Entre le discours et la réalité, un décalage abyssal

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Du point de vue de la forme, le message à la Nation du Président Wade a été l’un de ses meilleurs discours. Toutefois, entre les élucubrations rhétoriciennes et les réalités têtues, le décalage est abyssal, les non-dits éloquents.
Par Soro DIOP

Contrairement à la note introductive de son discours où il déclare que le 50e anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale a été célébré «dans la communion des cœurs et des esprits», c’est en vérité une discorde politique qui s’est offerte avec l’absence de l’opposition parlementaire et non parlementaire. Elle n’a pas été conviée aux festivités du 4 avril, alors qu’elle représente, sur la base des derniers suffrages aux Locales, près de la moitié des électeurs. Cette absence est significative d’une énorme fracture politique dont le Président Wade, en tant que dépositaire des suffrages des Sénégalais, est le principal responsable. Si dans son speech, il réitère son ouverture «au dialogue sans exclusive (…) avec l’opposition», en revisitant la posture solitaire adoptée par le président Wade, une décennie durant, on est tenté de dire qu’il s’agit là de pétitions de principe. Les modifications vertigineuses et unilatérales de la Constitution, les changements trépidants des règles du jeu électoral, le boycott des Assises nationales, une opportunité historique offerte à lui pour nouer un consensus fécond avec l’opposition, ont constitué, entre autres, des chapes de plomb sur le dialogue politique. Les épigones aveuglés du camp présidentiel argueront encore que c’est le 20e appel du Président. Un bien commode alibi, oblitère les raisons profondes de la stérilité de ces appels circonstanciels au dialogue. Pour bien moins que cela, son prédécesseur avait réussi à dialoguer en utilisant des canaux officiels et officieux pour le faire entrer deux fois dans son gouvernement. C’est donc dire qu’il faut chercher le ver actuel du dialogue dans le fruit de la méthode Wade articulée autour de fourberies politiques inefficaces. Même si, au demeurant, pour une rare fois, Wade a pris de la hauteur en se gardant de brocarder la couardise de l’opposition ou de proférer des menaces à son encontre.
Sur le retrait des bases militaires françaises dont la présence «a paru de plus en plus incongrue» ou comme le signe d’une «Indépendance inachevée», on s’accordera volontiers avec Wade, que le temps est venu d’ôter cette écharde au pied de notre souveraineté internationale. Toutefois, pour l’histoire, qu’il soit relevé que l’initiative de cette rupture ne vient pas du Président Wade, mais bien de la France pour des raisons géostratégiques et d’économie budgétaire. Encore que la simple réduction des bases militaires françaises ne signifie pas la fin de la dépendance, comme l’atteste la «colonisation monétaire» du Sénégal, comme de tous les pays francophones, à travers le franc Cfa. Or, pas d’Indépendance véritable, sans souveraineté monétaire !
Wade a aussi abordé la question du cinquantenaire des indépendances des pays francophones. Il se sera bien gardé de faire, même un peu, le bilan de ce demi-siècle sanctionné par une régression économique et sociale, la chose la mieux partagée en Afrique francophone. Les héritages bradés, les postures qui, au lieu d’ausculter, occultent la responsabilité des dirigeants africains actuels, ont renforcé le mythe des Kwamé Krumah, Patrice Lumumba, Gamal Abdel Nasser, mais aussi suscité, ô ironie de l’histoire, jusqu’à la nostalgie maintenant des Mobutu, Houphouët Boigny, Jean-Bedel Bokassa, Sékou Touré, etc. ! De Wade et de la bataille pour l’indépendance, l’histoire est restée bruyamment muette. Est-ce parce qu’il n’a pas été le contemporain de ses contemporains, dont les Senghor, Lamine Guèye, Valdiodio Ndiaye ? En tout cas, il a été plus le contemporain politique de ses fils et petits-fils.

HERITAGES BRADES
L’hommage aux héros de la résistance est certes bien justifié en ce cinquantenaire. Mais, qu’est-ce qui a été fait de cet héritage, en termes de valeurs et non uniquement de «souvenir glorieux de nos résistants» ? On sait l’immensité du travail de destruction morale sous les dix ans de règne de Wade et qui disqualifie Wade à parler de valeurs léguées. Que vaut donc la convocation des valeurs que défendaient nos héros nationaux, rapportées à la pratique actuelle qui a érigé la corruption, l’enrichissement illicite, l’instrumentalisation confrérique, la promotion de la transhumance politique et l’impunité en vertus ? De simples fantasmes sur l’histoire au brouet desquels ne va point s’alimenter la jeunesse «pour bâtir le Sénégal de demain». Encore moins la vaillante Armée sénégalaise.
Quand le Président Wade parle de l’édification d’un «système politique pluraliste», de «pratiques» et «mécanismes éprouvés qui nous ont valu une Alternance pacifique enviée», on est tenté là également de l’interroger sur cet héritage politique et démocratique. Ce serait une gageure que de faire ici un bilan exhaustif des grandes entailles faites à nos acquis démocratiques sous son magistère. La seule configuration institutionnelle actuelle renseigne sur les défaillances démocratiques de 2000 à 2010.
L’autocritique n’est pas le fort du Président Wade, enfermé dans un égotisme surdimensionné. Mais, en campant une partie de son discours sur «les réalisations dans les infrastructures et l’éducation», ayant «eu pour corollaire un sacrifice relatif de certains besoins sociaux», il indique que «le moment (lui) paraît venu de songer au bien-être des populations», «à réorienter des ressources vers le social». 10 ans après, Wade songe enfin à terminer par là où il aurait dû commencer ! La vérité est que les milliards engloutis dans les infrastructures sans tenir en compte des demandes en compétition et des priorités, Wade, sifflote un aveu. Il reconnaît, à travers les marges de silence de son discours, que ces infrastructures n’ont pas impacté sur les conditions et la demande sociales des Sénégalais.

lequotidien.sn

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