XALIMANEWS- L’achat d’un nouvel avion de commandement présidentiel A-320 NEO par le gouvernement fait réagir les sénégalais. Si certains trouvent que le moment est mal choisi (pandémie, économie en berne,…) , d’autres trouvent la démarche du régime en place incohérente puisque Macky Sall a lui même plaidé pour l’annulation de la dette des pays comme le Sénégal. Xalima met au goût du jour cet article du site la Capital.fr.
Au fronton du complexe d’Airbus à Mobile, dans le sud des Etats-Unis, n’allez pas chercher de drapeau européen. Le jour de notre reportage, début février, seuls trois pavillons flottaient en haut des mâts de l’entrée, au gré des bourrasques et des averses typiques de la région : le drapeau officiel de l’avionneur, celui des Etats-Unis et celui de l’Etat de l’Alabama – là où se trouve le site. A l’intérieur du bâtiment, pas de bannière jaune et bleu, pas de tricolore non plus, mais une colossale «Stars and Stripes», accrochée derrière la chaîne d’assemblage des A320neo. Pour un peu, on se croirait chez Boeing ! «Vous savez, ici, les gens sont très patriotes, fait valoir Daryl Taylor, le directeur britannique du site, 40% de nos ouvriers sont d’ailleurs des anciens combattants des guerres d’Irak et d’Afghanistan.»
«A Rome, fais comme les Romains.» Voilà le secret de la formidable réussite du puzzle industriel d’Airbus, dont le site de Mobile, inauguré en 2015, est la dernière pièce posée. «Pour vendre des avions aux Américains, c’est mieux d’avoir une usine sur le sol américain», explique le consultant yankee Richard Aboulafia. Airbus applique la même logique en Chine, où il a construit le site de Tianjin. Malin. Quand elles lui achètent des appareils, les compagnies locales évitent de plomber le commerce extérieur de leur pays. Et cela crée des emplois sur place. «Plus de 275 000 jobs directs et indirects rien qu’aux Etats-Unis !», vante le patron d’Airbus Americas, Jeff Knittel.
Si Airbus peut montrer ses muscles au pays de Mao et sur les terres de l’Oncle Sam, c’est que les compagnies du monde entier en pincent pour ses moyen-courriers. Les évolutions «neo» de la famille A320, l’A319neo (120 sièges), l’A320neo (150 sièges) et l’A321neo (jusqu’à 206 places dans sa version «long range»), ont rencontré leur public car elles consomment 15% de moins que la génération précédente. Essentiellement grâce au LEAP, le moteur dernier cri développé par le duo Safran-General Electric. Boeing a répliqué avec ses B737 Max, eux aussi équipés d’une version de ces nouvelles turbines. Mais Airbus garde une confortable avance. «Avec nos 6023 commandes dont 5866 neo, nous avons 60% de part de ce marché», se réjouit Christian Scherer, le directeur commercial d’Airbus.
La petite famille «neo» dispose de quatre lignes d’assemblage dans le monde : Hambourg, Toulouse, Mobile et Tianjin. Par souci d’efficacité, les procédés de fabrication sont partout les mêmes. Au détail près. Sur ce sujet, c’est l’Allemagne qui donne le ton. «Toutes les chaînes de montage final sont des exactes répliques de celle, historique, de Hambourg», explique Daryl Taylor. Régulièrement, le directeur de Mobile reçoit des délégations d’ingénieurs allemands. Ils ont pour mission de vérifier que chaque outil, chaque ligne est à sa place. Seraient-ils superstitieux ? Les Allemands veillent même à ce que les hangars dédiés aux A320 arborent partout le même numéro. «Le 9, soit le même qu’à Hambourg, même si on n’a que trois hangars à Mobile pour l’instant», dévoile le patron du site, qui prévoit de construire cinq nouveaux bâtiments dans les quinze prochains mois.
De fait, Airbus a un «petit» problème : son carnet de commandes déborde. Il doit donc accélérer fortement la production. D’ici l’été, l’avionneur envisage de livrer, chaque mois, soixante appareils de la gamme A320. Puis, si les fournisseurs arrivent à suivre, il montera à 63 en 2020. Chaque usine prendra sa part. «Ici, en Alabama, on en assemble déjà quatre par mois», déclare Daryl Taylor. L’objectif que lui a fixé sa hiérarchie est de livrer 57 avions cette année. Sachant que ses équipes en ont construit 108 depuis l’inauguration, en 2015, cela donne une idée de l’effort à accomplir. «Nous grimperons à cinq appareils mensuels d’ici la fin de l’année, poursuit le directeur, sans sourciller. Puis à huit, soit la capacité totale de l’usine, d’ici trois ans.»
Pour que cette marche forcée réussisse, encore faut-il que les pièces détachées lui parviennent à temps. En théorie, cela n’a rien d’évident. Certains sous-traitants ont du mal à tenir le rythme. Et tout est fabriqué très loin. Les tronçons de fuselage et les cabines sont conçus en Allemagne. Les ailes, le système de carburant et les trains d’atterrissage sont produits au Royaume-Uni. Certains éléments de structure sont façonnés à Nantes. Les sièges, à Toulouse. Et la queue arrière en Espagne. Cela donne le tournis ! Mais, en pratique, ça marche. Les avions cargo Beluga, reconnaissables à leur faciès de souriant cétacé, approvisionnent Toulouse et Hambourg. Tandis que de titanesques tankers livrent Tianjin et Mobile.
