Est-ce qu’ils sont sérieux ? par Madiambal Diagne

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Au sortir de la réunion d’Abidjan de samedi dernier, les chefs d’Etat membres de la Cedeao, en accord avec Idriss Deby du Tchad et le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, ont pris, une nouvelle fois, la résolution de l’envoi de troupes pour combattre aux côtés des Armées française et malienne contre les jihadistes d’Ansar-Dine, d’Aqmi et du Mujoa. Cela fait dix mois que cela dure, pas moins de dix réunions entre plénipotentiaires de la Cedeao ont été tenues au sujet de la crise malienne ! Chaque fois, les tergiversations et surtout le fait qu’aucun Etat africain ne veuille mettre la main à la poche pour participer au financement de l’opération, ont fait que les forces de la Cedeao n’ont jamais foulé le sol du Nord Mali. Pour financer l’opération, les Africains attendent que la Communauté internationale leur en donne les moyens.
C’est ainsi que le 29 janvier 2013, une conférence des bailleurs de fonds est prévue à Addis Abeba, en marge du Sommet de l’Union africaine, pour que les différentes parties annoncent leurs engagements pour participer à l’effort de guerre. On présume que comme d’habitude, les Africains se limiteront à une participation symbolique. En effet, l’Afrique n’a aucune fierté pour cesser de toujours tendre la main aux dons des autres nations du monde, pour réaliser tel ou tel objectif. Dire par exemple qu’il aura fallu que la Chine payât tous les coûts pour l’édification du siège de l’Union africaine à Addis Abeba ! La France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis fourniront les appuis logistiques. L’Union Européenne a déjà annoncé pour le financement de l’opération au Mali, une contribution d’environ 5 milliards de francs Cfa. Cette enveloppe sera complétée par d’autres contributions, notamment de l’Onu, pour financer les primes des soldats. La question du paiement de primes détermine l’engagement par les Etats de la Cedeao de leurs troupes qui, de plus en plus, se «mercenarisent», même pour des engagements militaires assurant leur propre sécurité intérieure. On ne le dira jamais assez, si la constitution de la Mission d’intervention au Mali a tardé, c’est parce qu’il n’y avait personne pour payer les primes. Le Sénégal, le Burkina, le Niger, le Nigeria se disputent les contingents à envoyer au Darfour, en République démocratique du Congo, à Haïti, en Erythrée, en Somalie, etc. parce que, pour de telles missions, les Nations unies paient des primes substantielles et remboursent les munitions et autres frais, jusqu’au papier hygiénique. La Cedeao clamait partout disposer de forces en attente dans le cadre de l’Ecomog, qui est devenu depuis 1999 «un groupe permanent, avec pour objectifs : d’observer et superviser les cessez-le-feu, de maintenir et construire la paix, d’effectuer des interventions humanitaires, d’effectuer des déploiements préventifs et surtout de désarmer et démobiliser les forces armées non régulières».
La crise malienne n’est une surprise pour personne. En novembre 2011, des journalistes africains étaient réunis à Ouagadougou dans le cadre du Festival international de la liberté d’expression qu’organise le Centre national de presse Norbert Zongo. Le débat avait viré sur la stabilité politique dans les pays de la région d’Afrique de l’Ouest. Des journalistes maliens prévenaient craindre, qu’avant la fin du mandat du Président Amadou Toumani Touré en avril 2012, que les mouvements de rébellion touaregs ne réalisent des succès aux dépens des unités de l’Armée régulière basées à Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal et que cela justifierait un coup d’Etat militaire, qui maintiendrait une certaine élite politique et militaire au pouvoir à Bamako. A l’époque, d’aucuns pensaient qu’il s’agissait d’élucubrations mais, le scénario annoncé se sera déroulé de manière exacte. Ce devait être un jour de grâce car ce même jour, le journaliste Abdou Latif coulibaly avait annoncé vouloir abandonner le métier de la presse pour investir le terrain politique.
La situation au Mali n’a donc pas été une surprise. Le journaliste Vincent Hugeux, dans un livre, «Afrique : le mirage démocratique», paru en février 2012, redoutait la résurgence de la rébellion touarègue dans le Nord du Mali. Il écrivait, avec une prémonition stupéfiante, «l’ancien général Amadou Toumani Touré a juré de s’effacer en mai 2012, au terme de son second quinquennat. A condition toutefois, que l’éclosion dans le Nord du pays d’une énième insurrection touarègue ne vienne pas dynamiter le calendrier».
Le colonel Moussa Sinko Coulibaly, actuel ministre malien de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire, achèvera de convaincre que tout le monde s’attendait à la situation que vit présentement le Mali. A l’occasion d’un dîner-débat organisé le week-end dernier à Dakar, sur la situation politique et sécuritaire au Mali, le colonel Coulibaly a révélé que, quand il avait appris que la France avait décidé d’alléger sa présence militaire en Afrique, il avait cherché à dissuader les autorités militaires françaises en les prévenant que l’Armée française aurait besoin d’intervenir dans le Nord Mali. Si la France n’était pas intervenue, les jihadistes seraient déjà dans les faubourgs de Bamako et nombreux seraient les bons africains qui l’accableraient d’avoir fait montre d’indifférence. Les Africains de l’Ouest ont sous-traité à la France leur sécurité collective.
De toute façon, la guerre au Nord du Mali semble être du pain béni pour le Président Idriss Déby. Le chef de l’Etat tchadien suit scrupuleusement les traces de Blaise Compaoré en se servant des crises politiques et militaires en Afrique pour s’acheter une certaine légitimité en jouant au faiseur de paix, n’hésitant pas à envoyer des troupes sur le terrain. Ainsi, les militaires tchadiens sont au front en Centrafrique et pour la guerre au Nord Mali, Idriss Déby a proposé d’envoyer 2 000 hommes.

