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Marie Angélique Savané:« La parité annoncée relève de la démagogie »

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Sociologue, Mme Marie Angélique Savané a eu à diriger, pendant longtemps, la revue Famille et Développement en tant que rédactrice en chef. C’était dans le cadre d’un projet d’éducation au développement. Par la suite, elle a embrassé une carrière aux Nations unies, puis s’est engagée dans le monde des Ong et a créé beaucoup d’associations féministes dont Yewu Yewwi. Tout dernièrement, elle s’est occupée du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), un projet-phare du NEPAD. Dans cet entretien elle dit pourquoi les femmes sont presqu’absentes dans le mouvement vers les indépendances. Et se prononce sur la parité annoncée par le président Wade.

Mais est-ce que vous n’êtes gênée par le fait que le la parité soit finalement « un cadeau » du président Wade et non le fruit du combat des femmes ?

Ce n’est pas que Wade s’est levé pour décider de la parité. Wade n’a jamais été concerné par la question des femmes. Il y a vingt ans, ce n’était pas son problème. Le mouvement des femmes de son parti est resté longtemps bloqué faute de trouver quelqu’une pour diriger la structure. Lui-même disait qu’il n’y avait pas possibilité de trancher parce qu’elles ne sont pas, pour l’essentiel, lettrées. C’est avec l’alternance qu’il s’est rendu compte de la force des femmes et qu’il est obligé de céder sur certaines de leurs revendications. La parité est un combat de longue date des femmes. Pour des raisons évidentes de démagogie politique, il (Wade) l’utilise quand ça l’arrange. La parité annoncée relève de la démagogie. C’est comme quand il dit qu’il va nommer une femme à la vice-présidence. Mais personne ne le lui a demandé. Il a même une fois dit à Paris, je crois que c’était en octobre 2000, qu’il ne s’était jamais intéressé à la question de la femme comme c’est le cas pour la gauche. Malheureusement, nous n’avons pas de chance, parce que nous avons un président qui utilise la cause des femmes à des fins électoralistes. C’est vrai que nous n’avons jamais eu autant de femmes ministres, mais leur cause est marginale dans la politique de Wade. Le 8 mars a été réduit en folklore. Cette parité annoncée va créer beaucoup de problèmes au sein des partis politiques. Et ce sera l’occasion pour Wade de s’en laver les mains.

Avant il y avait des associations de femmes qui se distinguaient dans l’espace public, ce n’est plus le cas. Pourquoi ?

C’est l’histoire. Nous n’avons pas pu faire le lien avec le passé. Le Fafs, le Yewu Yewwi se sont battues pour avoir des émissions à la télévisions, des revues, des séminaires. Cela était une affaire de génération. En fait la mentalité politique a changé. Le débat se pose par média interposé que sur le terrain. On entend, effectivement beaucoup de discours, mais ils ne sont pas l’expression d’un mouvement social ni d’une demande des femmes. C’est parce que les gens n’arrivent plus à trouver le point d’ancrage avec un mouvement de femmes. Il y a également que la chose associative ne peut plus se faire en dehors de la politique. Or les femmes des classes moyennes refusent de s’engager en politique. Les femmes qui parlent de la démocratie le font avec le statut d’expert.

Pendant la crise au sommet à Aj/Pads, on n’a pas senti les femmes. Pourtant, votre parti à une tradition éprouvée en ce qui concerne l’engagement militant des femmes. Comment expliquez-vous cela ?

Ce n’est pas tout à fait juste de dire qu’on n’a pas vu les femmes. Chaque fois que les hommes ont parlé, il y a eu parallèlement une déclaration des femmes. En vérité, il faut partir de la source. Parce que le conflit s’est cristallisé au sommet, entre le numéro 1 et le numéro 2. Evidemment, la presse s’est plutôt intéressée à ces deux personnalités et n’a pas souvent interpellé les autres. Mais si vous vous souvenez, les femmes ont eu souvent à parler. C’est le cas de la présidente du Mouvement des femmes Awa Fall qui a eu à s’exprimer lors de conférences de presse. Les jeunes ont aussi eu à parler. La presse s’est, comme je l’ai dit tout à l’heure, à s’intéresser aux joutes oratoires des deux dirigeants. D’ailleurs, les femmes ont eu à organiser quelque chose de spectaculaire, il s’agit de ce sit-in devant les locaux de Wal Fadjri qui leur a permis de prendre la parole à la télévision. Dans tous les cas, pour moi, cette affaire n’est plus quelque chose d’intéressant. Je suis plus concernée par les leçons à savoir comment nous sommes parvenus à nous repositionner et à regarder l’avenir avec sérénité. D’autant que les choses sont maintenant claires. Les gens savent quel est notre camp. Ceux qui pensaient que nous avions vendu notre âme après 40 ans de combat politique et que nous étions sous les bottes de Wade sont désormais édifiés. C’est une lecture qui fait mal, mais aujourd’hui tout est clair.

