Le paysage agricole sénégalais commence à se modifier avec l’apparition de la vigne. Deux Français qui ambitionnent de mettre le Sénégal sur la carte des pays producteurs de raisin et de vin se sont lancés dans l’aventure à Nguekokh (département de Mbour). Même si la production n’est qu’expérimentale, leur vignoble prend petit à petit forme. Et leur objectif est de passer à une production de 2 ha à partir de janvier 2017 pour espérer une première commercialisation en 2019-2020.
Jusque-là inconnu au bataillon des pays producteurs de vin, le Sénégal s’est lancé dans la viticulture. Timidement et grâce à Philippe Franchois et à son associé, François Normant, qui ont eu un rêve commun. Le premier voulait réaliser un projet vitivinicole et l’autre mener un projet agricole innovant. Et ces deux néophytes passionnés ont choisi Nguekokh, pour implanter leur domaine. Ce vignoble constitue une première en Afrique de l’Ouest, selon M. Franchois.
« Le « Clos des Baobabs » est à la fois un projet viticole et vinicole qui est né d’une rencontre avec mon associé François Normant qui avait des terres qu’il avait remembrées. On avait un ensemble de 10 ha cohérents et homogènes qui permettent de faire une plantation », renseigne Philippe Franchois. En janvier 2013, les deux associés ont planté un hectare expérimental irrigué de 5.000 plants. « Notre recherche, c’est de comprendre comment mettre en repos végétatif la vigne et comprendre comment lever volontairement la dormance de la vigne, car en relevant la dormance, on permet, plus tard, la fructification », indique-t-il.
« Toute cette recherche est faite sur cet hectare expérimental. Volontairement, on n’est pas parti sur dix hectares de recherche, parce qu’elle est là la recherche. On a le recul suffisant pour faire de la recherche de taille, d’irrigation entre autres parce que la problématique est de comprendre le repos végétatif de la vigne qui pousse ici en continu », laisse entendre Philippe Franchois. Selon lui, l’eau constitue la problématique de toutes les cultures au Sénégal. Et sans irrigation, il n’y a pas de culture possible, donc pas de vigne. « Le forage qu’on a réalisé permet d’irriguer notre périmètre expérimental et les hectares prévus », soutient-il.
La terre sénégalaise n’étant pas à priori adaptée à la viticulture, Philippe et son associé ont, au départ, expérimenté cinq cépages (cabernet-sauvignon, cinsault, grenache, sangiovese et syrah) pour voir ceux qui étaient les mieux adaptés au climat, les plus prometteurs. Le grenache, caractérisé par un port dressé et des rameaux vigoureux et qui résiste bien à la sécheresse, est sorti du lot. Ce cépage est cultivé en France, en Espagne en Italie, en Grèce, au Portugal, en Algérie, en Tunisie et au Maroc. « On a validé ce cépage et l’on va planter 2 ha de production de grenache à partir de janvier 2017 », informe-t-il.
Selon M. Franchois, cette expérimentation a bien porté ses fruits. Malgré les termites, les oiseaux et les singes, Philippe et son associé ont réussi à produire du raisin. Le mois de juillet 2014 a été marqué par une première vendange. Deux autres vendanges ont également été réalisées en avril 2015 et en juin 2016. Cela a permis d’élever un premier vin rosé et rouge, confirmant ainsi la possibilité de produire un vin digne de ce nom au Sénégal. D’ailleurs, renseigne M. Franchois, les premières dégustations-tests faites à Dakar et en France ont confirmé la qualité du vin du » Clos des Baobabs ».
En ciblant le raisin de cuve et non le raisin de table, le projet, selon Philippe Franchois, exprime une réelle volonté de créer une véritable valeur ajoutée en transformant le raisin en vin et non en commercialisant simplement la matière première. « Au Sénégal, notre recherche fait qu’on a passé une étape décisive. On sait qu’on peut faire du vin et on peut aussi faire du raisin de table. On est parti sur du raisin de cuve parce qu’on veut aller plus loin que la production du fruit. On veut aller vers une transformation pour avoir une valeur ajoutée plus forte pour faire du vin », précise-t-il.
