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Mali-Côte d’Ivoire: la perspective d’un règlement diplomatique se complique

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Dans le dossier des 49 militaires ivoiriens arrêtés à leur arrivée à Bamako le 10 juillet dernier, la perspective d’un règlement diplomatique semble de plus en plus menacée. Parce que des points d’achoppements difficilement surmontables sont dorénavant clairement assumés, et parce que les Nations unies n’ont pas levé certaines zones de flou.

Le Mali et la Côte d’Ivoire s’accusent à présent mutuellement de manquer à leur parole. Dans un communiqué diffusé hier soir, Bamako considère que le gouvernement ivoirien « vient de se dédire ». Il y a une dizaine de jours, lors de la libération de trois soldates, sur les 49 arrêtés, Abidjan avait reconnu « des manquements et des incompréhensions » dans les procédures suivies. Un aveu, aux yeux de Bamako, qui considère donc comme un « revirement » l’accusation de « prise d’otages » portée mercredi par Abidjan.
Côté ivoirien, on estime que reconnaître des « manquements » est au contraire une preuve de bonne foi : il y a eu des dysfonctionnements administratifs, mais les soldats venaient bien dans un cadre onusien et en aucun cas pour déstabiliser le Mali. D’ailleurs, ce ne sont pas des « excuses » qui ont été prononcées le 3 septembre dernier, justement pour cette raison.

Confiance rompue

Abidjan estime même qu’au contraire, ce sont les Maliens qui sont revenus sur leurs engagements et qui ont donc un « problème de crédibilité ». Une source proche de la présidence ivoirienne assure que le président malien de transition, le colonel Assimi Goïta, avait accepté de ne plus demander l’extradition des politiques maliens qui vivent ou séjournent à Abidjan, et contre lesquels les autorités maliennes ont lancé des mandats d’arrêt internationaux (le fils de l’ancien président IBK, Karim Keïta, l’ancien Premier ministre Boubou Cissé et de l’ancien ministre Tiéman Hubert Coulibaly).

Des sources proches des négociations l’ont confirmé à RFI, ne cachant pas leur étonnement face à cette volte-face du chef de l’État malien. Or c’est bien LA contrepartie exigée aujourd’hui par Bamako en échange de la libération des militaires ivoiriens. On voit mal comment deux parties qui n’ont plus confiance dans la parole de l’autre, et qui le clament publiquement, peuvent parvenir à un accord.

Deuxième grave pierre d’achoppement : le recours par la Côte d’Ivoire à l’arbitrage de la Cédéao est catégoriquement rejeté par le Mali. Un sommet des chefs d’État de l’organisation ouest-africaine est prévu la semaine prochaine, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York. La Côte d’Ivoire en appelle à l’institution sous-régionale pour obtenir la libération de ses soldats. Une « instrumentalisation de la Cédéao », selon le gouvernement malien de transition, qui annonce déjà ne se sentir « nullement concerné par cette procédure. »

Dossier politique pour Abidjan, judiciaire pour Bamako

Pour Abidjan, le dossier est « politique et diplomatique », et c’est le président Alassane Ouattara qui serait directement visé. Parce que Bamako voudrait lui faire payer pour les sanctions infligées par la Cédéao et l’Uemoa entre janvier et juillet dernier en échange de garanties sur la tenue d’élections, parce que le président ivoirien est perçu comme trop proche de la France, ou parce que Bamako cherche à enflammer le dossier par stratégie, afin de mobiliser l’orgueil national et de détourner l’attention des Maliens et des médias.

Pour Bamako, bien au contraire, le dossier est « judiciaire et bilatéral ». Ce qui signifie qu’à moins d’un règlement via la médiation togolaise, la seule qu’accepte Bamako, les 46 militaires ivoiriens toujours détenus devront donc être jugés pour « atteinte à la sûreté de l’État ».

Régionalisation du conflit ?

