Longtemps domestiquée par les populations pour cause d’abondance, l’eau est devenue subitement une denrée précieuse

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Les populations de Dakar devraient se souvenir normalement et pour encore très longtemps, des perturbations survenues récemment dans l’approvisionnement en eau potable domestique. Le manque prolongé de ce liquide précieux a engendré des conséquences jusque là insoupçonnées, du fait que l’eau n’a jamais été considérée, par les consommateurs, comme une ressource pouvant faire défaut, car, abondante à volonté et accessible au moindre coût, comparativement aux autres énergies. L’assertion consistant à dire que l’eau est source de vie est devenue, suite à la récente pénurie, une réalité palpable qui transcende l’imagerie populaire.

Cet incident majeur né, selon les techniciens, de la défaillance d’une des pièces du tuyau de Keur Momar Sarr assurant le drainage de l’eau vers Dakar, appelle, de notre part, quelques observations sur la place et le rôle de ce liquide qui semblait, depuis longtemps, être banalisé dans les foyers. Nos gouvernants sont interpellés sur la conduite à tenir, dès lors qu’il s’agit de mettre en œuvre différents programmes de développement. Quant aux populations, elles se doivent de revoir leur comportement quotidien, si elles veulent être à l’abri de certaines surprises désagréables, aussi bien pour elles que pour les générations futures.

L’eau : enfin, source de vie
Une denrée considérée comme source de vie peut, si certaines conditions ne sont pas réunies, se transformer en nid de problèmes de toutes natures, avec des conséquences incalculables. Les populations dakaroises ont vécu des moments extrêmement délicats ; chacun s’évertuant à s’approvisionner en eau par tous les moyens, et au péril de la vie. Certains consommateurs éprouvés par la situation, ont trouvé nécessaire de creuser des puits de fortune ou user de l’eau de mer pour assouvir une soif persistante ou assurer les impératifs de propreté familiale. Du coup, les nombreuses et pertinentes campagnes de sensibilisation axées sur l’hygiène, ont été volontairement ignorées, au motif que le moment était prioritairement à la trouvaille de l’eau domestique ou à ce qui lui ressemble ; les prévisibles conséquences sanitaires devant être gérées à postériori.

Ce comportement prouve, s’il en était besoin, que les populations ont pu se rendre compte que l’eau jouait un rôle très important dans l’organisme humain, dans l’équilibre et le confort de leur environnement immédiat.

Il n’est point besoin de rappeler ici, que l’eau est l’une des rares denrées qui soit indispensable à la vie des êtres humains, quelques soient les conditions sociodémographiques, géographiques, économiques ou le niveau de développement. Dès lors, s’en passer est idyllique ; en manquer intolérable, même de façon provisoire. En assurer la disponibilité, tout le temps et en toutes circonstances, devient plus qu’une obligation pour les gouvernants.

C’est le moment où jamais, pour nous autres Sénégalais, de changer notre comportement quotidien dans la gestion de cette ressource, qui peut faire défaut, à tout moment, pour des raisons techniques ou naturelles. L’utilisation abusive qui en est faite tous les jours, semblerait découler de l’idée selon laquelle, l’eau serait intarissable, alors qu’en réalité, elle peut s’épuiser comme toute autre ressource. Par la force des choses, nous avons assisté à un traitement méticuleux de cette ressource pendant cette crise, comme si les populations savaient mieux gérer la pénurie que l’abondance. Les bouteilles, les fûts, les bassines et autres récipients utilisés, nous ont permis d’avoir une idée plus ou moins précise du volume d’eau consommé journellement par chaque individu. Beaucoup d’entre nous, se sont rendu compte, que les consommations étaient abusives et pourraient être réduites à leur juste proportion.

Comme l’eau est tarissable, nous devons absolument en user et ne pas en abuser. Ménageons l’eau au mieux, pour nous en servir au mieux, le plus longtemps possible. Un vécu n’a de sens que s’il permet d’en tirer des leçons pour l’avenir.

