(Dakar, Sénégal) La campagne électorale s’est terminée hier au Sénégal tandis que de nombreux manifestants continuaient à protester contre la candidature du président sortant, Abdoulaye Wade. Demain, 5,3 millions de Sénégalais iront aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle. Au total, 14 candidats s’affrontent. Notre collaborateur présente quatre des principaux enjeux électoraux en wolof, langue locale.
1. Gorgui – Le Vieux
Officiellement, Abdoulaye Wade serait né le 29 mai 1926, ce qui justifie le surnom que lui ont donné les Sénégalais: Gorgui. Officieusement, plusieurs pensent qu’il aurait jusqu’à 91 ans. Son acte de naissance est confidentiel, mais, surtout, date d’une période où l’état civil n’était pas fiable.
Opposant historique, Wade a pris le pouvoir en 2000. Il a lui-même modifié la Constitution pour mettre une limite de deux mandats présidentiels. Sa troisième candidature n’est pas seulement perçue comme une entorse à la Constitution, elle soulève surtout la question de savoir s’il est trop âgé pour exercer le pouvoir.
2. Khaalis – L’argent
Abdoulaye Wade laisse une économie sous perfusion. Le Sénégal, un des premiers pays à avoir vu sa dette annulée en 2004 dans le cadre des initiatives multilatérales de réduction de la dette pour les pays très pauvres, est déjà surendetté.
En parallèle, le gouvernement Wade s’est lancé dans des dépenses extravagantes: un nouvel avion présidentiel, une statue immense construite par la Corée du Nord, un nouveau théâtre. «C’est un régime qui a été caractérisé par les détournements de deniers publics, la gabegie, le manque de contrôle et la corruption,» explique Abdou Lo, analyste politique.
Pour la population, la situation est intenable. On estime que 54% des Sénégalais vivent sous le seuil de la pauvreté. Le coût de la vie a augmenté dramatiquement. En un an, le prix du sac de riz a presque doublé, celui de l’essence a augmenté de 10% et, le butane, de 33%.
3. Sama rak – Fiston
Karim Wade, fils du président, se fait discret. Impopulaire, il a été battu aux élections locales de 2009. Son père l’a donc promu au rang de ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Énergie. Les Sénégalais l’ont baptisé ministre du Ciel et de la Terre.
En 2011, Wade propose un 17e amendement à la Constitution depuis 2000 pour créer un poste de vice-président et permettre l’élection du président avec 25% des voix. Pour l’opposition, le président Wade veut imposer son fils comme successeur. Les câbles diplomatiques américains publiés par WikiLeaks révèlent que les Américains le croient aussi.
Le 23 juin 2011, une manifestation force Wade à retirer son projet de loi. C’est le début du Mouvement du 23 juin, réunissant toute l’opposition. Si elle ne s’est pas entendue sur une candidature unique, elle reste obsédée par la «dévolution monarchique».
4. Daas Fanaanal – Se prémunir
Y’en a marre, un collectif de rappeurs, est devenu la hantise du régime Wade. Depuis plus d’un an, ses membres tentent de mobiliser les jeunes. «Les partis tournent autour d’un seul homme. Notre combat, c’est un combat pour défendre la Constitution, pour s’engager pour le pays,» explique Fadel Barro, un des porte-parole. Pour eux, l’important, c’est que les politiciens rendent des comptes. Leur campagne «Daas Fanaanal» visait à pousser les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales.
Leurs multiples manifestations ont réuni des milliers de jeunes Sénégalais, surtout les jeunes citadins très touchés par un taux de chômage officiel de 47%. Deux de leurs leaders attendent un jugement pour manifestations illégales. En 1988, plusieurs opposants avaient été arrêtés pour le même motif. Leur avocat d’alors, maître Abdoulaye Wade (l’actuel président), les avait fait acquitter sous prétexte que la Constitution garantit le droit de manifester.
AFP
