Comme les partis, les mouvements politiques se créent à un rythme effréné. Mais, le constat est qu’au lieu de renforcer la démocratie, la floraison de ces mouvements s’explique souvent par un instinct de survie politique.
Les mouvements politiques sont en passe de ravir la vedette aux partis, au vu de leur nombre impressionnant, mais surtout à la vitesse avec laquelle ils voient le jour. Le dernier en date est celui qui a été lancé, samedi dernier, par Waly Fall, ancien responsable « rewmiste » et qui se nomme « Pas-Pas/Sénégal niu nior ». Avant l’ancien patron du défunt Fonds national de promotion de la jeunesse (Fnpj), d’autres responsables, issus, pour la plupart du Parti démocratique sénégalais (Pds) et du « Rewmi », avaient exploré cette nouvelle voie qui, en fait, n’est qu’une transhumance déguisée vers les lambris dorés du pouvoir. Même si les principaux protagonistes soutiennent le contraire. Certains finissent même par muer leur mouvement en parti pour mieux se positionner sur l’échiquier politique. C’est le cas d’Aliou Sow (Mouvement des patriotes et démocrates), de Serigne Mbacké Ndiaye (Convergence libérale et patriotique) et de Thierno Lo (Alliance pour la paix et le développement).
Contrairement aux trois responsables précités, d’autres n’ont pas encore franchi le Rubicon. Il s’agit, entre autres, de l’ancien « rewmiste » Pape Diouf (Mouvement pour la défense de la République), de l’ancien directeur de Cabinet de Me Wade, Habib Sy (Vision pour un Sénégal nouveau), du maire de Ndoffane, Samba Ndiaye (Mouvement démocratique pour le développement intégral du Sénégal), de Me Ousmane Ngom (Libéral ca kanaam).
Un tremplin pour d’anciens responsables du Pds et du «Rewmi»
Joint par téléphone, Serigne Mbacké Ndiaye explique : «Nous avions constaté que le débat auquel nous appelions était difficile à mener à l’intérieur du parti. Deuxièmement, nous avions constaté qu’il y avait beaucoup d’incompréhensions entre certains responsables et nous. Nous avons préféré créer notre formation libérale qui s’ouvre aux autres patriotes comme son nom l’indique (Convergence libérale et patriotique). Il y a un débat que nous voulons susciter, on ne peut pas le faire à l’intérieur du Pds. Nous sortons du Pds en gardant les meilleurs rapports possibles avec cette formation-là».
Quant à Waly Fall, il a déclaré : «Les motivations qui ont prévalu à la création du mouvement sont, d’abord, d’ordre politique, puisque je n’ai pas encore pris ma retraite sur le plan politique. Après avoir été membre de deux partis politiques, le Pds et le ‘Rewmi’ , il fallait juste prendre le temps qu’il fallait pour évaluer et jeter les bases d’une perspective. Ça a pris le temps qu’il fallait, et aujourd’hui, le contexte des échéances et la situation nous obligent de reprendre la scène politique sous un autre format». Avant de renchérir : «Eu égard à notre expérience politique de 30 ans, eu égard à notre parcours politique, nous estimons qu’il est temps qu’on puisse prendre notre destin en main en compagnie de compagnons politiques».
MOUSSA DIAW, ENSEIGNANT-CHERCHEUR EN SCIENCES POLITIQUES : «ça donne une mauvaise image des hommes politiques qui ne croient en rien»
Interpellé sur la prolifération des mouvements politiques, le professeur Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis explique ce phénomène par un manque d’ordre dans l’organisation des partis politiques au sein de la démocratie sénégalaise. «Les grands partis sont confrontés à des structurations. On a vu avec le Pds et d’autres partis. Quand certains leaders ambitieux souhaitent qu’il y ait une structuration pour avoir une position de pouvoir au sein de leur parti, cela ne s’est pas fait. Eh bien, pour trouver une certaine autonomie, ils vont trouver la solution, c’est de créer un mouvement, de quitter le parti, et puis aussi de trouver quelques soutiens et attendre qu’on soit capté par la majorité», indique le Pr Diaw.
Et d’ajouter : «La transhumance, actuellement, est favorisée. C’est une activité plus ou moins lucrative au sein de la classe politique, permettant de débaucher certains leaders et de faire en sorte qu’ils puissent participer à la majorité. Mais, ça donne un affaiblissement de la démocratie, ça donne une mauvaise image des hommes politiques qui ne croient en rien, qui ne croient ni à des principes ni à des valeurs». Pour l’enseignant-chercheur en sciences politiques, «tout cela rend faible cette démocratie qu’on croit être forte, parce que