Pour autant, quand on observe un peu l’engagement des femmes dans les structures notamment à l’université on est un peu déçu…

C’est vrai, si on parle de manière plus générale, je crois qu’au niveau d’Aj on a été les premiers à lancer un mouvement des femmes. Le mouvement féministe était en grande partie constitué de militantes d’Aj mécontentes de la manière dont la question des femmes était prise en charge à l’intérieur du parti. Ou alors elles étaient conscientes que la question des femmes dépassait les barrières idéologiques. C’est comme ça qu’est né Yewu Yewwi. C’est vrai que le monde a changé. Maintenant, l’engagement des femmes continue mais il est plutôt assez folklorique : on leur achète des tenues, on prépare à manger, il y a les tams-tams, etc. mais l’engagement idéologique des femmes a complètement changé. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, à l’université, vous verrez peut-être des femmes qui cherchent un mari ou, en tout cas, ne se préoccupent pas nécessaire à défendre une cause. Alors qu’il y a des difficultés qui commandent un engagement des femmes plus jeunes. Il y a donc un changement très net. Avant, l’université était une des clés dont les filles avaient besoin pour se libérer du carcan familial ou traditionnel. Le militantisme politique a vraiment reculé. Il faut le lier au néo-libéralisme qui a complètement dominé le monde sur tous les plans. Les gens veulent de l’argent, ils sont portés vers la consommation même s’il faut s’endetter pour ce faire. C’est ce qui fait que la politique est très difficile au Sénégal. Ailleurs, les gens s’engagent, j’ai l’impression avec plus de sincérité, mais ici, c’est l’argent qui commande l’adhésion à une cause. C’est pourquoi les mouvements de gauche, démunis, ont des difficultés. Avant, on avait honte de l’argent. Ce n’est plus le cas.

Il y a tout de même un paradoxe. Parce qu’en dépit de cet engagement plus marqué des femmes avant, on ne les voit pas dans les mouvements pendant les indépendances. On ne cite, le plus souvent, que Mme Rose Basse. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Rose basse était une syndicaliste. Et le mouvement de libération nationale s’est traduit par une large implication des mouvements syndicaux. C’est donc normal que les quelques femmes qui étaient dans les syndicats soient très vite apparues au devant de la scène. Il y avait aussi quelques femmes dans les partis politiques. Mais les leaders notamment Senghor et Lamine étaient tellement charismatiques que tout le reste n’avait pas beaucoup émergé. Les intellectuelles étaient les plus francisées. Elles n’avaient pas nécessairement une conscience portée vers l’indépendance. La plupart de ces femmes étaient soit chez les Sœurs, soit à l’école des jeunes filles de Rufisque où tout dans leur formation les préparait à devenir les auxiliaires de l’administration coloniale. Mais celles qui étaient dans les syndicats avaient mieux compris beaucoup plutôt l’exploitation. Les autres qui sortaient comme institutrices ou sages-femmes aspiraient à une vie moderne. Certaines avaient, il est vrai, une conscience politique, soit au travers de leur époux, de leur oncle ou autres. Au fond les hommes ont utilisé les femmes comme masses électorales. C’est, d’ailleurs, toujours le cas.

Si on observe le gouvernement fédéral du Mali, l’assemblée fédérale ou même la crise de 1962, on ne voit aucune femme. Est-ce à dire que les indépendances se sont faites sans les femmes ?

Il faut ramener les choses aux années 50. Les femmes n’étaient pas pour la plupart instruites. Il suffit de lire pour cela la biographie de la Malienne Awa Keïta pour s’en rendre compte. A cette époque que vous parlez, les femmes étaient ce qu’on appelle communément « femmes au foyer ». L’idée de mettre les femmes aux postes de responsabilité n’était pas encore à l’ordre du jour. Nous avons été une colonie française et la France peine à donner une place aux femmes importante sur le plan politique. Cela s’est transféré dans les colonies. Les femmes ont soutenu à mort Lamine Guèye, elles l’ont pour Senghor. Elles ont même fait la longue marche lors de la grève des cheminots en 1947. Mais aucune d’elles n’avait l’idée d’occuper une position importante. Et puis nombre de ces femmes de cette époque étaient formées à l’économie familiale. L’animation rurale lancée dans les années par Mamadou Dia mettait les monitrices, puis les maîtresses d’économie familiale au cœur du processus. On leur apprenait à tricoter, à faire la cuisine, la couture et à bien nourrir leurs enfants dans le cadre des programmes de nutrition. Il n’y avait rien qui prédisposât à devenir une femme à l’occidentale.

Quel était le profil des femmes de gauche ?

Il y en avait quelques-unes comme Marianne D’Erneville, formée en Union soviétique, mais le langage était intellectuellement achevé. Et cela le problème de la gauche : son discours s’adressait à la bourgeoisie moyenne. Mais, il faut reconnaître qu’il y avait très peu de femmes de gauche. Parce que dans le contexte de l’époque, il n’était même pas facile de sortir pour aller à une réunion. Les rares qui ont pénétré la gauche le doivent à leur époux qui y était.

Réalisé par Hamidou SAGNA

lagazette.sn

1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour Marie Angélique .Savané
    je pense que vous et votre mari vous vous foutez des gens ayez au moins la politesse de vous taire nous en avons marre de cette race de sénégalais qui se prennent pour le nombril du monde . je ne suis pas du PDS ni de la CAP 21 mais chez les savané le ridicule ne tue pas on dirait

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