Cayenne, en Guyane, le 29 nov. 2006
alors que mon pays tremble. (relisons-le )
Ils disent et prédisent des sabots de fer sur la ville
ils disent et prédisent des chevaux de feu sur la ville
mais ce pays n’habite ni le cœur des volcans ni la
revanche des fous amputés à vif
Pourtant
pour que l’orage ne révèle pas nos iguanes
avant que des termitières ne naissent les reptiles aux yeux de sang gelé
pour que la mer ne se refuse pas à la mer
avant que les vaincus n’humilient les dimanches de mars
pour que le jour ne commerce son visage avec les bougies
avant que la nuit n’ait besoin de nageoires pour regagner l’aube
pour que toute houle soit effeuillée de toute marée opulente
que tout cyclone sommeille à hauteur des pagaies
avant que Pikine ne réveille ses loups ne balafrent ses
panthères ne lève ses essaims
pour que la Médina garde la certitude des mosquées
avant que Colobane ne se mire dans des flaques d’intestins
pour que des guirlandes d’enfants n’ensanglantent les récifs des Almadies
avant que le Plateau ne soit fermé aux alizés
pour que les oiseaux restent dressés dans la liberté des vents
avant que les routes du ciel ne soient ensevelies
pour que les bateaux blancs et bleus ne
veillent des ports herbeux des horizons scellés
avant que «le Vert le Jaune étoilé et le Rouge» ne servent de
nappe lépreuse aux poubelles des égouts
pour que Gorée reste la mémoire d’une seule offense
pour que Thiaroye Dieuppeul les Sicap ne se désolent des cris des linceuls
pour que la Casamance belle panse ses plaies dans le sourire des figuiers
pour que mon Kaolack chéri donne ses semences pour une nation sonore
que Saint-Louis reste la reine, la femme foudre, la fiancée d’eau et de brise
pour que Diourbel Louga Linguère Tambacounda taillent la route aux
mangroves dans les semailles des coquillages de demain
avant que notre pays ne tente de redevenir notre pays
je voudrais vous dire Monsieur le Président
pour que la pirogue reste la pirogue
le fleuve le fleuve
pour que le phare fidélise le sommet des Mamelles
je voudrais vous dire Monsieur le Président
pour que la patrie dise la patrie
la kora la kora
le khalam le khalam
pour que la mosquée repose le poids de nos épaules
et que l’église soit le havre de l’offrande
je voudrais vous dire Monsieur le Président
vous que l’âge a servi dont les jours ont mûri l’âme
vous qui avez bu toute la mémoire des lanternes et éclairé tous les boulevards
vous dont la montagne a nourri les pas
et la montagne voit plus loin que le guide
vous à qui l’arbre a prêté son ombre et l’ombre le tronc de l’arbre
et le puits son eau et l’eau ses tempes
vous pour qui nous ne souhaitons que les routes du jour car
Dieu a voulu cacher le cœur de votre peuple hors des ténèbres
ce peuple à tête de sourates et de psaumes
ce peuple de foi glaneur de paix et de cerisiers gorgés de lait
je voudrais vous dire Monsieur le Président
hors les routes de la politique loin des vertiges du pouvoir et
des vallées aux marées de passions où
dansent de joyeux analphabètes et fourmillent squales et rapaces
je voudrais vous dire Monsieur le Président
au nom de mon pays aimé et de ses lettres d’or
au nom des archives pourpres et glorieuses
au nom des mémoires en fleurs odorantes
vous dire au nom de notre marche sous les zéphyrs et l’harmattan du monde
au nom de notre commune et têtue espérance
vous dire Monsieur le Président
parce que vous n’êtes qu’un homme
et parce que vous n’êtes pas qu’un homme
vous qui avez foré tant d’horizons
permis tant de jours de marche tant de jours de riz
mais les corbeaux arrivant dans la cuisson inachevée des étoiles
vous avez fêlé des rêves retardé des aurores éteint le scintillement des roses raréfié le pain et le sel déchiffré seul de hauts signes compté seul les racines des forêts car c’est ainsi aussi la marche des «prophètes» quand Dieu dort et qu’ils jouent à prendre sa place
vous dire je voudrais vous dire Monsieur le Président
que les lions gravissent la montagne
que le troupeau dans la vallée a dénombré chaque pierre qui fait la montagne
et que tout le troupeau est fait de toute la montagne
vous dire avant que les mémoires ne fermentent
à vous qui avez fait le choix du cercle de feu
qu’ «entrer dans l’histoire c’est entrer dans la haine» des
uns l’amour des autres
vous dire
surprenez-nous donc Monsieur le Président
surprenez-nous à rebours des cris de tant
d’oiseaux blessés s’écrasant sur les façades de lumière
Rien n’est fini Monsieur le Président si
on sait préparer le feu dans la reconnaissance des grottes…
vous dire que l’histoire n’a pas séché son encre
reste seulement à savoir quelle page ajouter aux livres des vivants quelle page retrancher
de l’oreiller des morts quelle page espérer des chants des poètes et des troubadours
quand sur bien des tombes auront fleuri jujubiers et tamariniers
et que nos fils nous aurons devancés dans la bouche des juges
Monsieur le Président
pour un jour le Sénégal peut avoir peur pour un jour avoir honte
mais jamais il ne périra tant qu’il restera quelque part un
lambeau de minaret le bout d’une croix la certitude d’une prière
Mes respects Monsieur le Président
Amadou Lamine Sall
Ah quel plaisir
Ouf
ah cela change de ces contributions prétentieuse
Bravo Mr Sall et surtout merci
PNM
Magnifique poème M. Sall. Incroyablement beau et visionnaire. Personne ne dira de A L Sall ne l’avait pas écrit, déjà depuis 2006, depuis le temps de Wade. Quelle actualité ! J’espère que nos politiciens actuels du pouvoir et de l’opposition réunis, mais aussi tous nos marabouts politiciens, vont faire graver ce sérieux et saisissant texte et le placarder sur les murs de leurs salons. Pour toujours. Amiin.
c’est beau parce que vrai.merci
C’ est rafraichissant et surtout premonitoire et visionnaire.
L’alerte est lancée a bon entendeur salut pour une paix durable et non un Sénégal de sang
Ce clochard n’a rien dit. Au lieu de condamner les derives, il nous saoule avec des allusions d’enfant.
Ce flagorneur patenté aime à dire des fadaises. Ayant fait plusieurs clins d’œil à Macky Sall, il ne lui reste que l’habit du « vokhonnako au lieu de khamonako ». De tous les poètes africains, assurément, il est le plus nul. A-t-on idée de le comparer à un U tam’si ou à un Birago Diop. C’est trop lui faire d’honneur. Quémandeur invétéré du Ministére de la culture, vil prébendier, quand allez-vous comprendre que vous saoulez vos semblables.