Barack Obama en position de force

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Réélu, le président démocrate pourra engager plus facilement une négociation avec les républicains.

Le pire n’a pas eu lieu. Une fois de plus, la démocratie américaine a fait la démonstration qu’elle sait se ressaisir dans les moments difficiles. Ni cafouillages, ni confusion, ni report des résultats: en un temps record, les Américains ont adressé, mardi 6 novembre, un message clair à leurs responsables politiques. Ils veulent être gouvernés au centre et que leur système fonctionne.

Non seulement Barack Obama a été triomphalement réélu, contrairement à ses collègues occidentaux victimes de la crise; non seulement, il a déjoué la malédiction des chiffres du chômage et survécu au déferlement de l’argent dans la campagne, mais les démocrates ont consolidé leur position de manière inespérée au Sénat. La Chambre reste majoritairement républicaine mais des figures de proue du Tea Party comme Allen West en Floride, ont été battues à l’issue de batailles épiques ayant englouti des millions de dollars de chaque côté.

>> Lire : « Les républicains gardent la Chambre, les démocrates confortent leur avantage au Sénat »

Les électeurs ont légalisé le mariage gay et la consommation de marijuana dans plusieurs Etats. C’est un message plutôt libéral qu’ils ont envoyé, deux ans aprèsavoir fait entrer le Tea Party au Congrès.

>> Lire : « Cannabis, mariage homosexuel, avortement : les autres scrutins clés »

UNE REVANCHE ÉCLATANTE

Cette nouvelle configuration politique ne résout pas la question de la division des pouvoirs entre la Maison Blanche et les deux Chambres du Congrès. Mais l’ampleur de la victoire du président ne pourra pas ne pas résonner comme un désaveu complet du Parti républicain: de sa détestation radicale de l’Etat à ses positions sur les questions de société en passant par une stratégie électorale qui l’a amené à s’aliéner des fractions stratégiques de l’électorat comme les Latinos.

>> Lire : « L’extrémisme des partisans de Mitt Romney a précipité son échec »

Pour Barack Obama, c’est une victoire aussi importante que la première, même si elle n’a plus la même portée historique et symbolique. Cette fois – et pour lui c’est probablement la plus significative – c’est la victoire d’une politique. Dans son discours de victoire, il est apparu enhardi, loin des esquives électoralistes des deux dernières années. Il a repris son ton de campagne, celle de 2008, pas celle, désagréablement négative, qui vient de se terminer. Et mentionné des sujets explosifs comme la réforme électorale ou le changement climatique. « Nous avons vu le pouvoir destructif d’une planète en réchauffement », a-t-il souligné dans une référence à l’ouragan Sandy qui a été saluée par les écologistes, les laissés-pour-compte du premier mandat.

 

Le président Barack Obama, à Chicago, le 7 novembre.

 

C’est aussi une revanche éclatante sur un parti qui lui a infligé des camouflets répétés, du représentant qui l’a traité de « menteur » en pleine séance solennelle du Congrès, aux figures qui n’ont cessé de ranimer la question de son certificat de naissance. Sur un parti qui a refusé son « grand marchandage » sur la réduction de la dette, offert l’été 2011 à un moment où il était en difficulté: une proposition jugée intéressante, pourtant, par les modérés avec un ratio de 2,50 dollars de coupes budgétaires pour 1 dollar d’augmentation des dépenses.

« LA MEILLEURE ÉQUIPE DE L’HISTOIRE DE LA POLITIQUE »

Cette victoire est aussi celle de son équipe de campagne, hyperdisciplinée, sophistiquée, poussant les électeurs dans leurs derniers retranchements pour lesamener à voter, et financée par un trésor de guerre évalué à 1 milliard de dollars (780 millions d’euros). « La meilleure équipe de campagne de l’histoire de la politique », a félicité le président.

Comme l’avait annoncé son stratège David Axelrod, qui avait parié sa moustache, Barack Obama a emporté la plupart des swing states, les Etats en balance: l’Ohio, le Wisconsin, l’Iowa… Avec des marges parfois très faibles et à l’arraché: il est le premier sortant en cent-vingt-quatre ans à être réélu avec une marge inférieure à celle de son élection (il avait devancé John McCain de 7 points en 2008). Seuls deux Etats gagnés quasi miraculeusement en 2008 – Indiana et Caroline du Nord – sont revenus aux républicains.

Que va faire le président Obama de cette victoire? En second mandat, un président est libéré de l’obsession de la réélection. L’opposition, elle, est délivrée de la crainte de lui offrir une victoire politique. Barack Obama a l’occasion dereprendre à zéro la négociation avec les républicains, notamment sur la répartition du fardeau de l’austérité. Son ton mardi soir a montré qu’il sera moins « naïf », comme le lui a reproché la gauche, avec les républicains. Et son camp estime qu’il est en position de force pour aborder l’inévitable bras de fer. Le président a lui-même avancé que la « fièvre » retomberait probablement après les élections et que l’opposition devrait tenir compte du nouveau rapport de force.

LES AMÉRICAINS ATTENDENT DES GESTES

Dans plusieurs interviews avant l’élection, le président avait indiqué que la dette et la réduction du déficit seraient sa priorité et qu’il travaillerait dans un esprit ouvert. Va-t-il prendre l’initiative? Les Américains attendent des gestes, faute de quoi leursimpôts risquent d’augmenter de plusieurs milliers de dollars en 2013.

Le camp Obama envisage de ne pas intervenir sur toutes les baisses d’impôts pour prendre l’opinion à témoin de l’intransigeance des républicains.

Selon les sondages de sortie des urnes, 60% des électeurs ont estimé que les impôts devraient être relevés sur les revenus les plus riches ou même sur tous les revenus. Seul un électeur sur 10 estime que le déficit est le problème numéro un du pays.

Mitt Romney, qui a proposé ses idées, Obama a poliment répondu qu’il était prêt à le rencontrer. Mais c’est surtout son colistier Paul Ryan, président de la commission du budget à la Chambre, qui va devoir prendre des décisions stratégiques. Peut-être aura-t-il intérêt à un « deal », surtout s’il a l’intention de se présenter à la Maison Blanche en 2016.

« COMMENT LE PARTI RÉPUBLICAIN VA RÉAGIR ? »

Pour rassurer la gauche, qui, à l’opposé, s’inquiète déjà du coût d’un compromis, M. Obama a posé des lignes rouges. Il ne reviendra pas sur l’assurance santé obligatoire. Il n’acceptera pas la privatisation partielle de Medicare, l’assurance maladie des seniors.

Autre sujet sur lequel il pense qu’il sera possible de coopérer avec les républicains: la réforme de l’immigration, une promesse faite aux Latinos depuis 2008. « Si je gagne l’élection, disait-il au Des Moines Register avant sa victoire, ce sera en grande partie parce que le candidat et le parti républicains se sont gravement mis à dos le groupe démographique en expansion la plus rapide du pays, la communauté latino. Ils vont avoir vraiment intérêt à faire quelque chose ».

Il pense qu’il y a nombre de sujets sur lesquels le pays peut se rassembler sur un« programme non idéologique ». Mais la question, avait-il dit à la chaîne MSNBC, c’est « comment le Parti républicain va réagir ? Parce qu’il va y avoir une guerre dans ce parti. Il n’a pas éclaté, jusqu’à présent. Il a conservé son unité, par opposition à moi ».

Corine Lesnes, Chicago (Illinois), envoyée spéciale

LEMONDE.FR

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