Un pari sur la qualité
Le vigneron affiche clairement son ambition. Philippe privilégie la qualité à la quantité. « On souhaite faire de la qualité et non la quantité. On ne veut pas faire pisser la vigne comme on dit souvent. Ce que nous voulons, c’est avoir une production raisonnée de raisins pour avoir du vin de qualité », indique Philippe Franchois. Et pour la commercialisation, les deux comparses visent le marché local et sous-régional. « Que ça soit au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Guinée ou au Mali, il y a un certain nombre de points de vente qui seraient sensibles à un premier vin de l’Afrique de l’Ouest », explique-t-il.
Pour l’heure, Philippe Franchois et son associé ne pensent pas encore aux rendements comme c’est le cas dans des pays comme l’Italie, l’Espagne et la France qui ont de grosses productions à l’hectare. La question, selon eux, c’est faire du fruit pour un minimum de vin. « C’est juste une expérimentation agricole. On peut faire de grosses productions, mais ce n’est pas de grosses productions qu’on cherche, mais une quantité minimale pour être rentable et une profitabilité minimale », indique-t-il.
Toutefois, précise M. Franchois, avec la démultiplication de cette expérimentation à partir du mois de janvier, la production des deux hectares de grenache exploités va leur permettre d’avoir l’embryon d’un domaine viticole et donc une viticulture émergente. « Le Sénégal est une terre fertile pour les expériences et les innovations. Et la spécialité des Sénégalais, c’est de copier les bonnes expériences. Si ça marche bien, c’est certain qu’on sera copié et avec de la patience et de la persévérance, on aura une filière agricole émergente à l’image du Maroc ».
M. Franchois estime, en outre, que les conditions économiques d’émergence, politiques et de stabilité permettent à beaucoup de gens de chercher des voies nouvelles et de faire dans l’innovation agricole.
Avec l’exploitation des 2 ha, le vigneron et son associé espèrent une première commercialisation en 2019-2020. La visée, selon M. Franchois, c’est de passer de 2 à 5 ha puis à 10 ha. « En France, un domaine de 10 ha est déjà pas mal. Avec 10 ha donc, on peut avoir un vin de qualité et une bonne commercialisation au Sénégal et dans la sous-région », indique M. Franchois, non sans dire toute sa fierté qu’une bouteille du Clos des Baobabs soit déjà exposée à la Cité mondiale du Vin à Bordeaux.
Le souhait de M. Franchois et de son associé, c’est de voir le Sénégal devenir un véritable pays émergent dans la planète vitivinicole, à l’image du Maroc qui compte aujourd’hui 49.000 ha cultivés de vigne, de l’Afrique du Sud, de l’Algérie, de la Tunisie, de l’Éthiopie.
Un métier qui suscite des vocations
Aujourd’hui, la viticulture suscite des vocations et attire des candidats extérieurs au milieu. Par la force des choses, Abdoulaye Ndiaye, ancien moniteur d’équitation, est devenu chef de culture dans le projet « Clos des Baobabs ». « On ne devient pas un vigneron en un clin d’œil, mais quand la passion est là, tout devient possible », indique-t-il. Sa mission consiste à labourer, à mettre du fumier, à palisser la vigne, à tailler et brûler les sarments. Selon M. Ndiaye, depuis le début de sa collaboration avec Philippe Franchois, il a gagné en expérience dans cette activité qu’il a découverte il y a juste trois ans. « On m’a mis dedans et on m’a appris beaucoup de choses qui m’ont permis d’accroître mes connaissances dans ce domaine qui est une nouveauté dans la zone et au Sénégal même.
Ce n’était pas évident au début, mais à la longue, je me suis habitué à ce métier qui est très passionnant », relève-t-il. Abdoulaye Ndiaye dit ne pas regretter cette nouvelle expérience. Mieux, il se dit prêt à continuer l’aventure. Les métiers de la viticulture exigent des qualités et compétences multiples et des connaissances théoriques et pratiques sont indispensables pour la conduite technique du vignoble. Ce chef de culture en est bien conscient. Et il veut parfaire ses connaissances dans le domaine viticole à travers une formation spécifique afin de répondre aux nouvelles exigences. « Je veux comprendre plus ce métier et me parfaire davantage pour me spécialiser dans la viticulture », fait-il savoir.
Reportage de Samba Oumar FALL
-lesoleil.sn
François Normant des panama papers :). Serieux cette histoire de production du vin je n’y crois pas cela ressemble plus a du blanchiment d’argent