Ousmane Ngom, ancien ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, qu’on cueille à Kolda, après qu’il a défié le juge ; Amadou Kane Diallo, ex-Directeur général du Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec) convoqué devant le juge ; Mme Viviane Wade menacée d’une plainte pour non remboursement d’une dette contractée par sa fondation…Et voilà que des responsables libéraux montent sur leurs grands chevaux, essayant d’installer le doute et la suspicion dans l’esprit d’honnêtes citoyens, dénonçant tous azimuts des tentatives supposées de chasse aux sorcières et autres règlements de comptes.
C’était déjà le cas avec l’affaire Cheikh Bethio Thioune. Surfant sur des faits établissant clairement qu’il y avait eu morts d’hommes et inhumation clandestine dans des conditions on ne peut plus troubles, il s’en est trouvé des thuriféraires, défenseurs zélés d’un régime « défénestré » par le biais des urnes, pour se focaliser sur le fait que le guide des Thiantacounes serait victime du soutien qu’il a apporté à Wade lors de la dernière présidentielle.
La même ligne de défense est reconduite. Crier haro sur le baudet. Dénoncer une cabale politique. Voudrait-on tout banaliser qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Aussi, est-on en droit de s’interroger, à entendre ces cris d’orfraie s’offusquant du fait que certains dignitaires de l’ancien régime ont été convoqués par les services compétents pour être auditionnés sur les audits les concernant. Comme s’il fallait les absoudre. Cela est d’autant plus surprenant, qu’au lieu d’exiger la mise en action d’une justice qui fasse son travail en toute impartialité et en toute indépendance, ils semblent implicitement s’accorder sur la normalité consistant à valider l’idée selon laquelle, chaque responsable, au terme de sa gouvernance, se soit sucré. Et qu’il n’y a donc pas de quoi fouetter un chat.
Une posture qui en dit long sur la perversion d’un système qui en arrive à une perception du pouvoir comme lieu de captation et de prédation des richesses publiques. Ce qui amène à cautionner du même coup l’enrichissement sans cause, sous le regard complice et approbateur d’un « masla » qui voudrait qu’on puisse passer l’éponge, en mettant tout cela sur le registre des pertes et profits. Autrement dit, une façon de dissoudre la responsabilité individuelle et collective en ouvrant grandement les portes à toutes les formes d’impunité.
De telles incitations sont d’autant plus à fustiger que la survenue de la seconde alternance politique du Sénégal est exigence d’autre chose. Aussi, Macky Sall et son gouvernement ne doivent-ils pas perdre de vue que dans leur écrasante majorité, les Sénégalais sont mus par le désir de venir à bout de la corruption. Qu’ils aspirent à une justice égale pour tous et à vivre dans de meilleures conditions économiques et sociales. C’est dire que le temps n’est pas propice aux débats politiciens futiles, embourbés dans une obsession prébendière de conservation du pouvoir.
Bien au contraire, en ce jour d’aujourd’hui, lundi 25 juin, où Macky Sall vient de boucler les fameux 100 jours d’état de grâce symboliquement accordés à tout nouveau pouvoir, il y a à se désoler d’une foultitude d’incohérences qui ont accompagné son parcours, faisant craindre un refus de rupture avec des pratiques décriées qui avaient cours sous la mandature de Wade. C’est le cas avec ce débat surréaliste autour du mandat présidentiel initié par certains proches du chef de l’Etat, après que ce dernier a lui-même affirmé solennellement, le 3 juin avril dernier, dans son adresse à la nation, vouloir ramener le mandat de sept ans sur lequel il a été élu, à cinq ans, renouvelable une fois. Même si le président Macky Sall a clos le débat, l’appel au renoncement et au wax wakhète orchestrés par ses proches, véritable incitation à la forfaiture, ont de quoi inquiéter.
Il en est de même de ces images du président de la République qui, au regard de la jurisprudence n’auraient pas dû être associées aux affiches électorales de la coalition Benno Book Yakaar, comme vient de le rappeler la Cour d’Appel de Dakar. Une décision qui oblige les autorités à les retirer immédiatement des panneaux publicitaires. En tout état de cause, c’est une cinglante mise en garde à ne pas succomber à cette ivresse du pouvoir qui fait basculer dans l’arrogance. Parce qu’ils n’ont pas été élus pour ramer à contre-courant, mais faire franchir de nouveaux paliers à la démocratie, Macky Sall et son gouvernement devront toujours garder à l’esprit la forte aspiration d’une alternative démocratique des Sénégalais et leur engagement à inaugurer une nouvelle ère marquée par une gouvernance vertueuse. C’est à cette vigilance que Fadel Barro, un des animateurs du mouvement Y’en a marre a appelé samedi dernier, lors de la commémoration de l’an 1 de la révolution citoyenne du 23 juin 2011.
Que Macky Sall et son gouvernement se mettent donc au travail et déroulent ce pour quoi ils sont élus : résoudre les problèmes de leurs compatriotes. Le temps de la dénonciation et du reniement sont révolus. Ils doivent désormais s’efforcer à incarner et à rendre effectifs les engagements auxquels ils ont souscrits. Et cela passe nécessairement par le respect de la parole donnée.
POINT DE VUE – Point de Vieux SAVANE