[Reflet ] Indécences: l’Etat protège la prostituée et punit le mendiant

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La promptitude du gouvernement à obtempérer à l’ordre de ses donateurs ne pardonne pas sa longue indifférence à un fléau qui s’est propagé telle une épidémie de la honte. Au Sénégal, la mendicité n’est pas seulement un marqueur des criantes inégalités sociales, elle est aussi révélatrice des faillites politiques et des contradictions internes.

L’Etat protège la prostituée et punit le mendiant. L’une bénéficie de dispositions légales lui permettant d’exercer librement son métier, l’autre est harcelé et persécuté par la force publique. Voici pourtant deux activités sociales où la dignité humaine se trouve sérieusement compromise. Dans les deux business, c’est l’urgence de survie qui commande. Le désespoir qui pousse l’une sur le trottoir contraint l’autre à tendre la main aux passants. Partout, c’est l’expression d’une même et insoutenable misère. Mais, que ne tolère-t-on pas le second cas, sans doute moins nuisible ?

Le mendiant a une utilité sociale. Superstitieux et (croyants ?), nous pensons tous qu’il n’y a rien de plus indiqué que l’aumône pour accélérer une carrière, écarter un(e) rival(e) ou guérir une maladie. La réalisatrice sénégalaise Dyana Gaye le montre éloquemment dans son film Dewanati. Beaucoup de Sénégalais crieraient à la malédiction s’ils ne croisaient sur leur chemin une main pour recueillir leurs sept morceaux de sucre, leurs trois bougies ou leurs poulets blancs solidement ligotés aux pattes. Pauvre bête.

La prostituée a un avantage sur le mendiant. Elle travaille la nuit, du moins se tient-elle à l’abri de la curiosité populaire. Sa discrétion est un atout dans un pays où la Sutura (pudeur) est une valeur cardinale. En revanche, le mendiant doit officier au vu et au su de tous. C’est l’étalage public de sa misérable condition qui suscite la piété. Cette exhibition d’indigence peut choquer les consciences. ‘Cachez cette misère que je ne saurai voir’, crie donc l’Etat. Mais en quoi la misère du mendiant est-elle plus indécente que le luxe de néo-riches ? A impudeur égale, ne préfère-t-on celle qui n’a causé aucun dommage au trésor public.

On entend dire : ‘Tous ces gens-là nous viennent des pays voisins’. Nous n’importons pas simplement de la misère, notre pays en produit en quantité suffisante. Sur ce plan au moins notre balance commerciale est largement bénéficiaire.

La mal gouvernance génère la mendicité. Si le Sénégal avait réussi sa politique agricole, Dakar ne serait pas ce dépotoir de misère à ciel ouvert. Le mendiant dérange le politique parce qu’il lui renvoie l’image de son incompétence. Plus que toutes les statistiques, la mendicité est un pertinent indicateur de l’échec des politiques sociales (si des politiques sociales il y a). L’innombrable bataillon de quémandeurs qui peuplent les artères de Dakar n’est qu’un échantillon de la misère générale, qui en dit plus que toutes les coûteuses enquêtes sur la pauvreté. Un Etat qui laisse ses enfants sales et déguenillés parcourir les rues matin et soir, sans éducation, sans avenir, doit sérieusement interroger sa mission.

Le gouvernement du Sénégal ne fait rien pour aider ceux qui veulent vivre décemment. Les handicapés moteurs ou visuels n’ont souvent d’autre alternative que de mendier pour survivre. Aucune chance de réinsertion sérieuse ne leur est offerte. Allez à Thiaroye-sur-mer, dans la banlieue dakaroise, une coopérative d’artisans aveugles fabrique des balais-brosses, des serpillères. Mais beaucoup abandonnent le travail pour ne pas crever de faim. Leurs produits ne se vendent pas, concurrencés qu’ils sont par une marchandise importée et de moindre qualité. Ils recourent souvent à la grève de la faim pour alerter l’opinion sur leur sort. Pourtant une simple commande de l’administration les aiderait à vivre de leur métier.

Nous sommes face à un paradoxe. Un Etat qui interdit la mendicité à l’intérieur de ses frontières, mais porte les haillons de mendiant sur la scène internationale. Car, quelle différence y a-t-il entre un homme qui fait la manche pour nourrir sa famille et un chef d’Etat qui tend la main pour sustenter son peuple ? Le premier reçoit de l’aumône, le second de l’aide.

Abdou Rahmane MBENGUE

walf.sn

2 Commentaires

  1. Le Président est le plus adroit dans le maniement de la sébile que tous les mendiants de Dakar réunis.

    Et en plus, il est parfois d’une grande dextérité en ce qui concerne la cleptomanie.

  2. La prostitution n’est pas un crime mais plutot un peche. La Mandicité est un crime car ce sont des parent qui abandonnent leurs enfants en aillons

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