Limogeage du procureur spécial près la CREI, Alioune Ndao – Les réactions

Date:

Me Ciré Clédor Ly, avocat de Karim Wade : «Je suis triste et je me sens très solidaire de Alioune Ndao»
Je ne pense pas que la façon dont M. le Procureur spécial a été démis soit une élégante et civilisée parce que nous sommes dans un Etat de droit. Les institutions ont une certaine indépendance et les juges et les procureurs, comme les avocats, ont droit à un respect. Cette démission est une gifle et une humiliation envers quelqu’un qui, peut-être, en toute innocence, servait et pensait servir l’Etat.

Même si nous ne sommes pas d’accord avec lui, nous avons quand même le devoir, au moins, de lui créditer une certaine présomption que c’est avec son esprit et ses convictions qu’il accomplit son devoir. Donc aujourd’hui, ce n’est pas seulement un serviteur de l’Etat qui a été humilié, mais tous les acteurs (de la justice) et toute l’institution (judiciaire). Si on dit que la justice est une autorité et non une institution, cela veut dire qu’elle a des droits et des égards. Je pense que les magistrats devraient désormais réfléchir à cela et ne devraient, quel que soit le poste qu’ils occupent, servir que le droit et non les hommes, ne rechercher que la vérité et non pas être arrimés à une machine politique. Je suis animé par un sentiment de tristesse et je me sens très solidaire de M. Alioune Ndao. Les Sénégalais doivent avoir peur. Peut-être qu’on saura un jour les raisons de son départ. Peut-être aussi qu’à un moment donné, il a senti que nous sommes en train de patauger dans un mensonge, qu’il a voulu redresser et que cela n’a pas plus. En tout état de cause, s’il a été démis de cette façon c’est parce que nécessairement il y a un conflit avec l’autorité politique. Ce procès est éminemment politique, ce qui ne veut pas dire que les juges sont politiques, mais bien la nature de l’infraction qui l’est. Aujourd’hui que va faire la Cour ? En tout cas, elle a toutes les raisons d’avoir peur parce que cette humiliation peut ne pas les épargner. Alors, disons que le droit a une force tout comme la loi, mais ce sont les hommes qui doivent l’incarner de par le courage et les vertus qui les habitent. Même démis, il aurait pu continuer à l’audience jusqu’à ce que le décret sorte. Mais il est humain et la gifle a été très grotesque et sans commune mesure. Et je présume que tout être humain, à sa place, aurait trouvé des motifs de ne pas poursuivre cette audience. Ça pue le mensonge et l’arbitraire. Voilà pourquoi peut-être il n’est pas revenu reprendre l’audience.

Me Samba Bitèye, avocat de l’Etat : «Les hommes ne sont pas éternels»
«Je n’ai aucun sentiment par rapport au départ de Alioune Ndao. Les hommes, on s’y habitue, mais globalement ils ne sont pas éternels. Je ne pense pas qu’il y ait des conséquences à attendre de l’affectation ou du départ d’un magistrat. La première conséquence c’est que l’affaire est renvoyée, ce qui ne veut pas dire qu’elle est arrêtée.»

Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Lsdh : «Forcément, il y aura un impact sur la maîtrise du­ dossier»
«Il serait exceptionnel de démettre un procureur en cours de procès. Si c’est le cas, c’est sans doute pour une raison grave. Cela traduit un malaise profond. Le Conseil supérieur de la magistrature, sous la houlette du président de la République, peut à tout moment, sur proposition de ce Conseil, nommer un magistrat, mais c’est le contexte qui paraît invraisemblable. Un procureur qui fait son réquisitoire qui sous-tend une accusation, qui la défend et subitement on le démet de ses fonctions de procureur par rapport à la cause, même si la légalité ne se pose pas, l’élégance républicaine ne l’autorise pas. C’est une situation inédite pour moi. En tant que juriste et militant des droits de l’Homme, j’ai besoin de savoir ce qui s’est passé. Bien entendu, quand le Procureur spécial qui a piloté, conçu et rédigé tous les actes principaux démissionne, son suppléant ou son remplaçant ne sera jamais au diapason de tout ce qui a été fait. Même si par ailleurs il a une doublure, il reste que le Procureur spécial en chef était monsieur Alioune Ndao. Forcé­ment, cela aura un impact sur la maîtrise du dossier, quelles que soient les compétences de celui qui est annoncé comme son remplaçant.».

Le Quotidien

3 Commentaires

  1. Aliou Ndao voulait arrêter de grosses pontes de l’ancien régime, c’est pourquoi il est limogé. Et aussi pour ne pas poursuivre le théâtre devant tous les grands quelqu’un qui seront parmi nous pour le sommet. Ces personnalités n’étant pas venus pour rire.
    Cela fera une sucette pour les fanatisés. Ils auront où s’accrocher: « le grand Aliou Ndao voulait arrêter tous les « voleurs » sans aucune considération ». Ce faisant, ils ne verront pas tout ce que leur sucette leur fait perdre. Ils oublieront que c’est le « grand » Macky qui a limogé le « grand » Aliou Ndao. Il leur faudra choisir leur dieu. Ils avaient retenu que Macky ne protégera personne, que c’est la rupture, la bonne gouvernance; la reddition des comptes pour tous, sans exception, et d’ailleurs la déclaration de patrimoine; que Macky ne s’immiscera pas dans des affaires pendantes à la justice, que la justice sous Macky est libre et indépendante (pas la même chose que sous Wade), que Macky ira jusqu’au bout. Maintenant, notre fanatisé se retrouvera obligé de mettre une croix sur tout ce gargarisme intérieur pour faire place net au nouveau concept : le grand L’Autre a limogé le grand-ci parce que le grand-ci voulait appliquer l’indépendance de la justice, qu’il voulait aller jusqu’au bout, qu’il ne voulait de protection pour aucun « voleur », et toutim. Il va bien falloir faire son choix: le grand L’Autre ou le grand-ci.

    Xeme vous dit: libérez-vous, reprenez votre cerveau. Sinon, tant ira la cruche à l’eau qu’à la fin elle se cassera.

  2. VOUS Y ËTES PAS ! C’est quand le Président de la République a été informé que le Procureur a fomenté un coup de bluff, en faisant croire aux Sénégalais, qu’une commission rogatoire avait été envoyée à SINGAPOUR que les choses se sont gâtées entre le Président Macky Sall et les procureurs de la CREI ! Selon certains, en général bien informés, le Président MACKY SALL trouvait irresponsable que des procureurs se soient permis de bluffer avec cette histoire de commission rogatoire dont on nous disait qu’elle était partie à SINGAPOUR !

  3. Dans les véritables Etats de droit Européen, le Procureur N’daw n’aurait pas été humilié de cette manière sans avoir le soutien totale du Syndicat de la Magistrature ! Curieusement, on a l’impression que ce que nous appelons syndicat de la Magistrature au Sénégal n’est pas, comme le sont ceux d’Europe, en particulier de la France, notre référence ! Ces gens ont si peur de compromettre leur belle carrière, qu’ils s’aplatissent tous à toute décision de la Chancellerie , quelle qu’elle soit !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE