COVID 19: La reprise dans les ecoles par Pr Latsoucabe Mbow

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Depuis près de deux mois, les établissements scolaires et universitaires sont fermés à cau se de la pandémie du coronavirus. Leur réouverture prévue à partir du 2 juin prochain (re)met à pied d’oeuvre les ministères de l’éducation nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle et celui de l’enseignement supérieur. D’après le communiqué du Conseil des ministres du 6 mai courant, ils vont incessamment ouvrir des consultations avec les acteurs de leurs secteurs respectifs pour définir le protocole de la reprise dans les conditions qui respectent les consignes sanitaires imposées par la crise.

La question fait apparaître au sein de l’opinion un clivage entre les partisans de la réouverture d’une part et de l’autre les sceptiques. Car en réalité il n’existe pas d’esprits opposés à la décision gouvernementale dans la mesure où l’année académique a été interrompue juste après le premier semestre. Il en reste un autre qu’il faut bien remplir pour la validation du tout.

I – Les raisons et le schéma de la reprise.

Quel que soit le retard accusé, un redémarrage vaut mieux qu’une année invalidée ou une année blanche. De tels accidents laissent sur la scolarité des élèves et des étudiants une empreinte indésirable comme une peine sur un casier judiciaire.

Le blocage du système éducatif présente l’inconvénient soit d’empêcher le recrutement de nouveaux élèves – qui se verraient ainsi privés d’un droit – et les transitions entre les cycles, soit de créer une surpopulation dans les établissements à la rentrée suivant l’année blanche ou invalidée. Dans un tel cas de figure, les élèves et surtout les étudiants devant se rendre à l’étranger pourraient repousser leur projet de mobilité d’un an.

Les incidences budgétaires et financières d’une annulation ne sont pas des moindres. Déjà un malaise se ressent dans l’enseignement privé où des retards de paiement de salaires et des manques à gagner par les établissements sont portés à l’attention de l’opinion. Les enseignants fonctionnaires qui y trouvaient un moyen d’améliorer leurs fins de mois assistent impuissants au gel de leurs vacations. Si la fermeture persistait plus longuement ne pourraient-ils pas eux également percevoir que les 70% de leurs rémunérations mensuelles du fait d’une éventuelle baisse dans les recettes de l’État consécutive à une prolongation de la crise ?

Toutefois en raison du risque sanitaire, le déconfinement du système éducatif implique la prudence. Elle apparaît dans le scénario de la reprise qui doit être selon le gouvernement non immédiate et graduelle à l’échéance. Les classes d’examen démarreront le processus. Elles seront suivies des autres; une autonomie étant reconnue aux universités pour convenir du remodelage de leur calendrier au titre du second semestre de l’année encore en cours.

II – Les craintes et les incertitudes.

Si l’on compare le plan de retour dans les classes au Sénégal et dans d’autres pays francophones ayant été contraints par le covid 19 de fermer leurs écoles en mars dernier, des points communs mais aussi des différences notables peuvent être repérés.

Partout on procède ou on envisage de le faire avec prudence d’autant que de la maladie et de son évolution on ne sait au fond que très peu de choses. Y compris le dessin des courbes d’évolution : un pic ou deux ? Aplatissement après le pic ou suite en dents de scie ? La seule certitude est l’incertitude des prévisions qui oblige les gouvernements à naviguer à vue.

Au Canada la reprise est annoncée pour cette semaine. En France elle aura lieu le 11 mai prochain. Dans les deux cas, la mesure touche en premier lieu les plus petits, à savoir les crèches et les écoles élémentaires. Il en a été ainsi convenu à partir du postulat selon lequel le coronavirus affecte de manière bénigne les enfants. Il n’en demeure pas moins que les jeunes sujets asymptomatiques sont des vecteurs potentiels de transmission. Et déjà à Montréal, dans certaines crèches, sont observés des cas inquiétants de contagion entre les enfants. D’où le choix laissé aux parents soit de retourner leurs enfants en classe soit de les retenir à la maison pour y poursuivre les apprentissages. Mais ils ne sont pas mis en vacances. Il faut attendre les retours d’expérience pour juger de la viabilité d’un tel palliatif.

De l’interprétation des décisions et déclarations rendues publiques au Sénégal, il ressort que la reprise a pour finalité d’empêcher l’invalidation de l’année académique entamée. C’est le sens de la priorité accordée aux classes d’examen (CM2, troisièmes, terminales). Par rapport à la pandémie, cette option est probablement sous-tendue par une hypothése optimiste voulant que les catégories d’âge concernées seraient aptes à se conformer aux gestes barrière et aux critères de distance que les enfants moins âgés. Quoiqu’ol.en soit il sera indispensable de recomposer les effectifs des classes en petits groupes; ce qui occasionnera au moins des dépassements de charges horaires pour les enseignants.

C’est à ce genre d’équation à plusieurs inconnues que les acteurs de l’enseignement supérieur vont se confronter. On sait que les résidences universitaires dépassent largement leurs capacités d’accueil autant du point de vue du logement que de la restauration. En outre les niveaux de formation correspondant à la licence sont presque partout en situation de sureffectif. Les autorités et les personnels enseignants ne diront pas le contraire.

La gestion de cette situation exceptionnelle due aux incertitudes qui pèsent sur le court terme et obstruent l’horizon ne peut consister en la reprise à l’identique de recettes vues dans le passé. Il va falloir innover et l’aborder dans un esprit d’ouverture à la hauteur des défis à adresser par la Nation. Pour le moins il faudra faire montre de patriotisme – si le mot n’est pas galvaudé – afin non seulement de trouver les consensus nécessaires, mais aussi d’accepter ex-ante que les plans élaborés de manière inclusive soient susceptibles de réajustements tout aussi indispensables. L’ennemi insaisissable auquel a été déclarée la guerre y contraint.

1 COMMENTAIRE

  1. Pas d’année blanche ni invalide mais un réaménagement du calendrier académique Merci Professeur pour cette contribution sur les modalités de la reprise des apprentissages dans les établissements d’enseignement au Sénégal. Le diagnostic fait et les éclairages apportés montrent à suffisance les enjeux socio sanitaires et politiques soulevés qui dessinent un jeu d’acteurs où les nombreuses responsabilités ne sont pas totalement assumées par les deux camps celui du pour ou du contre (Etat et syndicats).
    Le calendrier académique est défini souverainement par l’Autorité qui le fixe d’Octobre à Juillet. Je pense que l’État pour permettre de terminer les apprentissages dans de bonnes conditions peut exceptionnellement réaménager le calendrier académique en faisant reprendre et terminer les enseignements entre Octobre et Novembre et organiser les examens CFEE, BEFM et BAC en Décembre. Ce qui repousse la rentrée académique 2020-2021 à janvier 2021.
    Cette solution fera avorter le rêve d’aller étudier à l’étranger des bacheliers 2020.
    Pour les universités, comme le Pr Latsoucabé l’avait bien mentionné, des réaménagements périodiques ont souvent permis de sauver des situations très préoccupantes.

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