L’eau : vecteur sociopolitique
Le manque d’eau à Dakar a montré que les Sénégalais font toujours preuve de solidarité dans les moments difficiles. En effet, combien sont-ils, à avoir autorisé les consommateurs à s’approvisionner en eau chez eux, sachant que leur prochaine facture allait connaître un pic financier. Cette solidarité s’est manifesté tous azimuts, dans la mesure où les bénéficiaires pouvaient ne pas avoir de relations antérieures avec les donateurs. A travers leur geste hautement symbolique, ces derniers nous ont fait comprendre que l’humilité et le sens du partage sont des fondamentaux qui doivent toujours être de mise. Notre société a été ainsi bâtie et personne ne doit remettre en cause ce socle.

Comme à l’accoutumée, le débat politique, pour ne pas dire politicien, s’est invité dans cette crise, mais s’est vite estompé du fait de l’insensibilité des populations qui vivaient une certaine hantise. Chaque parti politique y est allé de ses commentaires et de ses récriminations contre le dernier pouvoir ou celui qui est en place, espérant en tirer électoralement profit. Cette fois, la pratique ne semble pas avoir prospéré, tellement les populations étaient préoccupées par la recherche du liquide et son retour définitif dans les foyers. A notre avis, les composantes de la société sénégalaise doivent, quelque soit leur clivage et dans des situations d’intérêt national majeur, se retrouver, se compléter, pour mettre en symbiose leurs connaissances respectives au seul profit de la Nation sénégalaise, notre Nation.

Depuis le départ et fort heureusement, le gouvernement a pris la mesure exacte des conséquences sociales et économiques que pouvait engendrer le non approvisionnement prolongé en eau des populations. Les risques sanitaires, de soulèvement populaire et de ralentissement des activités économiques étaient les sentiments les mieux partagés.

C’est pour ces raisons, qui sont loin d’être politiciennes, qu’il faut comprendre les fermes recommandations de Madame le Premier ministre à l’endroit des techniciens de la Sde et de la Sones, ainsi que le retour anticipé des Etats-Unis, de Monsieur le président de la République. Certains commentateurs ont vite fait de trouver le déplacement à Keur Momar SARR de Monsieur le président de la République, paré dans sa tenue militaire, dénué de sens, car, il n’avait pas, selon leurs dires, une solution technique pour abréger la souffrance des consommateurs.

Que pourrait-on dire d’un responsable à ce haut niveau, qui serait cloitré confortablement dans son bureau feutré, ayant à sa disposition de l’eau qui coule à flot, au moment où ses administrés ne peuvent même pas boire à suffisance. Nous apprécions, à sa juste valeur, le déplacement de Monsieur le président de la République sur le site des opérations, pour la bonne et simple raison que son implication dans le processus a eu pour effets de réduire fortement l’anxiété des populations, en même temps qu’elle a galvanisé et réconforté les techniciens chargés de l’exécution des travaux. Je rappelle, en m’en félicitant avec beaucoup de Dakarois, l’apport considérable des militaires qui ont été chargés du contrôle des camions citernes appelés en renfort. Leur Chef suprême, en l’occurrence Monsieur le président de la République, aurait eu tort de ne pas s’impliquer, au moment où les combattants militaires étaient au front pour juguler une situation inédite et pleine de risques.

C’est d’ailleurs parce qu’elle est un évènement national sensible, par ses effets collatéraux, que toutes les autorités coutumières, religieuses et politiques se sont souciées de cette panne et ont prié pour un retour normal de l’approvisionnement.

L’eau : vecteur stratégique
Les innombrables désagréments créés par la récente pénurie d’eau commandent, pour nos gouvernants, la prise de décisions hardies, aptes à sécuriser le pays dans les domaines électrique et hydraulique.

