IBRAHIMA SARR, DIRECTEUR GENERAL DE L’AGENCE NATIONALE DE PROMOTION TOURISTIQUE (ANPT) « Notre objectif est de porter le nombre de touristes à 2.000.000 en 2020 »

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Le directeur général de l’Agence nationale de promotion touristique (Anpt), Ibrahima Sarr, n’est ni un utopiste ni un prêcheur dans le désert. Son doux rêve, comme il l’affirme avec forte conviction, est de voir porter de 877.000 à 2.000.000 le nombre de touristes entrant au Sénégal, à l’horizon 2020. Pour y arriver, il ne demande rien d’autre qu’une volonté politique, des moyens conséquents et un programme commun avec les acteurs du secteur. A la tête de l’Anpt depuis octobre 2009, cet homme d’une grande urbanité, artisan du premier Salon international du tourisme (Ticca), événement phare du tourisme sénégalais, revient avec nous sur les problèmes qui agitent le secteur touristique, ses ambitions et les pistes de réflexion pour rendre le tourisme plus compétitif. Entretien avec un homme qui vous parle du tourisme avec une certaine passion.  L’As : Le Sénégal peut-il profiter des remous notés dans le Maghreb, la Tunisie notamment qui est un pays à forte vocation touristique ?  Ibrahima Sarr : Evidemment, il se passe chez nos amis tunisiens et égyptiens des événements déplorables. Il est évident que nous souhaitons développer la destination Sénégal, mais nous n’aimerions pas le faire à partir d’événements malheureux. Les actions que nous devrons mener doivent être intelligentes pour garder l’unité africaine. Nous nous sommes rapprochés de quelques professionnels pour voir comment réorienter au Sénégal certains de leurs touristes, qui sont en train de rentrer chez eux. Vous l’avez dit tantôt, la Tunisie, c’est 7 millions de touristes arrivés globalement. C’est un potentiel non négligeable. L’Egypte de même. Il est indispensable que des actions communes soient entamées pour capter ces touristes.  Le Sénégal n’est pas épargné non plus. La crise casamançaise est là comme pour vous rappeler à la vigilance. Les récents remous notés sur place ne brouillent-ils pas vos pistes ?  Moi, je ne parle pas de recrudescence de violence. Sur le dossier de la Casamance, je préfère ne pas communiquer parce que c’est un dossier très sensible et parfois, on lui donne une dimension qu’il n’a pas. Vous savez, dans la plupart des pays du monde, le tourisme se développe et il y a à côté quelques points chauds. Ceci dit, la Casamance est un grenier, sur le plan touristique et comme économique. Au-delà de l’insécurité, il y a un ensemble de facteurs qui ont fait que le tourisme y est au ralenti. Mais nous nous attelons à les corriger pour qu’elle retrouve son lustre d’antan. Des efforts sont en train d’être faits pour réparer la cuve de Cap-Skiring.   D’après les chiffres de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), les recettes du tourisme ont diminué de 10 milliards en 2009. Qu’est-ce qui explique cette contre performance ?  Nous avons traversé la crise économique mondiale, mais l’Afrique a moins subi les effets de la crise que les autres parties du monde. Nous avons enregistré une baisse de 4% de nos attentes, c’est peut-être ce qui est à l’origine de cette contre-performance. Actuellement, nous sentons un frémissement à la hausse. Il y a un léger mieux.   L’Etat a baissé la Tva sur le tourisme de 18 à 10%. Qu’est-ce qui justifie une telle mesure ?  C’est une excellente mesure du Président Wade. Il a beaucoup insisté pour que cette baisse soit matérialisée, car les professionnels disaient que la destination Sénégal était chère. En faisant référence à certaines taxes du transport aérien. Aujourd’hui, la baisse de la Tva est un bémol qui va alléger les charges du touriste.   Le tourisme sénégalais est caractérisé par son côté extraverti. Ce sont des Occidentaux qui peuplent les hôtels, ce sont eux aussi qui les gèrent. Les Sénégalais sont presque absents dans le secteur. Pourquoi ?  C’est un problème de communication. C’est vrai que l’histoire touristique du Sénégal, à travers son développement depuis les années 1970, c’était du tourisme balnéaire, de loisir. Les investissements réalisés tendaient à attirer celui qui cherchait le loisir. Alors qu’aujourd’hui, le tourisme a plusieurs facettes. Le tourisme de loisir est là, celui culturel aussi. Aujourd’hui, nous cherchons à développer le tourisme solidaire. Celui-ci vise à développer le potentiel qui existe dans les zones les plus reculées du Sénégal et en faire des produits touristiques.  C’est d’ailleurs ça qui va occuper une place prépondérante, lors du forum du deuxième salon international du tourisme, en mai prochain au Sénégal. Il y a des efforts à faire dans ce domaine pour attirer le maximum de nationaux. Nos amis de la lutte l’ont bien compris. Si vous voyez la plupart des signatures de contrat, ça se passe dans les hôtels. Cela participe, à mon avis, à développer le tourisme local. Maintenant, si un jeune cadre sénégalais veut aller en vacances dans son propre pays, il y a les sites et les réceptifs hôteliers pour cela.   Les acteurs du tourisme déplorent l’absence d’appui du secteur bancaire. Ils suggèrent la mise en place d’un fonds d’appui national d’investissement touristique, pour pouvoir exister. Qu’est-ce que vous en pensez ?  