Madiambal Diagne

lequotidien.sn

2 Commentaires

  1. Bien sûr qu’ils ne sont ni sérieux, ni à la hauteur !
    Bien sûr, qu’ils ne sont ni sérieux, ni à la hauteur !

    De 60 à nos jours, l’OUA et la plupart des organismes africains, sont financés exclusivement à plus de 80% par les mêmes puissances occidentales. Les politiques générales des gouvernements africains s’inscrivent toutes parfaitement dans des logiques dynamiques de dépendance systématique extérieure. Ce sont des éternels assistés. Le destin de l’Afrique dépend d’elle-même sur des bases voulues. Le développement de la haute technologie, à l’instar des pays émergents tels le brésil, le Pakistan, la Chine, reste la seule solution qui vaille, pour assurer la sécurité des frontières des Etats africains et la libre circulation des biens et des personnes. Mais faut-il que nos dirigeants aient nécessairement le courage politique ? Voilà à quoi cela nous mène !
    Depuis les parodies d’indépendances, l’Afrique noire au sud du Sahara, très vulnérable, offre le terrain de prédilection favorable de groupuscules armés, terroristes, résulte de l’incapacité notoire des dirigeants africains à sécuriser les populations par des moyens aériens, terrestres, très sophistiqués, capables de surveiller ces bandes armées à l’échelle continentale. La sécurité de l’Afrique dépend exclusivement de la volonté politique.
    Lorsque des gouvernements demeurent des auxiliaires de service, ils ne peuvent que récolter que ce qu’ils ont semé. Le sous-sol africain recèle de matières premières exceptionnelles bradées pour servir les intérêts mercantilistes extérieurs. Nous avons aussi le soleil, l’eau, des ingénieurs valables, très bien formés dans les mêmes grandes universités que leurs collègues qui existent dans les nations hautement développées, mais aussi des terres fertiles à n’en plus finir; pour construire des barrages et développer à l’échelle continentale une politique cohérente et massive des énergies renouvelables, le solaire, l’éolienne, pour enrayer définitivement la faim et la dépendance énergétique qui n’ont que trop duré. Sur terre, il n’y a pas une seule portion au monde où il n’y a pas de noirs africains hautement qualifiés. De l’énergie atomique en passant par la NASA, ils y sont et occupent des postes de hautes responsabilités. La plupart des grandes inventions très pointues sont l’œuvre de noirs particulièrement doués, mais pour des raisons purement idéologiques, on ne fait pas de publicité là-dessus. Dans le domaine de la recherche scientifique, en Europe et aux Etats-Unis, d’énormes budgets élastiques sont mis à la disposition des chercheurs, qui travaillent librement. C’est bien l’attitude ridicule de la cigale et de la fourmi dont il est question ici. La main qui donne en reçoit toujours trois ou quatre fois plus au montant prêté. Ce qui se passe au Mali résulte incontestablement de l’irresponsabilité notoire de ceux qui nous dirigent de 60 à nos jours.
    L’oeuvre de Cheikh Anta Diop
    L’indépendance de L’Afrique / la création d’un Etat Fédéral continental africain
    Les fondements économiques et culturels d’un État Fédéral d’Afrique noire
    Cheikh Anta Diop termine son ouvrage : les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire par quatorze propositions d’actions concrètes allant du domaine de l’éducation à celui de l’industrialisation. Entre autres, il relève une double nécessité vitale :
    – celle de la définition d’une politique de recherche scientifique efficiente : “L’Afrique doit opter pour une politique de développement scientifique et intellectuel et y mettre le prix ; sa vulnérabilité excessive des cinq derniers siècles est la conséquence d’une déficience technique. Le développement intellectuel est le moyen le plus sûr de faire cesser le chantage, les brimades, les humiliations. L’Afrique peut redevenir un centre d’initiatives et de décisions scientifiques, au lieu de croire qu’elle est condamnée à rester l’appendice, le champ d’expansion économique des pays développés ”.
    – celle de la définition d’une doctrine énergétique africaine et d’industrialisation véritable : “Il s’agit de proposer un schéma de développement énergétique continental qui tienne compte à la fois des sources d’énergie renouvelables et non renouvelables, de l’écologie et des progrès techniques des prochaines décennies … L’Afrique Noire devra trouver une formule de pluralisme énergétique associant harmonieusement les sources d’énergies suivantes : 1. Énergie hydroélectrique (barrages), 2. Énergie solaire, 3. Énergie géothermique, 4. Énergie nucléaire, 5. Les hydrocarbures (pétrole), 6. Énergie thermonucléaire” auxquelles il ajoute le vecteur énergétique hydrogène ».

