[Opinion] Affaire Charlie Hebdo : au-delà de l’émotion et de l’indignation Par Modou Mamoune FAYE

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« Le mercredi 7 janvier 2015, une vague d’émotion a saisi le monde après l’attaque lâche et barbare contre les locaux de l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo qui a fait douze morts (parmi lesquels les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinski, Tignous et l’économiste et chroniqueur Bernard Maris) et de nombreux blessés. Tout homme épris de liberté doit condamner, énergiquement, une telle action car personne n’a le droit d’ôter la vie d’un être humain.
Dans un monde où la haine et l’extrémisme gagnent chaque jour du terrain, cet acte terroriste vient nous rappeler l’extrême fragilité de notre existence et, surtout, la montée des périls qui menace le socle sur lequel repose l’Humanité. Un socle quotidiennement ébranlé à cause des rudes coups que lui portent deux extrémismes : le camp des fanatiques qui manipulent les croyances pour s’attaquer à ceux qui ne pensent pas comme eux et celui des illuminés qui se cramponnent à la liberté d’expression pour écrire, dire ou montrer tout ce qui leur passe par l’esprit, sans penser aux fâcheuses conséquences que cela pourrait engendrer.
L’attaque des locaux de Charlie Hebdo et l’assassinat de ses journalistes est sans doute la conséquence de la confrontation entre ces deux camps. Les premiers affirment que leur foi a été bafouée tandis les seconds ont la fâcheuse manie de s’amuser avec ce que les autres ont de plus sacré : la foi et la croyance.
Les extrémistes qui ont mené l’expédition mortelle de mercredi dernier disent agir au nom de l’Islam (une religion qui, pourtant, symbolise la paix et la tolérance), tandis que, face à eux, se dressent ceux qui se sont proclamés « fantassins de la liberté d’expression » et se donnent le droit d’insulter la croyance religieuse des autres.
Et ce qui devait arriver arriva. Pourtant, on aurait pu éviter ce drame si, de chaque côté, on avait fait preuve de retenue et de moins d’arrogance. En notre qualité de journaliste et de défenseur acharné des libertés, nous sommes de tout cœur avec les confrères qui ont perdu la vie.
Cependant, au-delà de l’émotion collective et des indignations parfois sélectives, il faut se poser ces questions : Charlie Hebdo n’a-t-il pas poussé trop loin le bouchon de la provocation ? Que cherchaient ses journalistes et caricaturistes en dressant, dans de nombreux numéros, des portraits grossiers du Prophète Mohamed au point d’écœurer une grande majorité de musulmans ?
Agissent-ils au nom de la liberté d’expression ou sont-ils simplement motivés par l’appât du gain qui pourrait résulter des ventes de leurs publications, à l’image de ce fameux numéro de février 2006 dans lequel Charlie Hebdo reprit les caricatures du journal danois Jyllands-Posten, ce qui lui permit de vendre 400.000 exemplaires alors qu’il parvenait à peine à écouler son tirage normal de 140.000 exemplaires ?
Il est vrai que Charlie Hebdo n’épargne personne. Ses caricaturistes « croquent » tout le monde : hommes politiques, musulmans, catholiques, juifs, etc. D’ailleurs, à ses débuts, le journal avait été traîné en justice par la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) qui s’était indignée de la manière dont avait été évoquée la visite à Tel-Aviv du président égyptien Anouar El Sadate.
