Entretien avec Alpha Amadou SY, philosophe/écrivain, en sa qualité de Président du Comité de Pilotage du Festival International du Poésie, organisé du 12 au 14 décembre 2013, à Saint-Louis.

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Monsieur Le Président  du Comité de Pilotage,  LE CEPS  vient  d’ouvrir avec brio la 6ième  édition du  Festival international de poésie. Pouvez-vous nous donner vos premières impressions ?

Un sentiment de relative satisfaction au regard  à la fois   de la présence massive d’invités de toutes catégories sociales et professionnelles de cette ambiance exceptionnelle qui a régné ce 12 décembre dans cet Institut français. Vous avez dû remarquer vous-même que,  bien  après la fin, les invités sont restés sur le parvis, qui devisant avec une vieille connaissance, qui fraternisant avec  quelques auteurs, qui répondant aux questions des journalistes. Qu’il  me soit  permis, au passage, d’exprimer, au nom du CEPS, toute ma profonde gratitude au  directeur  de l’Institut français Thierry Dessolas et à toute son équipe.

Cela prouve que,  dès l’instant où on  réussit à proposer  au public de  la qualité, sa présence est assurée. Cela prouve que la poésie a encore  son public voire ses inconditionnels.  C’est le lieu aussi de souligner ce sens remarquable du partage des différents auteurs qui, depuis ce matin, sont dans les salles de classes pour échanger avec les enseignants et les élèves. On imagine aisément la joie indescriptible des apprenants auxquels il est donné l’opportunité  de partager des moments  avec des écrivains en chair et en os. Au demeurant, je  remercie tous les professeurs  et chefs d’établissement qui ont eu l’amabilité de recevoir si chaleureusement nos hôtes.

 

 

Et pour la suite ?

 

Demain, les rencontres élèves et professeurs vont se poursuivre. Au-delà des frontières communales, Mpal et Dagana auront à accueillir de fortes délégations pour donner aux élèves des Lycées Rawane Ngom et Abdoulaye Wade leur part de cette fête de l’intelligence et de la créativité. Dans l’après-midi, nous  offrirons  aux amoureux de «  ces paroles qui plaisent aux oreilles et aux cœurs » des apéros poétiques. Le samedi, sera  organisée  une  Table ronde dont le thème Francophonie et langues nationales sera introduit par un de nos plus fidèles collaborateurs Marouba Fall et par M Diagana, Professeur de Lettres à l’Université de Nouakchott et Directeur du livre et de la Lecture de la République Islamique de Mauritanie. Nous allons clôturer le festival par le lancement du livre de conte édité sous la direction de nos partenaires du Centre de Recherches et de Documentation du Sénégal, et par la remise des prix aux lauréats des concours de diction et de poésie.

 

Fête internationale du livre, Festival international de poésie, peut-on dire que le CEPS est en plein dans la décentralisation ?

 

Notre conviction est que, sans être forcément empiriste, il nous faut prouver le mouvement en marchant. Ainsi, malgré la modicité de nos moyens, nous  faisons de notre mieux pour cultiver une partie de cet immense champ qu’est le Sénégal. Dans cette entreprise,  nous butons sur deux obstacles majeurs. Nos compatriotes veulent décentraliser administrativement, culturellement et politiquement, alors qu’au niveau mental c’est la stagnation.

 

C’est en s’imprégnant de part en part de l’esprit républicain qu’on acquiert cette générosité qui permet à tous les Sénégalais de bénéficier des conditions optimales d’épanouissement culturel et intellectuel. Or , il est  peu de dire que nos compatriotes sont  mus par un puissant « dakorocentrisme » qui leur interdit de mettre à profit cette immense énergie qui sommeille dans les zones considérées malencontreusement comme culturellement arides.

En l’absence de cette utopie républicaine, les actes  posés, dans la perspective de la décentralisation, même  s’ils sont techniquement pertinents,  sont parasités par l’esprit prédateur qui s’incarne non pas dans le politique mais dans le politicien. La diversité culturelle et la sauvegarde du patrimoine, pour ne pas rester dans les méandres de la spéculation puérile, sont à décliner en termes d’appui aux initiatives locales, par l’encouragement de l’organisation de festivals culturels des arts et de la culture dans les départements et par une reprise en charge rigoureuse et rationnelle du FESNAC, Festival National des Arts et de la Culture.

 

Le second obstacle est que, en dépit des efforts fournis par le Sénégal,  la culture n’est pas suffisamment intégrée dans une politique hardie qui permet de valoriser les produits de l’esprit. À ce sujet, Ferdinand Richard faisait observer,  lors de notre colloque tenu en novembre dernier à Biarritz, que, contrairement au Nigéria et au Ghana, bien des États africains ont du mal à cerner cette importante mutation. Sa configuration épouse  le passage d’une culture  de prestige à une culture comme facteur déterminant de développement. Cette lacune se traduit par une option radicale en faveur de la construction de coûteuses infrastructures culturelles sans pour autant s’interroger auparavant sur le bon usage. Pour s’en convaincre,  le Sénégal, au moment où la question de désengorger Dakar se pose comme un impératif catégorique,  prit  le parti de construire le Grand Théâtre. Or non seulement  cette entreprise apparaît comme un doublon de Sorano, mais la manne financière dépensée  méritait d’être injectée dans les régions pour les doter de centres culturels digne de ce nom !

