Incompréhensions après l’interdiction d’entrée des Tchadiens aux États-Unis

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Le Tchad rejoint la liste des pays visés par le décret migratoire américain bannissant ses ressortissants du territoire américain. N’Djamena exprime son « étonnement » et son « incompréhension ».

À partir du 18 octobre, les Tchadiens ne pourront plus poser le pied sur le territoire américain. Dimanche soir, la Maison Blanche a annoncé la liste des pays visés par le décret migratoire interdisant de façon permanente le franchissement des frontières américaines aux ressortissants de sept pays. En cause : des manquements à la sécurité sur leurs voyageurs et un manque de coopération avec les États-Unis.

Le Tchad est sur la liste noire américaine, au même titre que la Syrie, la Libye, l’Iran, la Somalie, le Yémen, et nouvellement la Corée du Nord. Le Soudan, l’un des six pays musulmans visés par le précédent décret, a en revanche été retiré de la liste. N’djamena a vivement réagi. « Tout en prenant acte de sa décision, le gouvernement tchadien exprime son incompréhension face au motif officiel sous-tendant cette décision », a déclaré à la presse Madeleine Alingué, ministre tchadienne de la Communication.

Les Tchadiens sont abasourdis – tous, sans exception, seront concernés par la mesure. Contactée par téléphone, Jacqueline Moudeina, militante des droits de l’homme, avocate des victimes de Hissen Habré et lauréate du « Right Livelihood Award » – communément appelé en français le prix Nobel alternatif –, est desemparée. « Je ne comprends pas. Tout le monde salue Tchad pour son implication dans la lutte antiterroriste, et après, le Tchad est placé sur cette liste », dénonce-t-elle.

Rentrée il y a justement deux semaines à peine des États-Unis, Jacqueline Moudeina devait y retourner en novembre pour participer à une conférence internationale sur les droits de l’Homme. Mais elle ne pourra s’y rendre. « Je devais partager l’expérience du Tchad dans la poursuite des grands massacres, la réparation des victimes et la mise en place de mémoriaux. Mais les organisateurs vont devoir chercher ailleurs. C’est vraiment dommage », regrette l’avocate d’autant plus surprise qu’elle a été titulaire d’une bourse d’études à l’université de Pennsylvanie.

Le Tchad proactif dans la lutte antiterroriste

Pour justifier sa décision, Washington évoque la présence d’organisations jihadistes comme Boko Haram sur le sol tchadien. Le groupe terroriste a en effet mené des attaques au Tchad ces dernières années. Mais N’djamena a beaucoup investi dans la lutte antiterroriste et le président tchadien Idriss Deby Itno a dit avoir engagé 300 milliards de francs CFA (soit plus de 457 millions d’euros) pour la lutte contre le terrorisme.

Au Mali, le Tchad forme le troisième contingent le plus important de la Minusma, la Mission des Nations unies, avec 1390 hommes et il a engagé 2000 soldats dans la Force multinationale mixte, créée en 2015 conjointement par le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun, pour combattre le groupe islamiste Boko Haram. Idriss Déby Itno s’était également engagé en février 2017, aux côtés des autres chefs d’État du G5 Sahel, à créer une force antiterroriste conjointe de 5000 hommes dont le rôle est de sécuriser les frontières de cette vaste zone minée par les trafics et le terrorisme, en appui de la Minusma et de l’opération Barkane.

Le soutien américain aux efforts antiterroristes tchadiens au Sahel

Du côté des observateurs, l’ajout du Tchad sur la liste noire américaine laisse pantois. « J’ai été au Tchad plus de trente fois. Aucun pays ne devrait figurer sur cette liste, et certainement pas le Tchad. Seul un Tchadien a jamais été accusé d’acte terroriste contre les États-Unis », s’insurge Reed Brody, conseiller juridique de Human Rights Watch interrogé par France 24.

« L’ironie, c’est que l’une des principales raisons pour laquelle les États-Unis soutiennent le régime autocratique du Tchad, c’est pour ses efforts antiterroristes au Sahel. Ils auraient pu mettre la pression sur N’djamena pour des questions de droit de l’Homme, mais là, on touche à un point sur lequel le Tchad est bon », insiste l’avocat américain.

« On a appris depuis neuf mois à cesser de chercher des raisons logiques dans les décisions de la Maison Blanche. Une fois de plus, cette décision n’a aucun sens et elle ne peut que nuire aux intêrets américains dans la région et à la coopération entre les deux pays », poursuit, las, Me Brody.

Dans son décret, Washington admet d’ailleurs que le président tchadien Idriss Deby est un allié important dans la région du Sahel pour la lutte contre le terrorisme. Ironiquement, cela ne semble pas suffisant.

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