Cependant, force est de reconnaître que, depuis quelques années, il y a comme un « acharnement » de Charlie Hebdo sur l’Islam avec des « Une » tout aussi nauséabondes les unes que les autres.
D’aucuns disent même que la religion musulmane et le Prophète Mohamed sont devenus le fonds de commerce de l’hebdomadaire satirique français. Disons-le tout net : personne n’a le droit, au nom de la liberté d’expression, d’offenser ou de ridiculiser un Prophète qui, depuis des siècles, symbolise la foi de centaines de millions de croyants. D’autant plus que certaines caricatures de Charlie Hebdo sur le Prophète Mohamed sont franchement ridicules, bêtes, méchantes et n’ont aucune valeur informationnelle.
Ce qui est déplorable est que cette « audace » de Charlie Hebdo est, hélas, parfois encouragée par les autorités françaises, en dépit des protestations des musulmans à travers le monde et des plaintes d’associations confessionnelles.
En effet en mars 2006, un mois après la publication des caricatures du Prophète Mohamed, une cérémonie spéciale dédiée aux dessins de presse avait été organisée par le ministère de la Culture. A cette occasion, les autorités françaises saluèrent l’audace et le courage dont firent preuve les dessinateurs Cabu, Wolinski, Charb et les autres en caricaturant vulgairement le Prophète de l’Islam.
A l’époque, le directeur de cabinet du ministère de la Culture, Henri Paul, avait même insisté sur leur statut « d’acteurs de la liberté » et annoncé la mise sur pied d’une « mission pour la conservation et la valorisation du dessin de presse » dont le parrain n’était autre que Wolinski, figure emblématique de Charlie Hebdo.
Pourtant, en revisitant l’histoire de Charlie Hebdo, on se rend compte que ses dirigeants savent parfois, si ça les arrange, faire preuve de « fermeté » lorsqu’un membre de la rédaction ose commettre des « fautes déontologiques ».
Ainsi, en juillet 2008, le journal n’avait pas hésité à licencier Siné, l’un de ses plus talentueux collaborateurs, lorsque ce dernier publia un article jugé antisémite et refusa de présenter des excuses comme le lui demandait Philippe Val, alors directeur du journal.
L’article de Siné faisait allusion aux fiançailles de Jean Sarkozy (fils de Nicolas Sarkozy) avec une héritière du groupe Darty, qui est de confession juive. L’affaire avait entraîné une vive polémique au sein de la rédaction et suscité la désapprobation d’éminents chroniqueurs tels que Michel Polac.
Alors deux questions : pourquoi ce qui est valable pour une religion ne l’est pas pour une autre ? L’honneur du fils de Sarkozy est-il plus important que celui de centaines de millions de musulmans dont le Prophète est régulièrement caricaturé dans les colonnes de Charlie Hebdo ?
La liberté d’expression ne rime pas avec la liberté d’insulter et de tourner en dérision la religion d’autrui, quelle que soit cette religion. Dans ce monde instable où nous vivons, nul n’a le droit de tout désacraliser au nom de la liberté. Si tout est désacralisé, l’Humanité perdrait toute sa raison d’exister et les hommes ne seraient alors que des âmes tourmentées, désincarnées et exposées à toutes sortes de dérives.
Nous devons alors nous départir de l’hypocrisie ambiante, de l’indignation sélective et dire les choses telles qu’elles sont : en France et dans certains pays d’Europe, une campagne d’islamophobie et de xénophobie est insidieusement menée par des intellectuels comme Alain Finkielkraut, Michel Houellebecq, Eric Zemmour, etc., avec la complicité de médias qui distillent la haine au sein de leurs sociétés.

