THÉATRE « C’est pour les Griots que Césaire a écrit la Tragédie du Roi Christophe »

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Timité Bassori est le doyen du cinéma ivoirien. Avant de tenter le concours d’entrée de l’Institut des hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) dans les années 50, il avait commencé par le Centre d’art dramatique (les cours Simon) à Paris avant de créer avec Sara Maldoror, Ababacar Samb Makharam et Tito Bissainthe, la fameuse compagnie : « Les Griots » pour qui Césaire a écrit : « la Tragédie du Roi Christophe »

Dans les années 50, pour un étudiant africain, il fallait être un garçon fêlé pour embrasser une carrière artistique. Quand, Timité Bassori , au sortir du collège et après avoir travaillé deux années durant pour se faire un petit pactole est monté à Paris s’inscrire au Centre d’Art Dramatique de la rue Blanche, personne dans son entourage ne comprenait son entêtement. Ceux qui lui prêtaient l’oreille lui conseillaient de faire comme tout le monde en empruntant les filières classiques, car le cinéma qu’il lorgnait, était une affaire de Blancs et que le septième art sur le continent n’ouvrait pas les portes de la fortune moins encore celles de la considération. « A l’époque, se souvient Timité Bassori, il était impensable de parler de bourse pour aller faire des études de cinéma. J’ai passé le concours d’entrée au Centre d’Art Dramatique de la rue Blanche à Paris avec des collègues comme le Sénégalais Ababacar Samb Makaram, l’haïtienne Toto Bissainthe et l’antillaise Sara Maldoror. En fait nous avons été la première promotion noire dans cette école qui ne préparait que pour le Conservatoire d’Art Dramatique Français. »

La formation au Centre d’Art Dramatique de la rue Blanche était toute tournée vers le théâtre classique français. Les membres de la petite « bande des Quatre » prirent très tôt conscience, sous peine de vendre leur âme, de la nécessité de cultiver et d’entretenir leur personnalité nègre d’autant que dans les cours de diction la règle était de gommer les accents. Et les rôles qui leur étaient attribués dans leur formation étaient souvent des personnages de serveur, de valet qu’ils qualifiaient eux-mêmes plaisamment de « négreries ». Fort heureusement, il existe toujours une oreille attentive, jusque dans cet « antre de la défense et de l’illustration de la culture française ». Timité Bassori raconte : « Puisque, les après midi étaient consacrés aux répétitions et à l’étude des textes des rôles à présenter devant les professeurs, nous avions donc demandé à disposer de cette tranche pour aller nous former sur des pièces qui nous étaient propres. Ce que nous avons obtenu. Notre point de chute était dés lors le foyer de l’impasse Charretière à la rue des Ecoles qui était le premier foyer des étudiants africains où nous répétions. » La première pièce que la compagnie « Les griots » a joué fut « Les Huis Clos » de Jean Paul Sartre. La raison en est simple. Il s’agit d’une pièce à quatre personnages et que Les Griots ne comportait que quatre comédiens qui jouaient dans le sanatorium, les foyers et autres institutions.

La troupe manquait de pièces propres à traduire sa sensibilité. Les comédiens allèrent à la pêche aux écrivains africains et de la diaspora qui fréquentaient Présence Africaine. « C’est pour les griots que Césaire a écrit « la Tragédie du Roi Christophe » parce qu’on le lui avait demandé. On voulait d’abord jouer « Et les chiens se taisaient », un texte merveilleux mais injouable, le porter sur les planches aurait détruit le texte. Il y avait Rabemananjara qui nous avait proposé « les Boutriers de l’aurore. Sara Maldoror était une femme très entreprenante. Elle connaissait Césaire et comme notre base était Présence Africaine et qu’on y rencontrait des écrivains et nous leur faisions comprendre que nous étions une jeune troupe mais qui n’avait pas de pièce et que les pièces qui se présentaient à nous ne correspondaient pas à nos sensibilités. C’est ainsi que Césaire a fait ça pour nous. Césaire pour écrire la pièce a demandé que nous passions chez une photographe, je crois qu’elle s’appelait Feldine, elle avait son studio à l’avenue Hoche. Il voulait avoir nos photos pour justement représenter les personnages du roi Christophe et chacun de nous a été photographié. C’est lui qui a demandé ces photos pour mieux représenter les personnages. On ne demandait pas à Césaire d’écrire pour nous, on lui disait de penser à nous et qu’on attendait des pièces pour jouer. Il ne disait rien. C’est quand il a fini d’écrire la pièce qu’il l’a remise à Roger Blin qui était notre metteur en scène. C’est après que Jean Marie Serreau, qui avait été mis sur le coup, est parti voir Césaire pour monter la pièce. »

Les griots avaient même commencé la répétition sous la houlette du metteur en scène Roger Blin. Timité Bassori explique ce changement d’avis par l’impatience de Césaire à voir monter la pièce. Roger Blin faisait lire la pièce à chacun des comédiens avant de distribuer les rôles, ce que Césaire prenait pour une hésitation à monter la pièce. La compagnie Les Griots connut dès lors une scission. Timité réintégrera l’Idhec, la Polytechnique du cinéma, en même temps que Blaise Senghor.

Baba DIOP

lagazette.sn

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