- « Il n’est rien sujet à plus continuelle agitation que les lois » (Montaigne), mais encore, « que toute loi soit claire, uniforme et précise ; l’interpréter, c’est presque toujours la corrompre » (Voltaire). Ces deux citations permettent de poser le débat juridique, ouvert actuellement, autour de la portée de l’avis consultatif, que devra donner le Conseil constitutionnel, sur saisine du président Macky Sall, quant au projet de réduction du mandat présidentiel, comme il l’avait promis.
- Nous ne reviendrons pas sur les engagements politiques pris, et réitérés par le président de la République, durant ou après la dernière campagne présidentielle, à savoir réduire son mandat de 7 ans à 5 ans. De notre point de vue, pour une absolue clarification, la voie référendaire est juridiquement la plus conforme à la présente situation. Surtout, elle est politiquement la plus appropriée, pour la réhabilitation de la parole politique, après le « wax waxeet » de l’ancien président Abdoulaye Wade.
- Aussi, nul ne devrait faire l’économie de saisir le peuple, lorsqu’il s’agit de mesure visant, la réduction du mandat confié au président Macky Sall. Pour causes, le Chef de l’Etat tire sa légitimité, de la confiance que le peuple lui a accordée, en le portant à la magistrature suprême, pour un mandat de sept ans. S’il veut ramener cette même durée, à cinq ans, il serait incompréhensible que le peuple ne soit pas consulté, pour l’approuver ou le rejeter. Puisque, en principe seul le mandant (en l’espèce le peuple) peut retirer, proroger ou réduire, le mandat confié au mandataire (en l’espèce le Président de la République). Egalement, dans un Etat démocratique le peuple souverain peut mettre fin, à la mission confiée, en sanctionnant, par exemple, le président de la République en exercice lors d’élection. Les anciens présidents Abdou Diouf et, Abdoulaye Wade ne nous contrediront pas.
- Ainsi, nous sommes en opposition totale avec l’affirmation plutôt politique que juridique d’Ismaïla Madior Fall selon laquelle « les avis rendus par le Conseil constitutionnel lient le Président de la République. Il ne peut pas se soustraire à son avis. Il est donc obligé de suivre l’instruction du Conseil quel qu’il soit ». De plus, il nous (r)enseigne qu’on « n’est pas dans le cas d’un organisme consultatif, mais plutôt dans le cadre d’une juridiction constitutionnelle ».
- Nous soutenons, qu’il ne ressort d’aucune disposition constitutionnelle, que le président de la République Macky Sall doive suivre, ou se conformer scrupuleusement à l’avis donné par le Conseil Constitutionnel. Rien ne l’interdit de soumettre au peuple, le texte sur lequel s’est prononcé le Conseil, quand bien même, celui-ci aurait donné un avis négatif.
- Dans le cas présent, de réduction du mandat présidentiel de 7 ans à 5 ans, en dehors de l’article 27, de la constitution qui énonce « la durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ». Deux autres articles de ladite constitution nous intéressent particulièrement. D’une part l’alinéa 1 de l’article 51 dispose « le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum ». D’autre part, il est affirmé aux alinéas 1 et 2 de l’article 92 de la constitution que « le Conseil constitutionnel connaît de la constitutionnalité des règlements intérieurs des Assemblées législatives, des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l’exécutif et le législatif, ainsi que des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour suprême. Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».
- Il convient de rappeler que la consultation du Conseil constitutionnelle en elle-même est facultative, c’est-à-dire le président de la République, peut soumettre au peuple un texte constitutionnel par référendum, sans avoir à consulter le Conseil constitutionnel, c’est le sens du verbe « pouvoir », de l’alinéa 1 de l’article 51, de la constitution. De plus, le groupe de mots « après avoir recueilli », contenu dans cet article, n’impose point une obligation, à la charge du Chef de l’Etat, mais confirme la faculté de la consultation.
- Contrairement à ce qui est avancé par Ismaïla Madior Fall, le conseil ne s’érige comme juge que si une loi est déférée devant lui, pour inconstitutionnalité (art. 74. Const), ou lorsqu’il y a conflits de compétence entre l’exécutif et le législatif, ou encore en cas d’exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour suprême. Dans de telles situations, nous sommes devant une juridiction appelée à trancher, c’est pour cela que sa décision va s’imposer aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (art. 92. Const). Par contre dans le cas d’espèce, il est simplement saisi par le président de la république pour recueillir son avis, sur le référendum projeté, entre autres, sur la faisabilité, la pertinence de la procédure envisagée, les avantages, les inconvénients, les conséquences et/ou la sécurité juridique. Donc, soutenir que nous serons, en présence d’une décision à portée juridictionnelle relève d’interprétation extrêmement osée, des textes constitutionnels, à notre sens. D’ailleurs, comme dit l’adage « là où la loi ne distingue pas, nous non plus ne devons pas distinguer » (ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus).
- Un avis consultatif reste une opinion émise, qui n’a aucune portée contraignante pour son destinataire, qui peut, bien évidemment, passer outre. C’est dire encore, le président Macky Sall n’est nullement tenu de suivre, les recommandations du Conseil constitutionnel, dans le cas d’espèce. Ainsi, comme relevée précédemment, l’obligation de se conformer à l’avis du Conseil constitutionnel, ne découle d’aucun texte constitutionnel.
- Mais enfin, que la consultation soit facultative ou obligatoire, en droit, les cas où les avis sollicités lient, sont extrêmement rares, mieux encore, faudrait-il qu’un texte le prévoit expressément. Et comme Cicéron, nous pouvons aussi déclarer « c’est le propre de l’homme de se tromper ; seul l’insensé persiste dans son erreur ». Gageons seulement que la vérité restera au droit, même si « ce qui est vérité pour l’un peut-être erreur pour l’autre (Gandhi).
Daouda NDIAYE
Juriste/analyste politique (France)
* Article dédié à Amina NDIAYE
Merci à l’auteur de l’article qui est pertinent et bien argumenté. Ismaïla Madior Fall est devenu politicien, et il est depuis longtemps le porte parole de Macky SALL. Sa déclaration vise juste à préparer l’opinion qu’il n’ y aura pas de référendum, comme l’avait promis le président de la République.
Un avis consultatif reste une opinion émise, qui n’a aucune portée contraignante pour son destinataire, qui peut, bien évidemment, passer outre. C’est dire encore, le président Macky Sall n’est nullement tenu de suivre, les recommandations du Conseil constitutionnel, dans le cas d’espèce. Ainsi, comme relevée précédemment, l’obligation de se conformer à l’avis du Conseil constitutionnel, ne découle d’aucun texte constitutionnel.
excusez moi, je ne suis pas juriste mais ingénieur ,mais dites l’intérêt de saisir une si haute institution pour jeter son avis à la poubelle. Soyons sérieux. Ah Sénégal,polémique interminable,insultes,étalages de savoir,
L’avis n’est pas obligatoire il peut s’en passer ; parce que le président veut trouver une porte de sortie. Ne devrait -il pas annoncer à toutes les occasions qu’il s’est exprimé sur ce sujet promettre de voire d’abord la faisabilité avec les organes consultatifs pour une rétro applicabilité? Soyons sérieux avec nous même ce qu’on a décrié hier ne l’approuvons pas aujourd’hui. Wade ou Maky qu’importe c’est le Sénégal d’abord!!