Post scriptum : Rappelons que Charlie Hebdo est né des cendres de Hara Kiri, un hebdomadaire satirique créé au début des années 1960 et interdit le 17 novembre 1970 par le ministre français de l’Intérieur, Raymond Marcellin. L’interdiction avait été motivée par la publication d’un numéro titré : « Bal tragique à Colombey : un mort ».
Le titre faisait référence au décès du général Charles de Gaulle, le 9 novembre 1970, dans sa propriété de Colombey-les-Deux-Églises. L’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo fut lancé une semaine après la disparition de Hara Kiri et d’aucuns affirment que son nom avait été expressément choisi par allusion à celui du défunt général et dirigeant français. Tout cela montre que Charlie Hebdo s’inscrit en droite ligne d’une tradition de journalisme satirique « bête et méchant » symbolisé par Hara Kiri. »
*Journaliste au quotidien Le Soleil

6 Commentaires

  1. La méthode est connue et rodée. Les titres qui vont suivre, des mois après, ne feront que confirmer la version cousue de fils blancs de terroristes islamistes. Chaque matin devant notre source d’info (télé, radio, journal papier, site internet) nous recevons notre dose d’abrutissement. On nous balance qu’un responsable d’Al Qaïda (Al CIA) du Yemen (logique l’attentat était déjà lié à Yemen; il faut confirmer) menace la France. Nous apprenons que les terroristes ont pris la précaution de déposer leur carte d’identité dans la voiture. On nous dit que des journalistes les ont appelé au téléphone, et qu’ils sont passés à table. Ils ont dit que ce sont eux. Ils ont exactement dit ce que les journaux nous avaient dit. Point. C’est tout. Il faut avaler. Si vous cherchez à comprendre, c’est que vous êtes un terroriste conspirationniste, un idiot, un con, un attardé mental constipé du bulbe. Pour ne pas être tout cela, pour être un homme intelligent et moderne, un scientifique, alors dites « oui, c’est vrai ». L’avez-vous dit ? Vous voilà devenu un être normal, comme tout le monde. N’est ce pas plus simple de croire sans preuve ? N’est ce pas plus simple de faire comme tout le monde (le monde qui avale ce que les journaux disent) ?

    Au fait c’est quoi avoir la foi aveugle ? C’est croire sans preuve, être prêt à insulter, à tuer pour cette foi sans preuve ?
    Non. C’est croire à l’Islam. Mais avaler ce que la télé dit sans preuve, on ne peut pas appeler ça « foi ». Sauf si on est un con qui essaie de comprendre.

    • Justement je veux faire ressortir que ceux qui sont dans l’irrationnel mènent le monde dans leur tempo. Ce sont eux qui ont les radios, les télés, ce sont eux qui parlent qui jouent aux grands savants, alors que ce sont de fieffés idiots manipulés par des crapules.

        • Fadaises qui jouent à la logique. Les seuls idiots irrationnels prouvés se sont ceux qui nous répètent, pour nous forcer à y croire, un terroriste qui dépose sa carte d’identité dans la voiture volée qu’il a utilisé.

          Vous avez aimé le terroriste pilote d’avion qui a heurté un building qui s’est effondré créant un incendie avec une chaleur qui a fondu tout l’avion, l’acier de l’immeuble, mais qui a laissé intact le passeport du pilote permettant de l’identifier.
          Vous avez aimé le terroriste pilote qui s’est suicidé en faisant heurter son avion un immeuble, et que le lendemain, on retrouve le même pilote vivant en Arabie Saoudite surpris de s’entendre dire qu’il est mort et de voir les photos de son passeport dans des journaux comme preuve qu’il n’est plus de ce monde.
          Vous avez aimé le terroriste expert, qui a subi un entraînement intense au Yemen, qui a volé un véhicule, qui a débarqué à Charlie Hebdo pour tirer froidement sur 12 personnes, qui a pu circuler en trombe dans les rues de Paris bondé en plein jour, et qui a oublié sa carte d’identité dans le véhicule.
          Vous allez admirer le terroriste qui a pris des otages, qui a répondu, à des journalistes, au téléphone fixe du lieu de prise d’otage, qui a avoué aux journalistes que c’est lui le responsable de tout ce qu’on lui reproche, et pis, il a oublié de bien raccrocher le téléphone, ce qui a encore permis de continuer d’entendre ce qu’il n’avait pas avoué dans le téléphone.

  2. La religion est sacrée. Au nom de la Liberté d expression bafouer les règles élémentaires du Respect de son prochain. Quand Dieudonné a fait son fameux signe tout le monde politique français s’ en est indigné. on caricature le Prophète de l’Islam tous les hypocrites gardent le silence. Ou est cette fameuse Liberté Égalité Fraternité? Pourquoi avoir emmerdé Dieudonné et lui interdire de jouer? les Juifs sont ils au dessus des Musulmans?

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