Transhumance, profusion de partis, predaction des biens publics… Ces comportements atypiques des acteurs politiques

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Une transhumance ou un vagabondage politique qui fausse le jeu politique et pervertit le processus démocratique; une prolifération de partis dont les récépissés sont utilisés comme fonds de commerce par des entrepreneurs sans envergure politique pour marchander des postes ; une « prédation » notoire des biens publics par le biais de caisses noires et du détournement des ressources appartenant aux sociétés publiques ou parapubliques… L’espace politique sénégalais reste empli d’actes dénués d’éthique de conviction et de responsabilité. Des comportements «atypiques» qui ne valorisent pas les acteurs politiques et les décrédibilisent au sein d’une population en mal de repères.

Laboratoire expressif de la société sénégalaise, dans ce qu’elle a de plus problématique, l’espace politique n’est pas exempt de positionnements en totale rupture avec l’éthique de conviction et de responsabilité. Cinquante-deux ans après l’accession du Sénégal à l’indépendance, le champ politique de notre pays continue ainsi d’être le théâtre de mille et un actes dénotant à quel point le jeu politique est souvent faussé par ses propres acteurs. Au détriment du processus démocratique et de l’approfondissement des institutions, de la morale et de l’éthique. La prolifération des partis politiques «télécentres», la transhumance comme l’accaparement «outrancier» des biens publics par des élus, participent à ce «parasitage» du jeu démocratique.

Petit pays de 13 millions d’habitants confinés dans moins de 200 000 Km2, dont la majorité de la population est composée de jeunes âgés de moins d’un quart de siècle, le Sénégal recense plus de 180 partis politiques. Tous les jours, des formations politiques émergent de terre, portées la plupart du temps par des acteurs à l’épaisseur politique tendancieuse et dont les motivations sont bien loin de la conquête du pouvoir. Conséquence : des partis dits «télécentres» incapables de mobiliser un quelconque électorat et, dès lors, jamais partants pour les joutes nationales (présidentielle, législatives, locales, sénatoriales) essaient, au nom de la liberté d’expression et d’association garantie par la loi fondamentale, de pointer le bout de leur nez dans le champ politique. N’existant souvent que par le biais d’erratiques communiqués de presse plus virulents les uns que les autres contre le pouvoir établi. Un moindre mal toutefois, si ce n’était pas que les leaders de ces partis, véritables entrepreneurs du sérail, usent sans restriction des récépissés délivrés à leur formation politique pour marchander des postes dans l’appareil du pouvoir. Les coalitions de partis qui se forment, lors des joutes électorales, leur servent alors de refuge pour se coller aux basques d’un des leaders des grands partis politiques en lice aux joutes (Pds, Ps, Afp, Rewmi, Apr) et monnayer leur adhésion, à l’issue du scrutin. «Coalition Macky 2012, «Bennoo ak Tanor », Bennoo Siggil Senegaal, «Idy4Président»…Tous ces regroupements ont servi, lors des élections de 2012, de tremplin à des tenants de partis «télécentres» qui ont cherché à utiliser, machinalement, le récépissé de leurs formations comme fonds de commerce pour accéder à des postes que leur propre représentativité politique ne leur accorderait assurément pas.

MIGRATION OPPORTUNISTE

La transhumance, gangrène du corps politique sénégalais, est un autre phénomène assez expressif de l’anomie, pour parler comme le sociologue, qui a pris possession du champ politique. Au mépris de l’éthique de conviction et de responsabilité. Véritable vagabondage politique, la transhumance traduit la posture particulière d’hommes et des femmes qui croient que «la politique est une balançoire aux mouvements gracieux où tout est permis», comme disait l’autre. Où on passe allègrement d’une idéologie à une autre, d’une prairie à une autre, aux basques du nouveau pouvoir. Abdoulaye Wade l’avait instrumentalisé à souhait, après l’alternance politique de 2000, pour massifier davantage le Pds en enrôlant certains grands électeurs du Parti socialiste. Sous la menace des audits et des poursuites judiciaires contre des acteurs politiques, de surcroît anciens ministres et autres directeurs de sociétés, la transhumance avait prospéré dans le champ politique. Des responsables socialistes, grands détourneurs devant l’Eternel des biens publics, étaient allés à Canossa, chercher refuge auprès du Pape du Sopi, en reniant totalement leurs convictions et autres idéologies politiques. Adama Sall, ancien ministre socialiste puis ministre libéral, en avait été un exemple emblématique.

La deuxième alternance au sommet de l’Etat sénégalais, en mars 2012, n’avait pas inversé le processus bien qu’elle revendique à tout va une gouvernance dite de « rupture », une nouvelle manière de faire de la politique. La transhumance politique, véritable menace pour le jeu démocratique, semble encore avoir de beaux jours devant elle. Au lendemain de la dernière présidentielle et de la destitution du pouvoir libéral, des responsables du Pds n’ont pas manqué de manifester leur détermination à migrer vers les prairies «apéristes», sans aucune considération pour la morale politique. Comme si ces deux termes étaient antinomiques dans le champ politique sénégalais. Adama Sall (encore lui), Khoureychi Thiam, Baïla Wane, Abdourahim Agne…D’anciens ministres et des leaders disposés à intégrer l’Apr de Macky Sall alors même que certains d’entre eux sont indexés dans des rapports d’audits mettant en cause leur mode de gestion.

ACCAPAREMENT DES DENIERS PUBLICS

«Prédation» des biens publics, disons-nous. Un mal presque atavique de l’homo politicus sénégalais. A l’état de soupçon sous le règne socialiste, probablement à cause des difficultés de traçabilité des ressources dilapidées, l’accaparement des biens de l’Etat pour ne pas dire prédation des deniers publics par les responsables libéraux jouissant d’une charge publique, a été massif sous le règne de Wade. Aucun ministre ou directeur de société militant dans la mouvance libérale n’aurait été exempt de ces actes en totale rupture avec l’éthique de gestion. Comme si le détournement des maigres ressources d’un Etat exsangue était un devoir pour tout acteur admis à des fonctions de direction. Le libre accès aux fonds politiques, cette nébuleuse du système politique, aura contribué largement à ancrer, dans le monde des leaders, cette attitude tendancieuse à dilapider les ressources de la nation. Sous l’ombre du pouvoir établi et donc, du président de la République.

Les auditions déclenchées par le Parquet, après la chute du pouvoir libéral, comme les mises sous mandat de dépôt de certains responsables libéraux, viennent sanctionner ce comportement atypique des hommes politiques par rapport aux biens publics. Seront-ils toutefois à même à ramener l’éthique dans la gestion politique des ressources publiques ? En attendant, toute la question est de savoir si le processus entamé ira jusqu’à son terme quel que soit le rang des personnes concernées.

sudonline.sn

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