Il est minuit, camarades! Par par Abdoulaye Ndiaga Sylla et Babacar Touré du Sud Quotidien

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Du «Bennoo»  au «Béénoo». Union hier, divergences, voire oppositions, aujourd’hui.  Le consensus forgé autour des Assises nationales qui avait entretenu tant d’espoirs dans les rangs d’une opposition déterminée à se poser en alternative à la gouvernance libérale, a bien connu une  césure.

«Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va».
Sénèque

Pour autant, dans  une présidentielle partie pour être très courue,  cette donne ne brise pas son élan.  Tout au contraire, elle ouvre à tous les signataires de la charte de gouvernance démocratique, un champ plus vaste dans la formulation d’offres  politiques et libère du même coup du système  des partis.  Au fond, la constitution d’un autre pôle, Benno alternative 2012 , est salutaire sauf, il faut le relever, qu’on ne peut occulter la responsabilité de politiques qui chercheraient aujourd’hui à s’exonérer dans une démarche de rupture cachant mal des ambitions avortées voire différées.

Benno alternative 2012  aménage un espace plus citoyen et permet de contourner les appareils. C’est une vision autre de l’engagement militant. Elle transcende les partis et renforce le combat  pour la République, intègre toutes les dimensions de la vie sociale et ne laisse pas indifférent  le peuple.   Voilà pourquoi le discours des nouveaux acteurs, sans aucune attache partisane, est plus audible,  plus crédible pour les masses. Faire place à ces forces nouvelles -même s’il s’en trouve qui en ont marre du surgissement de  « y ‘en a marre »- ne peut que contribuer à renforcer la démocratie et à conférer toute sa dignité à la République.  Pourquoi notre pays qui, comme bien d’autres ayant choisi le même modèle politique d’administration et de distribution des pouvoirs, vit une crise aigue de la représentation, doit-il se laisser enfermer dans le choix entre un libéralisme dit social appliqué depuis douze ans , un prétendu socialisme démocratique en œuvre pendant quarante ans  et leurs succédanés?

En retenant  des critères qui, de fait, excluent de la candidature à la candidature tous ceux qui n’ont jamais été aux responsabilités d’Etat et ne peuvent administrer la preuve de leur représentativité, Benno Siggil Sénégal a bien circonscrit le choix entre Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général du Parti socialiste (Ps)  et Moustapha Niasse, leader de l’Alliance des forces du progrès (Afp).

Ce modus operandi  aventureux dans la désignation du  candidat de l’unité et du rassemblement  (n’y a-t-il pas tromperie sur le produit dès lors que certains membres  de la coalition ont choisi de solliciter les suffrages sous leurs propres bannières ?) ne fragilise t-il pas Benno Siggil Sénégal qui a pris du retard dans le traitement de la question du choix de son porte-drapeau? Comme si l’option prise par l’Alliance pour la République (Apr) de  présenter son leader Macky Sall, l’émergence de Benno Alternative 2012, la dissidence de Cheikh Bamba Diéye n’avaient pas suffi  pour amener  les leaders de Benno Siggil Sénégal, loin d’être des ingénus en politique,  à reconsidérer la situation.

 Assises Nationales fruit du sens du partage

Une certaine forme  d’intégrisme inhibiteur avec l’obsession de la candidature unique a prévalu sur la générosité et le sens du partage, sans lesquels, les Assises nationales n’auraient pas pu se tenir.  Aujourd’hui, le glissement sémantique opéré avec la candidature dite de l’unité et du rassemblement au moment où justement il n’y a plus grand monde à regrouper, édifie sur l’échec de la tentative.   Là où le Parti socialiste a organisé des primaires, en fait une opération de plébiscite de son porte-drapeau, n’était-il pas plus indiqué pour Benno Siggil Sénégal  fort de l’expérience des consultations citoyennes, à l’échelle des départements, de se livrer à cet exercice pour, non pas choisir un candidat, mais trois voire quatre ? Le bénéfice serait triple : mettre en compétition tous les postulants à la représentation de la coalition, activer les leviers d’une démocratie directe en  impliquant  militants et sympathisants des partis regroupés dans Benno Siggil Sénégal, des organisations de la société civile, des citoyens dans la sélection, mobiliser les électeurs.  La coalition ne doit pas cependant perdre de vue que si les partis concourent à l’expression des suffrages, il faut se garder de confondre militants et électeurs. Un régime de partis ne saurait aussi prospérer dans une compétition aussi ouverte que l’élection présidentielle quand il est convenu, depuis 1958, et l’avènement de la Veme République en  France, avec le Général De Gaulle, pour rester dans nos références séné-gauloises, que cette consultation est la rencontre entre un homme et un peuple.

