La conclusion inappropriée de Professeur Serigne Diop par Pathe Gueye

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Subitement, après environ une heure de palabre captivant aux saveurs fortement juridiques, le Pr Serigne Diop a ôté sa toge universitaire pour conclure son argumentaire en révélant aux auditeurs de la Radio Futurs Média (RFM) qu’il va voter OUI au référendum du 20 mars 2016. La messe ainsi dite, ne laisse plus de place au doute et a surement permis aux partisans de l’Affirmatif de pousser un grand ouf de soulagement. Mais, qu’était-il arrivé au professeur pour qu’il perde si brièvement son flegme habituel et légendaire? Était-il pris dans le piège de l’instantanéité ou des manœuvres journalistiques? Comment se fait-il qu’un professeur de son rang puisse nous livrer, sans pour autant que le journaliste ne lui pose la question, une conclusion si inattendue en total déphasage avec l’analyse livrée? Pourquoi avait-t-il fait appel, contre toute attente, à ses convictions ou à ses opinions personnelles alors que l’invité de l’émission était en toute exclusivité un universitaire de renommée? Dans tous les cas, l’incompréhension, l’étonnement et la surprise ont été des sentiments que nous avions relevés dans les nombreux commentaires qui avaient suivi l’émission.

Avant d’aller plus loin, afin que nul ne l’ignore, parlons-en! Lorsque nous posions nos pieds pour la première fois dans un amphithéâtre à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, le fameux cours de Droit constitutionnel et Institutions politiques était donné par son successeur le Pr Babaly Sall. Nous faisons donc partie de ces générations d’étudiants en Droit et Science politique qui n’ont pas eu le privilège d’avoir le Pr Serigne Diop comme enseignant. Or, malgré cet état de fait, nous croyons fermement que toute personne qui porte, de près ou de loin, un intérêt à l’enseignement et à la vulgarisation des sciences juridiques et politiques au Sénégal, connait et respecte l’estrade très honorable qu’occupe le professeur Diop ainsi que son inestimable et indescriptible contribution. Et nous nous réjouissons à chaque fois que lisions ses écrits ou l’entendions s’exprimer sur un sujet d’actualité. De plus, il est devenu incontournable et  impossible qu’un problème de droit public ou de science politique en général se pose au Sénégal sans que l’on ne pense à lui. Même son silence est significatif et assourdissant!

Monsieur Serigne Diop, invité de l’émission Grand Jury de la RFM du 13 mars 2016, disions-nous, a été présenté par le journaliste-animateur, Mamadou Ibra Kane comme : professeur agrégé de Droit public-science politique; titulaire depuis 1994 de la chaire de Droit constitutionnel et de Science politique de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, professeur titulaire de classe exceptionnelle depuis 2004 et ancien médiateur de la République. Avec de tels grands honneurs sur les épaules, quoi que de plus normal et logique de faire appel à lui  dans ce contexte de totale confusion suscitée par le projet de référendum qu’a décidé de soumettre au Peuple sénégalais le 20 mars 2016 le président Macky Sall. Comme plusieurs de nos compatriotes, nous attendions avec impatience sa prise de parole. Car, nous estimions à juste titre, en lui tendant le micro, les citoyens sénégalais allaient avoir enfin une belle occasion de dissiper le malheur des choses sombres et/ou  tues parce que le Pr Serigne Diop est très bien placé pour nous édifier, nous éclairer. D’ailleurs, il le fit avec brio en prenant le soin de faire ressortir dans son analyse toutes les caractéristiques inhérentes à la logique du droit,  au raisonnement juridique. Pour tout dire, le Pr Serigne Diop au micro de Mamoudou Ibra Kane a livré un cours magistral très agréable à écouter! À l’entame de son propos, il s’était lancé, en s’appuyant sur une approche historique, à nous expliquer les origines ainsi que la place et les fonctions des Constitutions. Aussi,  en ramenant les éclaircissements de l’éminent professeur Seydou Madani Sy sur la controverse doctrinale ou d’interprétation (Décision/Avis) provoquée par le Conseil constitutionnel sénégalais avec les effets qui en découlent pour le président de la République; en mentionnant la correction historique que les 45 enseignants ont infligé à leur collègue Pr Ismaila Madior Fall, conseiller juridique du président de la République; en exposant la nécessité pour le bénéfice des étudiants de dissocier les articles 51 et 92 de la Constitution; en discourant sur le sens et la portée d’une consultation référendaire pour un pays comme le Sénégal et en faisant un commentaire explicite de certains articles, etc., il est incontestablement vrai de réitérer que la «voie universitaire autorisée» a produit une prestation d’une qualité exceptionnelle pouvant en grande partie mieux faciliter la compréhension de notre État, de ses institutions politiques et du jeu politique qui l’amine actuellement.

Seulement, en déclarant avoir décidé de dire OUI le 20 mars prochain avec des arguments comme: « on doit être très attentif à la tension du pays. Je ne peux pas contribuer à accentuer la tension (…) notre pays entre dans la contestation et la remise en cause de chef de l’État avec toutes les conséquences que cela comporte (..)  je ne souhaite pas qu’on en arrive à ce genre de situation parce-que ce n’est pas bon pour le pays», le Pr Serigne Diop semblait être submergé par l’émotion pour oublier avec regret de faire la part des choses. Il avait complètement manqué de scinder le triptyque qui se confond en lui-même et qui est formé par: le citoyen, le politicien et l’universitaire. Plus précisément, s’il était invité à l’émission comme citoyen ou politicien, nous serions très à l’aise avec la conclusion de son raisonnement argumentaire. Car, il nous paraît insensé voire totalement impossible de refuser à tout citoyen ou à tout acteur politique d’avoir ou de faire savoir sa position personnelle sur la manière dont la destinée du pays est gérée par nos gouvernants. Or dans le cas d’espèce,  le fauteuil était malheureusement entièrement occupé par l’universitaire, le professeur! Par conséquent, nous nous attendions plutôt de la part du Pr Serigne Diop des efforts de neutralité qui confinerait au chaud, ne serait-ce que pour le temps d’antenne, son choix personnel. Comme par le passé, sa toge professorale, lui recommandait plus que jamais un devoir de réverse car le contexte de même que le cadre d’intervention n’étaient pas appropriés. Mieux, un professeur de sa trempe, dit-on, doit plus aider, entre autres, à faire dépasser les préjugés qui gangrènent la cohésion sociale, à restaurer les convergences qui doivent émaner des divergences et à préserver la diversité des modèles, des approches, des opinions. Justement, c’est en cela que nous croyions à l’instar de l’écrivain Jean Guéhenno que le Professeur pourrait être défini comme  «un homme qui pense mieux devant les autres, avec les autres et pour les autres, que seul et pour lui seul»!

Pathé Guèye

Montréal, le 18 mars 2016

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