Lettre ouverte à Ismaïla Madior Fall, Par Alioune Badara Bèye

Date:

Mr le Professeur,
Vous prétendez, dans la publication faite dans nombre de journaux en ce 23 février 2016, avoir plus d’autorité que les autres spécialistes du droit qui se sont arrogés la prérogative de parler de «votre constitution».

Ils ont visiblement commis un sacrilège, car si le spécialiste émérite que vous êtes prend position, il nous faudrait «boire ses propos» qui tels des paroles d’évangile ne sauraient être sujet à discussion. Mais, acceptez, Mr le professeur, que ces messieurs, qui vont ont tout de même devancé dans cette matière noble qu’est le droit, ont la capacité de comprendre et commenter des textes de droit.

Souffrez, Mr le professeur, que ces éminentes personnalités, esprits tout aussi brillants vous apportent la contradiction. Et ils n’ont véritablement pas tort puisque confortés dans leur compréhension par celui que vous considérez comme votre alter- égo, l’honorable professeur et ancien médiateur de la République, votre professeur.

Mr le professeur, défendez votre position si tant est qu’elle est vôtre, avec seulement des arguments techniques, sans dénier aux autres le droit à la parole sous prétexte qu’ils ne sont pas spécialistes du domaine (se spécialiser en droit constitutionnel ne prend pas une dizaine d’années). Ceci ne saurait suffire pour convaincre les profanes que nous sommes, nous sénégalais appelés à voter ce texte et désireux de savoir dans quoi nous sommes embarqués, d’autant qu’on nous rabâche sans cesse que nul n’est censé ignoré la loi.

Acceptez aussi, Mr le professeur, que nous citoyens retournions à des personnes autres que vous, pour satisfaire notre soif de savoir, quand vous , l’ agrégé en droit public et de science politique, professeur titulaire des Universités et quoi encore…échouez à étancher notre soif inextinguible de savoir en disant une chose un jour et le lendemain son contraire.

Mr le professeur, vous trouvez curieux que le Conseil constitutionnel dénomme « décision n°1 » et que des commentateurs lui disent : Non, vous avez rendu un AVIS. Il est aisé de comprendre que l’on cherche désespérément à imposer sa pensée comme étant celle du Conseil.

Mais, en suivant votre logique, je vous rétorquerai que je m’étonne tout autant que dans la décision précitée, le Conseil dise : « le Conseil est d’avis », et que vous commentateur, dîtes que le « Conseil a décidé ».

Ayez l’amabilité de permettre aux autres, ce que vous vous êtes permis.
Aussi, s’il faut véritablement être spécialiste d’une matière pour en parler, il aurait fallu faire preuve d’honnêteté intellectuelle, pour ne pas travailler sur l’acte 3 de la décentralisation, que vous avez piloté et qui, confronté à la réalité, montre des tares congénitales au grand dam des collectivités locales.

En outre, vous, spécialiste du droit constitutionnel, avez vu, si je ne me trompe, le Conseil constitutionnel prendre le contre-pied de vos allégations un soir de Mars 2012.

Bien qu’éminent spécialiste, vous n’aviez pas vu juste, à moins que ce soit ledit conseil qui avait tout faux.

Par ailleurs, la question qui est sur toutes les lèvres et à juste titre, est, en quel Ismaïla avoir foi, vu vos deux versions d’une même problématique.

Mr le professeur, oui, on peut aisément comprendre qu’un avis puisse être contraignant.
Aussi, il est vrai que dans un état de droit, c’est la vérité judiciaire qui compte et que les spécialistes du droit tout comme les citoyens n’ont que des opinions, donc comprenez que vous n’avez tout aussi qu’une opinion qui n’est forcément pas la vérité.

Toutefois, il n’est nul besoin d’être spécialiste, agrégé en quoi que ce soit, pour comprendre l’humilité qui semble véritablement vous faire défaut, quand, vous prétendez que la présente révision constitutionnelle dont vous êtes le parrain est la plus grande des révisions consolidantes de l’histoire du Sénégal.

Faîtes preuve Mr le professeur, non pas d’obséquiosité, mais juste de plus d’humilité pour éviter de finir comme le fils de Liriopé, qui jadis tomba amoureux de son propre image.
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1 COMMENTAIRE

  1. MERCI MONSIEUR BEYE DE CES RAPPELS ESSENTIELS

    Monsieur le Professeur Ismaela Madior Fall nous met au défi  » qu’on [lui] montre, dans tout l’ordonnancement juridique sénégalais, là où il est implicitement ou explicitement écrit qu’il [l’avis à l’art.51] est simplement consultatif »
    VOICI UNE REPONSE : le simple fait que la Constitution, pour le cas précis de l’article 51, se limite à dire « avis » et, parce que pour le cas des actes que rend le Conseil constitutionnel, il ne peut jamais s’agir que de « décision » (en matière constitutionnelle, en matière électorale et en matière consultative), l’on n’est dans une quasi-impasse interprétative avec comme seule issue celle-ci : admettre que l’acte que rendra le CC sur le fondement de cet article ne peut s’agir que d’un avis consultatif ou d’une décision en matière consultative ce qui revient au même. S’il en était autrement, le pouvoir constituant allait être plus exhaustif sur la portée juridique de l’avis dont il parle. Le pouvoir constituant a fait l’économie de ses mots puisque l’article 51 est clair. Par ailleurs, si le Conseil s’arroge la faculté de nommer autrement l’acte qu’il rend conformément à ce que prévoit la Constitution (art.51 « après avoir recueilli l’avis » ) , son destinataire ne doit y voir un acte d’une autre nature que celle que la Constitution énonce expressément : c’est-à-dire un « avis./ »). En toute rigueur scientifique la Constitution parle d’un avis et d’un avis obligatoire (il faut recueillir l’avis du CC et du Président de l’Assemblée nationale). Mais la Constitution s’arrête là. Et le CC n’a pas commis l’imprudence de viser d’autres articles que l’article 51 qui impose de recueillir son avis et l’article 103 qui est relatif à la révision de la Constitution (il n’a jamais osé viser l’article 92, article qui, par ailleurs, énumère d’abord les cas de figure pour lesquels le Conseil rend des décisions revêtues de l’autorité de la chose jugée avant de dire qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles »).
    Monsieur Fall, je vous respecte et vous resterez un Professeur agrégé, donc notre supérieur, dans le cadre universitaire. Permettez cette divergence de vue qui se fonde,elle aussi, sur la rigueur scientifique à laquelle vous nous appelez (à supposer que la controverse doctrinale sur le droit en tant que science soit close à notre insu).
    Il s’agit d’un contrôle par rapport à « l’esprit général de la Constitution ». Si nous comprenons toute la nuance entre conformité à la Constitution et conformité « à l’esprit général » alors nous saisissons la portée de l’avis (Le CC lui-même prend le soin de préciser qu’il s’agit de vérifier la conformité du projet « par rappot à l’esprit général de la Constitution »). D’ailleurs au sens strict quelle serait la norme de référence du Conseil ?
    Par conséquent il ne peut ici être question de « poser les conditions de la CONFORMITEd un projet de révision A LA CONSTIITUTION ». La Constitution ne prévoit pas ce cas de figure qui strictement parlant n’existe dans aucun système de justice constitutionnelle qui nous est familier

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