En déroulant tranquillement sa feuille de route, Benno Siggil Sénégal, comme indifférent au temps qui passe alors qu’il est minuit, ne semble pas prêt à sortir de l’enfermement. Si ce n’est pas la marque d’un égotisme des leaders, on n’en est pas loin. Benno Siggil Sénégal ne court-il pas le risque de voir, au pire, son candidat devancé, au premier tour, par Me Abdoulaye Wade (si la candidature du secrétaire général du Pds est validée par le Conseil constitutionnel) et Idrissa Seck ou au mieux être contraint, dans l’entre-deux-tours, si on y arrive , de soutenir Macky Sall, aujourd’hui pointé du doigt, comme étant l’un des plus farouches pourfendeurs de l’option pour une candidature unique, accablé  publiquement de sarcasmes et même pris par certains lycaons, pour un cheval de Troie.

Aujourd’hui, les Assises nationales,  le programme  de Benno Siggil Sénégal, comme hier celui de la coalition alternative 2000 ont un point commun : la fin du présidentialisme et l’avènement d’un régime parlementaire tempéré. Dans un tel cas de figure, l’exécutif est représenté par un Premier ministre, même si le président de la République ne saurait être confiné à inaugurer les chrysanthèmes. Il est donc, pour le moins surprenant, voire désolant d’observer les protagonistes se disputer la fonction présidentielle.  A moins de prendre les électeurs pour des attardés, c’est la chronique d’un renoncement annoncé, d’autant plus que Benno Siggil Sénégal, partisan d’une transition de trois ou cinq ans ne devrait pas avoir du mal à trouver le personnel dirigeant adéquat pour gérer cette phase. A moins que les acteurs ne jouent à cache- cache entre eux-mêmes et avec les électeurs,  en avançant masqués.  Nombreux sont les électeurs potentiels qui savent contre qui voter, pour qui ne pas voter  – choix de l’abstention ou du bulletin nul- mais peu seraient en mesure de dire de manière spontanée, pour qui voter, tant le flou entretenu, en particulier par Bennoo, n’incite pas à la clarification, à quelques encablures de l’heure du choix.

Reprendre l’initiative pour le changement

La coalition Benno Siggil Sénégal et les formations politiques opposées au régime en place ont-elles perdu l’initiative du combat pour le changement de la majorité ? Une indication de taille nous a été fournie par le meeting du Mouvement du M 23, le  23 septembre à la Place de l’Obélisque. Cette manifestation a pratiquement été dirigée de bout en bout par le mouvement citoyen «Y’en a marre» officiant comme Maître de cérémonie (Mc) avec des responsables de partis politiques et membres de la société civile  préposés à l’animation, à la distribution et à la police du temps de parole. Du temps de leur splendeur, ces formations avaient pour tradition de faire défiler devant le micro leurs leaders les plus en vue pour chauffer les foules, un peu en vedette américaine et Me Abdoulaye Wade, alors  patron incontesté, de clôturer le show au cours de ces méga-meetings.

Le 23 septembre dernier, c’était bien le Mouvement «Y’en a marre » qui s’est révélé le véritable maître du jeu, sous le parrainage  de la frange société civile du M23, se piquant même de restreindre le nombre d’intervenants des partis politiques et leur temps de parole. Trois grands leaders, Moustapha Niasse, Abdoulaye Bathily, Landing Savané étaient «autorisés» à délivrer un message pour trois petites minutes. Et les trois chefs de parti ont chanté les louanges de la jeunesse, version «Y ‘en a marre» et insisté sur les responsabilités qui étaient les siennes dans les changements à venir, sans en tirer les conséquences pour eux-mêmes et leurs postures politiques. Apparemment, la crise de «jeunisme» n’épargne personne, opposition et majorité confondues. Et ce qui devait arriver, arriva. Le coordonnateur du Mouvement «Y’en a marre» a eu l’honneur et le privilège, donc la préséance sur les partis, de clôturer le meeting entre imprécations et chants guerriers, dans l’ignorance du chrono, laissant pantois certains responsables politiques qui n’avaient que leurs yeux pour pleurer, en se lamentant d’avoir été privés de temps de parole. L’écran de fumée constitué par les équations personnelles : candidature de Me Wade, candidat unique ou de l’unité alors en débat, sur fond de positionnement égocentrique, laissent en plan le pays et son devenir, les programmes et projets de société, l’avenir des générations présentes et futures, le cadre de vie.