« La tournure que prend le dossier avec l’implication de la Cédéao, à la demande des autorités ivoiriennes, nous éloigne à coup sûr de toutes les chances d’arriver à un dénouement heureux », estime Aly Tounkara, enseignant-chercheur à l’Université de Bamako et directeur du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S). « L’antécédent entre Bamako et certains chefs d’État de la Cédéao (en raison des sanctions infligées par la Cédéao au Mali entre janvier et juillet dernier, NDLR) pourrait davantage durcir les conditions d’une éventuelle libération de ces militaires ivoiriens détenus par Bamako. » 

La Cédéao entend donc jouer les arbitres, à la demande d’Abidjan et contre la volonté de Bamako. Pourrait-on assister à une régionalisation du conflit et à un nouveau bras de fer entre le Mali et la Cédéao ? « Je ne pense pas qu’il y ait un arsenal permettant à la Cédéao d’exiger une quelconque libération. La Côte d’Ivoire avait reconnu les manquements qui ont caractérisé la venue de ses militaires sur le sol malien. De ce fait, au nom de la légalité et de l’équidistance (entre les deux parties, NDLR), la Cédéao ne pourrait jouer qu’un rôle de médiateur et non d’arbitre. »

Le flou onusien entretient la crise
Si le conflit perdure entre le Mali et la Côte d’Ivoire, c’est aussi en raison d’un flou sur le statut de ces soldats ivoiriens, que les Nations unies n’ont toujours pas clairement levé. L’ONU avait dans un premier temps assuré que les soldats ivoiriens arrêtés bénéficiaient du statut NSE (National Support Elements), des troupes qui ne font pas partie de la Minusma mais qui viennent lui apporter un soutien. Avant, quelques jours plus tard, de faire machine arrière.

Depuis, les Nations unies ont expliqué, dans une note rendue publique par Bamako, que les soldats ivoiriens intervenaient bien dans le cadre onusien, pour « assurer la sécurité à la base des NSE allemands » à Sénou, où se trouve l’aéroport de Bamako. Mais sans préciser clairement dans quelles conditions. Ni l’Allemagne – qui compte au Mali un contingent de casques bleus et des NSE pour les appuyer –, ni son sous-traitant SAS (Sahel Aviation Service), un temps cité, n’ont reconnu devant les autorités maliennes de transition avoir de contrat avec les soldats ivoiriens arrêtés, ce que la Minusma a confirmé.

Si la Côte d’Ivoire reconnaît des « manquements et des incompréhensions », elle continue de marteler que c’est bien dans le cadre d’un soutien à la Minusma que ses 49 militaires ont été envoyés à Bamako, et en aucun cas pour déstabiliser le Mali. Des dysfonctionnements administratifs semblent donc bien à l’origine de leur arrestation, mais la nature de ces dysfonctionnements n’a jamais été clairement dévoilée par les Nations unies.

Depuis que l’affaire a éclaté, Bamako et la Minusma ont remis à plat les procédures de rotations des militaires étrangers allant et venant au Mali, et la Côte d’Ivoire s’est engagée à les respecter. Plusieurs centaines de casques bleus ivoiriens sont même arrivés récemment au Mali et sont déployés dans le Nord, à Tombouctou.

Un cadre onusien directement impliqué dans le dossier déplore que les Nations unies ne prennent pas leur part de responsabilité. « Nous avons lâché les Ivoiriens en plein vol », estime cette source, détournant avec ironie la formule désormais célèbre du Premier ministre malien de Transition Choguel Maïga (officiellement toujours en poste malgré une « mise au repos » datant de plus d’un mois et la nomination d’un chef du gouvernement par intérim).

En tout état de cause, en l’absence de clarification nette et définitive de la part de l’ONU, le Mali peut continuer d’affirmer, et ce sont les mots du communiqué diffusé jeudi soir, qu’« aucune base légale » ne vient à ce jour « justifier » la présence ni la mission des soldats ivoiriens toujours détenus. Dont les perspectives de libération rapide semblent s’être bien éloignées en l’espace de quelques jours.

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