Après des mois d’atermoiements et incidemment de questionnements circonspects des acteurs politiques comme de la société civile, la réflexion sur la réforme des institutions devant à terme refonder la République du Sénégal est enfin mise en branle. Le Pr Amadou Makhtar Mbow et ses collaborateurs ont ainsi tenu la première réunion de la Commission nationale de concertation sur la réforme des institutions (Cnri), samedi dernier. Les observateurs de la scène politique ne peuvent néanmoins s’empêcher de se poser une question simple : L’ensemble des problématiques institutionnelles ayant déjà été pris en charge par les conclusions des Assises nationales, n’assiste-t-on pas à un doublon de la charte de bonne gouvernance dont Macky Sall est signataire? A moins que le Président de l’Apr ne veuille conduire ces réformes à son rythme, en véritable maitre du jeu politique!
Macky Sall est-il réellement disposé à appliquer, dans son intégralité, les conclusions des Assises nationales dont il est signataire, ou entend-il simplement refonder la République à son rythme ? Pour certains observateurs de la scène politique comme de la société civile, la question mérite bien d’être posée au regard de la démarche choisie par l’actuel locataire du palais de la République. Et pour cause, loin de s’évertuer à appliquer les conclusions de ce grand forum de l’opposition (politique comme civile à Abdoulaye Wade), qui avait passé en revue, entre 2008 et 2009, l’ensemble des dysfonctionnements institutionnels du pays, le nouveau chef de l’Etat a mis sur pied sa propre commission de réforme des institutions. Une commission nationale dite de concertation sur la réforme des institutions (Cnri) et qui s’est mise au travail, après des mois d’atermoiements et, incidemment, de questionnements circonspects de certains acteurs politiques comme de la société civile.
Quoiqu’elle soit placée toutefois sous la tutelle du Pr Amadou Makhtar Mbow, par ailleurs président des Assises nationales, la structure qui entend rendre ses conclusions au mois de septembre prochain, semble de fait apparaître, pour certains analystes, comme une sorte de doublon des Assises nationales. Les grandes thématiques devant être abordées au cours de cette réflexion sur la réforme des institutions, relativement à la limitation du nombre de mandats du président de la République, à la durée de ce mandat, voire aux modalités de révision constitutionnelle, ayant été réglées par les Assises nationales, ces observateurs qualifient cette démarche de Macky Sall de purement « accessoire ». Le projet de refondation de la République devant mieux conformer celle-ci à l’évolution démocratique du pays est, selon eux, entièrement pris en charge par la charte de bonne gouvernance des Assises nationales. Une charte dont Macky s’est engagé d’ailleurs à appliquer les conclusions, par une paraphe officielle au cours de l’entre-deux tours de la présidentielle de 2012. Dans la foulée, ces analystes qui s’interrogent sur l’opportunité de la Commission nationale de concertation n’en rappellent pas moins qu’une refonte constitutionnelle d’ensemble est seule à même de porter la refondation des institutions, comme l’ont suggéré les Assises nationales.
MACKY, MAITRE DU JEU
De toute façon, force est de reconnaître que le nouveau Président qui avait montré bien de réticences vis-à-vis des conclusions des Assises nationales avant d’en ratifier finalement la charte, sous la contrainte de pures stratégies électorales, semble prendre le temps des réformes institutionnelles envisagées, à défaut d’en prendre toute la mesure. Macky Sall a tenu ainsi à réitérer, contre beaucoup de ses partisans et alliés dont Moustapha Cissé Lô et Jean Paul Dias, sa détermination à réduire le mandat présidentiel de sept à cinq années. Qui plus est, la suppression au « forceps » du Sénat de l’architecture institutionnelle du Sénégal, sous le coup des inondations, semble aussi participer de la même intention du nouveau Président de mettre en selle une figure de la République plus conforme à sa vision. Mais Macky Sall semble vouloir inaugurer cette refondation, à son rythme et sans aucune pesanteur. Le Président de l’Apr se donne les moyens de conduire cette réforme des institutions en véritable maître du jeu politique, notent d’autres observateurs. D’autant que les principaux partis politiques promoteurs des Assises, actuellement alliés de Macky, semblent se diluer dans le clinquant du pouvoir. Au grand dam des Assises dont ils s’étaient engagés à appliquer sitôt arrivés au pouvoir, par référendum, l’intégralité des conclusions.