C’est du port de Saint-Nazaire que les navires partent pour rejoindre l’Alabama. Au rythme d’un à deux par mois. Leurs ventres de ferraille transbahutent de quoi construire quatre appareils au complet. La traversée dure treize jours. Pas un de plus. C’est beaucoup, et peu à la fois. Songez qu’ils doivent enjamber l’Atlantique, parcourir la moitié du golfe du Mexique et longer les côtes du «Deep South» sur des centaines de miles en direction de l’Ouest. A l’arrivée, pas question pour les matelots de danser au son des jazzmen de La Nouvelle-Orléans ou d’explorer les bayous. Des camions pachydermiques les attendent. C’est à eux qu’il revient de transporter la précieuse cargaison sur les six derniers kilomètres, escortés par des policiers chargés de bloquer la route.
Cet incroyable ballet industriel n’est pas près de s’arrêter. Le 16 janvier dernier, Tom Enders, le P-DG d’Airbus jusqu’au mois d’avril, a posé, lui-même, avec son «sourire Colgate» des grands jours, la première pierre d’une toute nouvelle ligne de production. Cette ligne, dont la construction va coûter 300 millions de dollars, sera consacrée à l’assemblage des A220, les ex-Cseries de Bombardier, qu’Airbus a repris l’été dernier pour un dollar symbolique. Ces appareils de 110 à 150 places, dont le programme a été lancé par les Canadiens il y a une dizaine d’années, n’ont jamais réussi à trouver leur public, malgré ses excellentes qualités techniques (ailes en carbone, moteur dernier cri, confort irréprochable à bord). «Et pour cause, les compagnies avaient peur que son constructeur fasse faillite», rappelle Richard Aboulafia.
Pour rentabiliser cette acquisition, la direction d’Airbus mise sur son savoir-faire industriel. Dès le bouclage du contrat, le 1er juillet dernier, Tom Enders a dépêché un commando d’une dizaine d’experts à l’usine de Mirabel, au Québec. «J’ai pris mes fonctions le jour même de la signature, se souvient Philippe Balducchi, qui dirige le joint-venture. Dès le deuxième semestre 2018, nous avons réussi à livrer vingt A220, soit sept de plus que sur les premiers six mois.» Ses ingénieurs phosphorent à plein tube pour faire des économies. Une piste serait de remplacer l’aluminium-lithium du fuselage de l’appareil par de l’aluminium simple, nettement moins cher «Une autre, révèle Florent Massou, le vice-président du programme, pourrait être de garnir l’intérieur avant de souder les tronçons comme nous le faisons sur l’A320.» Une technique que, pour le moment, seul Airbus maîtrise.
L’avionneur a aussi prévu de mettre ses fournisseurs sous pression. «Chez Bombardier, on était trop petits pour obtenir de bons prix, se rappelle le Canadien Raymond Manougian, qui est resté dans la nouvelle structure en tant que chef du marketing. Mais, maintenant, le rapport de force a tourné à notre avantage.» De quelles ristournes parle-t-on ? «Je peux seulement vous dire que nous sommes sur un pourcentage à deux chiffres», répond Philippe Balducchi. Le consultant américain Richard Aboulafia risque un pronostic : «Je ne serais pas surpris que les sous-traitants finissent par lâcher 30%.» Pas mal.
Pas question pour Airbus de se reposer sur ses lauriers ! Boeing n’a pas l’intention de se laisser longtemps distancer sur le juteux marché des monocouloirs, qui devrait représenter 70% des ventes d’avions dans les vingt prochaines années. Boeing a lancé des versions remotorisées de son best-seller, le B737, dont le premier exemplaire a décollé en 2017. Un excellent modèle, qui lui a déjà permis de revenir dans la course. Et, pour contrer les A220 sur le créneau des jets de taille modeste, il vient de s’offrir le constructeur brésilien Embraer, un spécialiste des appareils régionaux, qui compte de très bons ingénieurs.
Mais c’est sur l’innovation que se jouera la prochaine guerre. La plate-forme A320 a été développée au début des années 1980. Celle du B737 date de la fin des années 1960. De l’avis des experts, le temps des simples évolutions assorties de nouveaux moteurs est fini. La prochaine génération devra être révolutionnaire. Quand volera-t-elle ? «Entre 2028 et 2035, pronostique Philippe Petitcolin, de Safran. Tout dépendra de qui tirera le premier.» Messieurs, aux armes ! Mais les «blue-collars» d’Airbus Americas savent-ils que c’est sur le site même de leur usine que fut construit, en 1702, le fort de Mobile ? Ce bastion, depuis longtemps oublié, fut l’un des premiers avant-postes de l’armée française dans sa conquête de la Louisiane.
Les A320neo et les 737 Max sont personnalisables à loisir
Lors de notre visite chez Boeing, nous avons pu faire le tour du centre de configuration des avions, situé non loin du siège de l’avionneur, à Renton, en banlieue de Seattle. «Ici, Nous recevons tous les jours des représentants de compagnies», assure Kent Craver, notre guide. Comme chez Ikea, on peut tout personnaliser : couleur des rideaux, taille et tissu des sièges, toilettes… Sans parler des petits extras. «Un client nous a récemment demandé de faire certifier spécialement pour lui une machine à cappuccino pour l’installer dans tous ses appareils», se souvient Mike Fleming, vice-président en charge des services de l’avionneur. Airbus dispose, bien sûr, d’un studio de configuration équivalent, situé dans son siège toulousain.
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