    Le combat continue !
    Ahmadou Diop

  2. La situation du Mali comme toujours en Afrique et meme a travers le monde est tres difficile a gere ensemble par plusieurs pays africains ou au niveau de la cedeao. Premierement il y a un probleme de leadership entre le burkina faso, le nigeria, la cote d’ivoire etc. Voila pourquoi ds bcp de conflits ou les interets des americains sont en jeu; les US agissent seuls pour prendre les devants et les initiatives pour aller tres vite et eviter les discussions qui tirent en longueur entre differents pays.
    Le financement de la guerre au Mali devait etre pris en charge par l’etat malien. Mais est ce le Mali a les moyens? Ensuite les pays de la CEDEAO, Comment des pays pauvres comme le senegal, le niger, le burkina etc qui ont d’enormes difficultes de financer leur budget annuel peuvent ils financer une guerre ou ils ne maitrisent pas la duree, les effets et d’autres depenses non prevues.
    Donc il est normal que la cedeao tergiverse et demande l’appui de l’ONU.
    Voila un sujet tres delicat ou il est plus facile de critiquer que de donner des solutions. Madiambal me dira que les elus au niveau de ces etats sont payes pour trouver des solutions; mais lui aussi en tant journaliste et intellectuel africain doit reflechir de facon pragmatique a cette situation.
    Posons la question est ce qu’il est normal pour le contribuable senegalais et pour le soldat en casamance qui presque manque de tout, accepte que l’etat senegalais finance sa participation de la guerre au Mali? Pourquoi ne pas prendre ce financement pour augmenter les moyens des soldats pour venir a bout des rebelles MFDC? Encore des questions tres delicates a repondre.
    Autre preoccupation c’est le risque que contient le fait de vouloir financer la guerre au mali sans pour autant etre capable. Cela devient plus grave si les soldats d’autres pays devaient s’engager au mali en ayant pas les moyens de cette mission. Cela pourrait faire echouer la mission avec bcp de perte en vie humaine et meme une defaite de l’armee reguliere.
    Maintenant est ce qu’il faut financer la guerre par un pret que le mali devra payer da.s le futur?

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