MÉDINA : Les lingères victimes de viol et de harcèlement sexuel

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MÉDINA : Les lingères victimes de viol et de harcèlement sexuel
Les lavandières habitent dans des maisons abandonnées. Souvent victimes de viol et de harcèlement sexuel, elles crient leur ras-le-bol et demandent à être respectées.

Médina. Ce quartier situé entre Fass et Gueule-Tapée accueille beaucoup de femmes évoluant dans les activités ménagères. La rue 29 angle Blaise Diagne, est la principale zone de résidence des lavandières. Tous les coins de la rue sont occupés par les lingères. Sous un soleil ardent, filles et femmes préfèrent le travail en chaine pour lessiver.

Nous sommes dans une grande maison détériorée. Les portes inclinées, les pots de chambres par-ci, les balais par-là. Les bols servent de tams-tams aux enfants. Les mamans n’arrêtent pas de donner des claques aux petits. Seaux, bassines et pelles traînent sur la véranda. L’odeur du poisson sec se fait sentir. Les enfants n’arrêtent pas de pleurer.

Ici, les lavandières déplorent les difficiles conditions dans lesquelles elles exercent. En attestent ces propos d’Astou Gomis : « Quand tu finis de laver le linge, tout ton corps te fais mal. Tu as mal à la poitrine. Après toute cette besogne, les clients te font, parfois, la cour. Il y a d’autres qui couchent même avec toi. Ce n’est pas normal ». Et de poursuivre : « Ils font de toi leur maîtresse. On ne peut pas refuser, car on est dans le besoin. Ce n’est vraiment pas normal. Nous ne sommes pas des prostituées. Nous sommes venues travailler pour gagner notre pain. Il faut que cela s’arrête », martèle la lingère Astou Gomis.

Trouvée chez elle, Marie Faye est assise sur un baril vide sous un arbre. Elle a 29 ans. Teint clair, taille moyenne, nez pointu, Marie est une jeune fille lingère très belle. Elle confie : « Un jour après le diner, je suis allé chez un de mes clients récupérer ses habits. Quand je suis arrivée, la porte était fermée. J’ai frappé plusieurs fois et j’ai mis du temps avant qu’il n’ouvre la porte. Comme il est à moitié nu, j’ai cru qu’il dormait. Je lui demande de me sortir le linge, parce que je ne veux pas déranger. Il a insisté pour que j’entre ». Mais, dès que Marie franchit le seuil, son client referme aussitôt la porte à clef. « Je suis restée assise sur une chaise dans le salon. Il entre dans sa chambre et ressort tout nu. Je lui dis de me donner le linge. Je devais repartir, car il faisait nuit. Il me dit : non ma jolie, prend ton temps, on est ensemble », témoigne Marie Faye qui déclare avoir demandé à son client d’arrêter son cinéma et de lui donner le linge. Mais, il ne l’a pas écoutée.

Giflée et violée

« Quand je me suis levée pour partir, il me tord le bras et me demande de venir avec lui dans sa chambre. J’ai refusé. Il m’a tirée. J’ai crié. Il m’a giflée en me disant que personne ne pourra me sortir de là. Quand il a vu que je tremblais, il a commencé à toucher mes seins en disant qu’il ne va rien me faire. J’ai continué à crier de toutes mes forces. Il devient furieux du coup. Mais, comme il est plus fort que moi… ». Elle s’arrête un moment. Des larmes coulent sur ses joues. Elle éclate en sanglots. Aguène, une de ses sœurs vient la ramener dans la chambre. Mais, Marie Faye n’arrête pas de pleurer. Une trentaine de minutes après, elle revient pour avouer qu’elle venait d’être violée. « Je ne ressens que du dégoût actuellement. Et comme je ne pouvais pas rentrer seule, il m’a ramenée avec sa voiture et m’a laissée à la porte de notre maison. Le matin, je suis partie à l’hôpital avec ma grande sœur. Ce qui me ronge jusqu’à ce jour, c’est de ne pouvoir rien faire à cet homme. Il est policier et il a menacé de m’enfermer, si je dis quoi que ce soit », raconte la lavandière Marie Faye.

Dur de trouver un travail de domestique

Devant la maison des « Sène ». L’odeur du savon se fait sentir. Dans cette demeure, habite une vingtaine de lingères. Ressortissantes de la région de Kaolack, pour la majeure partie, ces femmes sont âgées entre 29 et 36 ans. Les pleurs des enfants, les cris des uns et les rires des autres se font entendre même dans la rue. Vêtue d’un tout petit pagne violet et d’un tee-shirt multicolore, Khady Sène a la trentaine. Les yeux creux, le regard perçant, la fatigue se lit sur son visage. Selon cette dame, le lavage du linge est un travail qui demande beaucoup d’efforts physiques et une bonne santé. « J’exerce ce métier depuis trois bonnes années. Ce n’est pas du tout facile. Ma première année à Dakar, je me levais tôt le matin pour aller chercher du travail en faisant du porte à porte. Mais, comme j’avais un enfant, les gens ne m’ont pas acceptée. Parce qu’ils croient qu’un enfant nous empêche de faire normalement notre travail. C’est en ce moment que je me suis lancée dans le linge, parce que c’était presque la fin de l’année et je ne pouvais pas retourner au village les mains vides. Mes parents comptent trop sur moi », déclare-t-elle. Et de poursuivre : « Je lave un tas de linge par jour, et je ne parviens même pas à garder une petite somme pour mes parents. A 2500 francs Cfa le tas, je dois payer l’eau à 50 francs la bassine, l’électricité et cotiser pour les repas. Dans les 2500 francs que je gagne, je dépense 1000 francs pour acheter les produits devant me permettre de laver le linge, 400 francs pour le charbon, 100 francs pour le transport. Il ne reste alors que 1000 francs pour subvenir à mes besoins. Il m’arrive parfois d’acheter du lait et du pain pour mon petit-déjeuner et ensuite je reste toute la journée sans manger, par manque de clientèle ou parce que le client refuse de me payer ».

Clients véreux

Ces propos de Khady Sène sont confirmés par Seynabou assise juste à coté d’elle. A en croire ces filles, après avoir fini de laver le linge, certains clients refusent de payer. Ils trouvent toujours une bonne excuse ou les font attendre des semaines durant avant de leur donner leur argent. Pis, certains clients trouvent les moyens de les taxer de voleur. « Il y a deux semaines de cela, ma petite sœur a été accusée de vol. Un client est venu tôt le matin avec sa bande pour dire à ma sœur qu’il n’a pas vu son pantalon d’une valeur de 45.000 francs acheté au Maroc. Il a dit qu’il va la trainer en justice. Il a fallu qu’on appelle le chef de quartier pour régler le problème. Ma sœur a voulu lui rendre les 2500 francs qu’il lui avait payés. Mais, j’ai dit niet. Donc, on nous traite de n’importe quoi », fustige Astou Gomis, selon qui, la lingerie est un métier comme tous les autres. Ces filles qui gagnent leur vie à la sueur de leur front ne demandent qu’une très petite faveur de la part des clients : le respect.

Viviane DIATTA (Stagiaire)

lesoleil.sn

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