Le secret professionnel ou secret coincé entre transparence et opacité sous l’arbitrage des médias !

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Par ces temps qui courent, peu de sujets suscitent autant d’intérêt et de curiosité que le secret professionnel. Chacun suivant ses propres motivations, se fait insidieusement une opinion sur la question. Et tout le monde y va avec passion. Dans ce grand débat où juristes et non-juristes se confondent, où vérité et contrevérité convergent, et où dame justice est la cible de tous, les médias jouent le rôle d’arbitre ô combien salutaire, mais sans verdict.
N’est-ce pas le propre des démocraties de laisser subsister des contradictions ? Dans un bel article intitulé, «le principe de justice» Paul-Albert Iweins, ex-Bâtonnier de l’ordre des avocats à la Cour d’appel de Paris, répond par l’affirmative en écrivant que «Médias et justice ne sont en plein accord que dans les dictatures». Seulement, professionnels de la justice et journalistes n’ont pas la même notion de temps. Cette notion fondamentale qui les sépare est la source des fuites, des malentendus, des incohérences que les droits de réponse ne pourront jamais réparer.
Le temps est nécessaire à la justice pour la recherche de la vérité, pour le débat contradictoire avec l’exposé de thèses, l’analyse, puis la réflexion et la décision. En revanche, le temps des médias est celui de l’instant, de l’immédiateté, de l’inévitable raccourci. Or réduire pour être sûr d’être lu, cru ou compris ou tout simplement pour servir l’opinion, c’est trop souvent caricaturer. Maître Iweins fait remarquer, à juste titre que «conflits de droit, de devoir, de pouvoir… les relations entre la presse et la justice ne sont pas prêtes de s’améliorer». Le public a le droit de savoir et veut tout savoir, alors que chacun a droit à une part de secret. Et ajoute Jean-Claude Magendie, ex-président du Tribunal de grande instance de Paris, «si l’opinion est avide de transparence, les mêmes qui désirent tout savoir sur autrui manifestent un souci inversement proportionnel de ne pas voir leur problème porté sur la place publique». Au demeurant, la justice est rendue au nom du Peuple, lequel fait l’opinion. C’est sous cet angle, pensons-nous, qu’il faut comprendre que le secret professionnel, archétype des secrets, est coincé entre transparence et opacité. A l’obligation de garder le secret professionnel s’oppose une certaine communication utile.
Le secret de l’enquête et de l’instruction s’oppose à l’information du public. Soit ! La publicité donnée par les médias à une affaire judiciaire peut porter atteinte à la vie privée, au secret professionnel. C’est vrai ! Mais, ironie du sort, le secret professionnel, c’est aussi l’arbre qui cache la forêt. Il sert de masque aux démagogues, aux détourneurs de deniers publics. L’homme, «misérable tas de secrets», comme l’appelle André Malraux concède donc une partie de son intimité d’autant plus que sans cette concession, «le contrat social» théorisé par Rousseau s’avère impossible parce qu’irréalisable. Dans le contexte d’un Sénégal qui se vante de privilégier l’information et la transparence, le secret professionnel -comme le secret tout court- a du mal à résister. Il est porteur d’obscurité, de ténèbres, de dissimulation, d’opacité, de clandestinité, de déloyauté. C’est pour cette raison qu’il empiète la transparence, qui laisse apparaître les idées de clarté, de limpidité, de pureté et de netteté avec comme objectif, la vérité.
Selon le mot du juge Mangedie, «cet idéal de transparence est la conjugaison inquiétante de la passion de la vérité, de la vertu, du contrôle, du soupçon et du droit». Faut-il s’étonner alors que la sphère du secret, de l’intime soit rétrécie ? Assurément non ! Une communication utile parce que rare, sobre, limitée, bien documentée et précise, permettra toujours de combler le gap résultant de la dialectique secret professionnel-transparence. Maître Iweins a raison d’écrire à cet effet que «la justice a besoin de secret mais elle ne peut s’y abriter trop longtemps, au risque de tomber dans l’arbitraire».
Les Sénégalais exigent de connaître au centime près, le montant des revenus de leurs dirigeants et leurs origines licites. C’est dans cette logique que les réformes en cours tant attendues, doivent aboutir à l’édification de lois de transparence.
Et que vive le Sénégal des lumières !

Ibrahima DIOP
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