 

Mais cet appel du pied ne pourrait-il impacter négativement sur la qualité des produits culturels ?

 

Votre question est pertinente. Elle me renvoie à la mise en garde d’Ousmane Sembéne demandant à ses pairs d’être regardant par rapport au soutien, au demeurant très légitime de l’Etat, lequel risque d’hypothéquer la créativité. Sous cet angle, il est loisible de faire observer que rares sont  les projets culturels substantiellement soutenus par l’Etat et qui ont donné des résultats satisfaisants. Nous avons au Sénégal des exemples assez révélateurs, à savoir le monument de la Renaissance et le Fesman. Cependant, cette mise en garde, loin de militer en faveur  du rejet de l’appui de la puissance civique, attire l’attention sur les responsabilités des hommes de culture qui ne doivent pas sacrifier les raisons de vivre à l’autel des moyens de vivre !

En d’autres termes, les moyens de la culture doivent aller à la culture et non être subrepticement détournés  pour alimenter des sources de prédation, au nez et à la barbe des acteurs culturels. Et dans ce registre, l’exemple par la négative est la gestion  de cette nébuleuse que constitue le fond d’aide à l’édition. Des maisons d’éditions ont essaimé comme des champignons après au nom… de « la promotion du livre et de la lecture ». !

 

Mais le CEPS ne risque-t-il d’être reproché de ne vivre que le temps d’un festival ?

 

Ceux qui suivent nos activités savent parfaitement que nous avons un agenda assez fourni. Nous assurons le suivi de nos actions et organisons des séances de dédicaces. Mieux, en collaboration avec le Centre Culturel Abdel Kader, nous célébrons régulièrement la journée mondiale du livre et le printemps des poètes. Il s’y ajoute que nous allons éditer, avec le concours de l’Institut français, le rapport et les témoignages des principaux invités de la dernière Fête du livre de Saint-Louis. Enfin, au sortir  de ce festival, nous allons abonner une centaine d’élèves à la Médiathèque de l’Institut français comme nous l’avions déjà initié en 2010.

 

Nous avons appris la présence de délégations non seulement de  Sédhiou et de Kolda mais aussi du Mali et de la Mauritanie. Comment gérez-vous dans le court ou le moyen terme ce partenariat ?

 

Au lendemain  de la première Fête du livre, nous avions pris l’engagement de vitaliser l’axe Nord, notamment Saint-Louis-Nouakchott. Personnellement, j’ai été invité deux fois en Mauritanie, tout comme l’écrivain-journaliste Moussa Diallo dit Bios avait participé à nos activités. Djibril Hamet  Ly – qui était l’année dernière notre invité avec l’ancienne ministre de la culture de son pays, Khady Minetou – nous est revenu accompagné par Professeur Mbou Seta Diagana, par ailleurs, directeur du livre et de la lecture de la République Islamique de Mauritanie. En 2011, notre ami l’écrivain-éditeur Ismaël Traoré s’était  déplacé, sur fonds propre, pour  participer au Festival de poésie dont la marraine était  notre compatriote Aminata Sow Fall. A cette occasion, nous avions élaboré un projet. Nous allons, avec nos amis du Mali, faire des pas dans cette perspective de créer une chaîne d’activités qui permet à nos différents créateurs de mutualiser leurs expériences et d’entreprendre une coopération féconde.

Un mot sur la  marraine de cette  ­6iéme  édition ?

 

Mère couveuse, elle s’est illustrée sur les tous champs qui demandent l’énergie intellectuelle et physique des citoyens. Ce n’est point par hasard si elle a été retenue parmi les 50 femmes qui oint marqué notre époque, tout au moins au Sénégal Ancienne basketteuse, ancienne présidente de la Fédération des  Associations féminines du Sénégal, ancienne institutrice et directrice d’école, elle est aussi auteur d’essai, de romans et de recueils de poèmes. Je vous renvoie au discours magistral du Président à l’occasion de l’ouverture de ce festival.

 

Les prochains rendez-vous ?

 

Il s’agira, dans le court terme, d’aider ceux qui viennent de publier des livres comme les jeunes Abdoulaye Guissé et Samba Omar Fall, à faire la promotion  de leurs œuvres. Nous allons renforcer notre partenariat avec la Région Nord Pas de Calais dans la perspective de l’organisation, en décembre prochain, de la quatrième édition de la fête du livre.

 

 

Monsieur le président du comité de Pilotage, Xalima.com vous remercie.

 

Je remercie votre site et l’encourage à persévérer dans la voie de l’éveil de nos consciences.  Vous accomplissez un travail remarquable que nous ne cessons de  saluer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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