner une dimension outre mesure à cet aspect.

Sudonline

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