TOURISME, OMT; Journée Mondiale 2016 sous le thème:
«Le Tourisme pour tous: la Promotion de l’Accessibilité universelle».
Une contribution d’Elhadji Abdoul Aziz Guèye, Consultant en Tourisme.
A priori, une réaction à l’intitulé du thème retenu cette année pourrait être « Primum vivere… ». Parce que le tourisme ne figure point dans le lot des besoins indispensables que tout humain, sous quelque latitude qu’il se trouve, aspire à satisfaire d’abord. Cest-à-dire l’alimentation, l’habillement, la santé, l’éducation.
Absent de ce lot de biens essentiels du quotidien, le tourisme moderne, sinon engendré_au moins couvé et maintenu en vie_ par l’accroissenment du pouvoir d’achat en Occident, traîne comme une tare congénitale, la discrimination sous des formes diverses.
Une telle discrimination de naissance a d’abord été socio professionnelle puisque les catégories bénéficaires des congés payés résultant des Lois Sociales de 1936 ne représentaient point l’ensemble des citoyens. La même a été spatiale aussi: l’aménagement touristique a souvent favorisé le littoral au détriment d’autres régions d’un même pays; de plus, sur l’international le tourisme a perpétué la démarcation entre un Centre, l’Occident émetteur, et une Périphérie (réceptrice) des Loisirs se confondant pour l’essentiel avec le Tiers Monde.
Au plan purement social, le tourisme, n’étant pas à la portée de tous, a contribué, de manière passive peut-être, à mettre à nu des disparités entre classes; de même il a servi à exacerber la tension entre des citoyens souffrant d’un handicap_quel qu’il soit_et le reste de la population.
La prise en compte des besoins spécifiques des handicapés a toujours été très marginale dans les sites et installations touristiques, dans les équipements hôteliers et même dans les moyens de transport, tous modes confondus.
Au Sénégal, environ 6% de la population totale vivent avec un handicap.
Ici, comme dans l’écrasante majorité des pays du Continent Africain, et même du Tiers Monde, c’est-à-dire dans l’espace qui recoupe la périphérie des loisirs, vivre avec un handicap équivaut très souvent à être quasiment exclu des lieux publics, ou même du système éducatif. Généralement, rien n’est prévu pour leur en faciliter l’accès.
Dès lors la perspective de l’accessibilité des sites et produits touristiques à cette catégorie d’humains s’inscrit franchement dans le long terme. A moins que tous ceux qui sont impliqués dans le développement et la promotion du tourisme fassent montre de célérité dans la mise en oeuvre d’innovations majeures destinées à corriger une
injustice sociale.
Ailleurs, au Centre qui est destiation touristique aussi, la situation peut être différente.
Ici, au-delà de l’aspect discriminatoire sous l’angle des droits humains, toute non prise en compte des personnes vivant avec un handicap dans le dispositif d’accueil touristique
est de plus en plus perçue par les opérateurs du secteur comme un réel manque à gagner pour leur compte d’exploitation. Parce que sur ces marchés, comme clientèle, les personnes avec handicap se révèlent constituer un segment potentiellement porteur.
Comme produit de consommation, nous en convenons, le tourisme devrait être accessible à tous.
A ce propos, nous saluons l’engagement de l’Organisation Mondiale du Tourisme, OMT, de faire sienne cette volonté, même si l’idée n’est pas nouvelle.
Démocratiser le voyage a en effet constitué, très tôt, le souci de pionniers qui ont contribué leur temps et leur énergie à la promotion d’une forme de tourisme au bénéfice quasi exclusif des populations à faible pouvoir d’achat.
C’est ainsi que dans les années 70 déjà, correspondant avec les débuts de votre serviteur dans le secteur, Maurice Freund mettait sur pied son organisation Le Point Mulhouse, et proposait certaines destinations d’Afrique à des prix accessibles aux bourses africaines.
Ce fut , avant la lettre, un bon exemple de tourisme solidaire.
La même volonté de démocratisation du voyage à des fins de tourisme, le tour opérateur Nouvelles Frontières de Jacques Maillot se l’est appropriée aussi, avec toutefois une approche moins altruiste et désintéressée que celle de Freund.
Dans tous les cas l’aventure continue, quand bien même sous d’autres formes, quand bien même sur un rythme différent..
Et c’est tant mieux, parce que malgré les nombreuses préoccupations, souvent légitimes, exprimées ici et là sur son développement, le tourisme a contribué à l’accessibilité de zones initialement enclavées.
Même si, à présent, le caractère non universel de cette accessibilité_comme rappelé ci-dessus,_reste en total déphasage avec la situation globale du secteur, qui semble s’être mondialisé.
Et nous voici dans un contexte de mondialisation qui complique à souhait la gestion du tourisme en général: si l’on admet que le secteur s’est mondialisé, force est aussi de reconnaître que son ennemi public numéro un, le terrorisme, se mondialise aussi.
«La menace terroriste est présente, pesante et permanente», Manuel Valls dixit ce 22 septembre.
Dans un tel contexte du «monde inquiet» qu’on dit rétréci, dans lequel nous vivons, oú le virtuel prend le dessus sur le réel, l’accessibilité physique s’avère tributaire de la sécurité.
Ainsi, le défi majeur de la sécurité interpelle désormais tous les acteurs , sur toutes les destinations.
Et à moins de le relever, l’accessibilité souhaitée en prônant le tourisme pour tous,
ne saurait s’exercer_et c’est déjà le cas de toutes façons_ que par les réseaux sociaux. C’est-à-dire qu’une telle éventualité ne pourrait malheureusement être que virtuelle.
Elhadji Abdoul Aziz Guèye
Consultant en Tourisme ; [email protected]