Le ministre du Tourisme, M. Thierno Lô, réfléchit à la mise en place d’un crédit hôtelier. Depuis la disparition de la Société financière sénégalaise pour le développement de l’industrie et du tourisme (Sofisedit), le crédit hôtelier n’attire plus les banques. Elles prétextent qu’elles n’ont pas un crédit à long terme pour financer l’hôtellerie. Elles ont aussi analysé les différentes fragilités qui traversent le secteur hôtelier, au Sénégal comme partout ailleurs. C’est une prudence qu’on note chez les banques.  Peut-on savoir le montant qui sera alloué à ce crédit hôtelier ?  C’est à l’étape d’étude. Le besoin qui avait été estimé au départ par les experts tournait entre 250 et 275 milliards de FCfa.   Outre l’absence du crédit hôtelier, le manque de zones touristiques est criard. A part la destination Saly-Mbour, il n’y a pas au Sénégal une autre zone de la même dimension.  Mais le Sénégal, c’est sept zones touristiques ! Il est vrai que la station de Saly-Mbour est la plus importante. Mais aujourd’hui, la Société d’aménagement des côtes et zones touristiques du Sénégal, qui ne s’appelle plus Société d’aménagement de la petite côte (Sapco), témoigne de la volonté des autorités d’aller vers un aménagement beaucoup plus national. D’ailleurs, il y a le projet Adonis qui est prévu vers Mbodjiène et qui devait graviter autour de 180 milliards FCfa d’investissement. Il devrait être la deuxième station la plus importante du Sénégal, sinon même la première.  Maintenant, la Casamance a un fort potentiel touristique. A Saint-Louis, nous sommes en train de faire des aménagements. Dans le Sine-Saloum, on souhaite développer l’éco-tourisme. Le potentiel touristique existe et il est complété par de grandes infrastructures culturelles comme le Monument de la Renaissance africaine et le grand théâtre national qui va bientôt sortir de terre.  Récemment à Saly, le Lamentin Beach a été ravagé par un incendie. Qu’est-ce qui a été fait pour relever cet hôtel ?  Une mission s’est rendue là-bas pour voir les hôtels qui ont brûlé. Dès que l’incendie a eu lieu, une délégation de la tutelle s’est rendue sur place pour s’enquérir de la situation. Le dossier administratif est en train d’être suivi par le ministère. Le dossier de l’enquête suit lui aussi son cours normal. Les délais sont très courts pour avoir des résultats immédiats, mais au niveau de la prise en charge, les avancées notées sont satisfaisantes.  Parlez-nous un peu des activités de l’Agence nationale pour la promotion touristique. Quel est son apport dans le secteur touristique ?  Nous sommes chargés de la promotion de la destination Sénégal. Quand on fait la promotion d’une destination, il faut diversifier. Le Sénégal, c’est une destination avec plusieurs produits. Nous sommes chargés de diversifier le programme du gouvernement en matière de promotion touristique. Nous le faisons à partir d’un certain nombre d’événements qui se déroulent dans le monde. Au cours de ces rencontres, nous vendons le produit Sénégal, nous prenons contact avec les professionnels du tourisme pour nouer avec eux des partenariats dans le sens de la promotion du tourisme sénégalais. Nous cherchons à organiser un événement international au Sénégal, le salon Ticca. Et nous participons toutes les manifestations nationales qui ont un contenu culturel et touristique. Il y a le festival de Foundiougne, celui du jazz à Saint-Louis, le Zigfest de Ziguinchor.   Quels sont les pays étrangers qui résistent à l’attrait du Sénégal, Et pourquoi ?  On n’en voit pas beaucoup, grâce à la diplomatie sénégalaise. On peut avoir des difficultés dans la délivrance de visa, car cela est une question de souveraineté nationale. Les Suisses et les Russes évoquent des lenteurs dans la délivrance du visa, alors que le touriste est soumis à un problème de délai. Pour corriger tout cela, le Président Wade a donné des instructions au Ministre des Affaires étrangères pour que les visas soient délivrés dans les 48h qui suivent la demande.  Combien le Sénégal enregistre-t-il de touristes annuellement ?  877.000 c’est le chiffre le plus récent, celui de 2007-2008. Mais nous avons un objectif de 1.500.000 touristes à l’horizon 2015 et 2.000.000 en 2020.   N’est-ce pas trop utopique ?  C’est ambitieux, pas utopique. La Tunisie fait 12 millions d’habitants, elle a 7 millions de touristes. L’Egypte a 12 millions de touristes. Je ne veux pas dire que c’est vers ces gens qu’on va aller, non. Il suffit seulement qu’il y ait une volonté politique derrière, un programme commun avec le secteur privé et des moyens conséquents pour arriver à cela. Si toutes ces conditions sont réunies, il n’y a pas de raison de ne pas atteindre cet objectif. D’autant que le parc hôtelier est fortement renforcé par de nouvelles unités situées sur la corniche de Dakar.   Concrètement que pèse le tourisme dans l’économie nationale ?  On parle de 6% du Produit intérieur brut (Pib). Mais le tourisme c’est beaucoup plus que cela ; c’est l’un des secteurs les plus structurants dans l’activité économique nationale. On parle de 100.000 emplois. 25.000 emplois permanents et 75.000 temporaires. Les recettes, quant à elles, se chiffrent à 350 milliards. Mais moi, je suis convaincu que c’est plus que cela. Parce qu’il y a énormément de personnes qui évoluent dans le secteur et qui ne peuvent pas être recensées. Je pense que pour les besoins de l’intérêt national, l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) devrait revoir les comptes satellites et nous édifier sur une manière de mesurer l’impact du tourisme dans l’économie nationale.  Entretien réalisé par Papa Ismaila KEITA

lasquotidien.info

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