Un décret à déchirer au plus vite par Madiambal Diagne

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C’est parti pour un nouveau débat passionné sur le mariage et qui fera certainement des vagues. Il ne sera pas question cette fois-ci de mariage forcé ou de restrictions familiales liées au mariage pour des considérations sociales comme les castes et autres. Il sera encore moins de mariage de personnes de même sexe comme c’est le cas dans de nombreux pays actuellement. Paradoxe ! Le chef de l’Etat Macky Sall vient de signer un décret qui interdit le mariage entre certaines catégories de personnes de sexe opposé ! En interdisant aux militaires de pouvoir contracter des unions matrimoniales entre personnes de grades différents ou éloignés, le chef suprême des armées vient de réaliser un précédent qui est aux antipodes de l’esprit et sans doute de la lettre de la Constitution et de toutes les lois jusqu’ici en vigueur au Sénégal.
La mesure procède d’une discrimination inacceptable dans le mariage. Aux premières heures de l’Indépendance du Sénégal, les autorités publiques se faisaient un point d’honneur de travailler à bannir le phénomène des castes, en disposant notamment que «tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes sont égaux en droit. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions. Il n’y a au Sénégal ni sujet ni privilège de lieu de naissance, de personne ou de famille». Mais plus d’un demi-siècle après, notre société est partie pour retomber dans des discriminations et le plus étonnant est que cela procède malheureusement de l’initiative des plus hautes autorités publiques. Interdire à des militaires de grades différents ou éloignés de se marier, équivaudrait dans la vie civile à empêcher un cadre d’une entreprise de pouvoir se marier avec une ouvrière par exemple. Quelle que puisse être la force de leurs sentiments. Cela tombe de sens assurément.
Le phénomène de l’accès des femmes dans l’Armée a eu pour conséquence des situations, on ne peut plus humaines, que des personnes qui partagent le même espace arrivent à éprouver des sentiments réciproques, qui peuvent conduire à des unions. Ainsi, les demandes d’autorisation de mariage entre militaires ont commencé à pleuvoir sur la table des officiers de l’Etat major. Ces derniers, au nom d’un prétendu respect de la hiérarchie et la sauvegarde de l’autorité du commandement, ont cherché à décourager des unions entre militaires de grades différents. Les refus d’autoriser des unions devenaient de plus en plus nombreux et les grincements de dents se faisaient sentir au sein de la Grande muette. La hiérarchie a alors décidé de donner une base légale à ses refus en préparant un décret signé le 21 octobre dernier par le Président Macky Sall et qui organise de manière draconienne et discriminatoire la vie familiale des militaires. Ainsi, deux tourtereaux de grades militaires différents peuvent ainsi copuler sans jamais se marier. N’est-ce pas la porte ouverte au libertinage et aux grossesses non désirées ou des infanticides, comme certains cas ont déjà été observés au sein de l’Armée ? Les femmes sont les plus grandes victimes d’une telle mesure, car il se trouve que dans tous les cas de demande d’autorisation de mariage entre militaires qui ont essuyé une fin de non recevoir de la part de la hiérarchie militaire, les femmes concernées se sont résignées à quitter l’Armée, abandonner leur emploi pour pouvoir s’unir avec l’homme de leur cœur. Et si par malheur le mariage arrivait à se casser, la femme aura tout perdu pour ne plus avoir la possibilité de réintégrer son emploi. C’est à se demander si la hiérarchie militaire n’exprime pas par cette décision, son regret d’avoir ouvert les portes de l’Armée aux femmes.
Les militaires, qui avaient fini de gagner le droit de vote, sont nombreux à trouver injuste la nouvelle mesure sur le mariage. Seulement, il ne se trouvera pas un d’entre eux pour oser braver la hiérarchie en attaquant le décret devant la Cour suprême par un recours pour excès de pouvoir par exemple. Personne ne voudra risquer de se mettre la hiérarchie à dos, ce qui équivaudrait à compromettre sa carrière et son avenir professionnel au sein de l’Armée. Les organisations féminines et de défense des droits de la personne humaine ne peuvent pas manquer de se préoccuper de cette situation.
Pourtant, le phénomène du mariage entre militaires de rangs différents est accepté naturellement dans toutes les grandes armées du monde. Le souci du respect de la hiérarchie et autres convenances, a simplement poussé à mettre en place certaines règles de vie sociale pour des conjoints de grades différents. Ainsi, des militaires conjoints ne pourront pas travailler sous le commandement de l’un ou l’autre et en cas de cérémonies par exemple, le conjoint moins gradé est tenu de s’habiller en «tenue bourgeoise», c’est-à-dire en tenue civile, pour éviter une situation cocasse qu’un sous-officier en uniforme ou un militaire de rang soit assis à la même table que des officiers supérieurs pour avoir accompagné son conjoint. Dans les armées américaine ou française dont nos grands militaires s’enorgueillissent de sortir des académies, il est permis qu’un général ou un colonel épouse un caporal. Seulement, on dirait que nos «Diambars» seraient plus portés à la discipline et au professionnalisme que les autres armées du monde.

Madiambal Diagne
lequotidien.sn

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