Le Sénégal a été pris en otage à la suite d’un simple incident technique, qui a plongé les populations dans une situation indescriptible, avec son cortège de risques à tous les niveaux. Compte tenu des explications techniques fournies, un audit global du procès ayant abouti à la mise en service de la pièce défectueuse et de la conduite devra être réalisé. Cet audit devrait permettre de rechercher les conditions dans lesquelles cet ouvrage a été mis en oeuvre, depuis l’expression du besoin à sa mise en service, en passant par les procédures de commande et d’achat. Concomitamment, l’Etat gagnerait, à travers cet exercice, à mettre en place un programme périodique de revue et de maintenance de toutes les installations (hydraulique, électrique…).

Les rôles et responsabilités de tous les acteurs qui ont participé à la réalisation de cette pièce défectueuse devraient être identifiés, pour mieux situer les causes de cette panne. Il ne s’agirait pas d’un audit punitif ou coercitif à l’encontre de personnes, mais d’un audit qui permettrait, à l’avenir, d’éviter certains manquements au moment de la prise de décisions. En raison des conséquences de cet incident isolé, la sécurisation de nos installations hydrauliques et électriques doit, désormais, faire partie des surpriorités de l’Etat, surtout quand nous savons que la sous région est devenue une zone très sensible.

Le pouvoir issu des dernières élections a été plébiscité par les populations, à l’effet de résoudre progressivement les problèmes auxquels, nous Sénégalais, sommes confrontés. Ces problèmes quasi interdépendants les uns des autres, ont pour noms : chômage, prise en charge médicale, insécurité, enseignement, formation, agriculture, pêche et que sais-je encore.

C’est parce qu’ils sont divers et variés, que les dits problèmes sociaux doivent faire l’objet de programmation dans le temps, car ils ne pourront jamais être résolus de façon simultanée. Même si la volonté affichée de l’Etat est d’y parvenir dans les meilleurs délais pour atténuer la pression exercée par les populations, certaines contraintes économiques obstruent la réalisation des voeux de nos dirigeants.

Au demeurant, nous exhortons l’Etat à prendre les mesures idoines, qui permettent de résoudre définitivement le problème de l’eau et l’approvisionnement correct de toutes les populations. Le mix énergétique qui est une priorité gouvernementale, devrait intégrer, si ce n’est pas encore le cas, une composante EAU. Comme notre pays dispose de potentialités hydrauliques, un effort doit impérativement se faire par la diversification des sources d’approvisionnement. Il serait suicidaire de maintenir, en l’état, le réseau et de faire assurer 40% de la distribution en eau par le seul tuyau du Lac de Guiers. Beaucoup de Sénégalais n’ont pas encore compris les raisons qui ont poussé nos techniciens à commander une pièce, unique en son genre, et les motifs de non détention d’un stock de rechange. Une pareille situation risque de nous mener dans des aventures malencontreuses, si jamais elle se renouvelait, tellement qu’elle est intolérable. La diversification des sources d’approvisionnement devient un impératif, en vue de notre indépendance énergétique, toutes filières confondues.

Monsieur le président de la République devrait, à notre avis, faire appel aux compétences locales de tous bords, et si besoin, à celles de l’étranger, pour endiguer ce fléau des temps modernes, jugé comme étant source de conflits futurs entre les nations. Une nouvelle cartographie du réseau hydraulique pourrait se faire sur le plan national, dans le but d’inventorier les infrastructures existantes, leur ancienneté et les points noirs susceptibles de créer des perturbations. Les résultats obtenus permettront aux décideurs de se faire une meilleure visibilité, et donc, de mettre en orbite une programmation bien réfléchie qui tient compte des priorités du moment.

En définitive, la pénurie d’eau survenue à Dakar doit nous pousser, nous consommateurs, à mettre un terme au gaspillage des ressources qui sont devenues très rares de nos jours. Qui plus est, elle doit amener les gouvernants à se consacrer uniquement et exclusivement aux seules préoccupations des populations ; lesquelles leur ont donné le pouvoir qu’ils détiennent présentement, en vue de la résolution de certains de leurs problèmes.

Par Kader DIOUF
Economiste
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