Bennoo, une coalition fourre tout

Tout se passe comme si la lutte des places avait surclassé la lutte des classes et l’amélioration des conditions d’existence du plus grand nombre, la justice, l’équité, le progrès social solidaire. La question de fond reste la même pour Bennoo : qui devrait être  le  plus à même de rassembler l’électorat et de battre le ou les candidats libéraux ? La réponse à une telle question a peu à voir avec une prime à l’ancienneté ou à la longétivité oppositionnelle. Et si Benno a des difficultés à relever le  défi, c’est bien parce que, cette coalition de près de 40 partis, est un fourre tout qui a sécrété ses propres agents pathogènes, facteurs d’inefficacité, de surenchère et de discorde. Un rafistolage  qui risque d’être cher payé à l’arrivée. Voilà pourquoi, il  ne constitue pas, ni dans son format, ni dans son déploiement actuel, une menace sérieuse pour Me Abdoulaye Wade qui aura à cœur de terminer un dernier chantier consistant à mettre tous les caciques de l’opposition hors jeu et à les envoyer à la retraite avant de prendre la sienne.

L’une des principales motivations du maintien de sa candidature controversée et contestée, jusque dans ses propres rangs, résiderait dans cette détermination à assurer ses arrières en favorisant l’émergence d’une nouvelle classe politique, à défaut, une classe politique recomposée avec l’inversion de la pyramide des âges. Le vieil homme à l’esprit éternellement jeune, aventurier et baroudeur ne résistera pas à la délectation de faire ce dernier pied de nez à ces adversaires d’hier et d’aujourd’hui regroupés dans BennoO. « Terminus, tout le monde descend » ! Ce sera pour lui, une manière de parachever l’alternance de ce point de vue là, après s’être évertué à renouveler la haute administration, à créer une nouvelle caste de femmes et d’hommes d’affaires et une nouvelle élite malheureusement en mal de repères et de valeurs.

Cependant, le président Wade peut nourrir de tels desseins, mais il ne dépend que des dirigeants de Bennoo Siggil Sénégal,  en particulier des éléments du  noyau dur issus des formations les plus représentatives de cette coalition,  de se donner les moyens de le tenir en échec. Comme ce fut le cas lors des législatives de 2007, avec un mot d’ordre d’abstention largement suivi, ou encore de manière plus spectaculaire encore, la  Bérézina que Bennoo a fait subir au Pds et à la mouvance présidentielle lors des élections locales de 2009,  notamment dans les principales villes et les grands centres urbains du pays. Paradoxalement, Bennoo a réussi l’exploit de transformer une formule qui a fait ses preuves, en jeu de massacre où le candidat choisi dans la dispersion sortira affaibli et essoufflé de l’épreuve que ses partisans et alliés se sont inutilement imposés dans un bel esprit d’unité … de façade. Avant même d’avoir à livrer la bataille décisive.

Besoin d’émergence d’un véritable leadership

Toutefois, non seulement, il devrait être possible de sauver les meubles, mais également d’éviter le sinistre – ou le naufrage- dans la maison, si Bennoo siggil Sénégal pose les actes qu’exige sa situation, notamment en opérant des jonctions et en jetant des passerelles avec d’autres forces ou groupements politiques, au-delà de ses frontières partisanes traditionnelles. Dans cette perspective,  Bennoo Alternative 2012 devrait faire l’objet de plus d’attention et de sollicitude.  L’objectif restant, bien entendu, l’émergence d’un véritable leadership capable d’emporter l’adhésion du plus grand nombre en minorant les déperditions de voix.

Il faut espérer que Bennoo siggil Sénégal et Bennoo Alternative 2012 conjuguent leurs efforts et restent ouverts aux forces montantes, prônant un nouveau leadership. Le défi sera alors leur capacité à adouber un candidat dont le coefficient personnel, l’expertise, la respectabilité, la côte de confiance, l’intégrité, la probité morale et l’ambition nourrie pour le pays seront assez significatifs pour recueillir l’adhésion de larges couches de l’électorat.  Le Sénégal regorge  de femmes et d’hommes de cette dimension. Bien soutenus, refusant de jouer des rôles de composition, ils peuvent  changer les  données de la compétition et, du coup, rendre plus crédible notre système de dévolution du pouvoir. Le temps des candidats faire-valoir, et ceux devant bénéficier d’une prime d’expérience étatique et/ou oppositionnelle  est révolu.

Une démocratie se bonifie en accueillant les meilleurs d’entre ceux qui affichent une prétention à se mettre au service de la chose publique. Le monde change. Le Sénégal ne peut échapper à ce courant qui souffle sur les grandes démocraties dont se réclame notre pays. Il n’y a pas de petites ou de grandes nations. Il y a celles qui s’adaptent et progressent. Et celles qui, du fait de leur immobilisme, s’exposent au déclin.

2 Commentaires

  1. En économie,ce qui vraiment compte,c’est le ventre,c’est la poche mais en politique;seule la représentativité vous confére de la légitimité;tout le reste n’est que théories et de la pure masturbation intéllectuelle.

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