Déclaration de patrimoine : au risque d’occulter l’essentiel

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Le débat installé depuis la déclaration de patrimoine du chef de l’Etat n’est pas nécessairement incongru dans un Etat démocratique. Ce qui est en revanche problématique, c’est la malice avec laquelle certains posent les termes de la discussion engagée. Ce débat, pour autant qu’il soit très utile, n’en présente pas moins des pièges, dès lors que certains, parmi ceux qui l’engagent, se focalisent sur le volume du patrimoine déclaré ou sur son origine, en oubliant volontairement le sens essentiel de la pratique initiée ailleurs, avant de l’être chez nous. Ces deux aspects de la question : le volume et l’origine ne sont peut-être pas dénués de tout intérêt. On peut effectivement en parler, sans pour autant en faire l’objet essentiel du débat, en occultant (volontairement ?) le sens et la signification d’une telle déclaration.

Il me semble que la question du volume et celle de l’origine, telles qu’elles sont posées, avec malice par certains, sont assez réductrices de l’intérêt du débat. Réductrices, en ce qu’elles empêchent de saisir dans son essence la signification politique, morale et éthique attachée à l’obligation juridique incombant au chef de l’Etat entrant nouvellement en fonction. Nous n’avons pas la prétention de nier aux autres le droit de poser le débat dans les termes qui leur conviennent. Loin s’en faut ! Nous pensons cependant sincèrement qu’en insistant trop et presque exclusivement dans le sens voulu par certains commentateurs, on risque d’occulter la question fondamentale de la gouvernance d’Etat. On l’occulte, telle qu’on veut désormais la concevoir et l’appliquer, à la lumière de l’esprit de la déclaration de patrimoine et de la pratique qui l’organise. Face à certains arguments développés, par ci et par là, nous avons envie de rappeler que « tout ce qui est excessif est dérisoire ». Faut-il le souligner, préoccupés, de nombreux citoyens de ce pays le sont, par rapport à deux questions majeures : celles-ci occupent tous les esprits des hommes et des femmes imbus des valeurs démocratiques, mais surtout épris de justice sociale : comment éviter la catastrophe que le pays a vécu au cours de ces
douze dernières années, en matière de gouvernance et comment installer, en définitive, la morale et l’éthique au coeur de l’action politique ? Les deux termes de cette interrogation renvoient à l’idée d’une gouvernance éthique efficace et inscrite dans la durée, pour tout ce qui concerne la conduite des politiques publiques et la gestion de l’Administration publique. La pratique politique n’est pas obligatoirement chevillée à un code moral. Ainsi, on se demande souvent si la politique et la morale font bon ménage. En tout état de cause, celle-ci ne peut se concevoir sans cette morale et cette éthique qui doivent guider toute conduite humaine. Le constituant sénégalais a prévu et organisé la déclaration de patrimoine dans le sens et dans l’esprit d’une meilleure gouvernance Dès lors que le Chef de l’Etat respecte la règle, en déclarant son patrimoine, de même que son premier ministre, il me semble qu’il y a là matière à s’en réjouir, en attendant que les actes de bonne gouvernance concrets viennent structurer de façon déterminante l’action de l’Etat et la conduite de toutes les autorités, en particulier ayant la lourde charge de conduire, au plus haut niveau de l’Etat, le destin de ce pays. La Gouvernance ayant eu cours au Sénégal, pendant douze ans, a été conçue comme un instrument d’extorsion des biens et des ressources de l’Etat. Tout a été organisé dans ce contexte, en particulier à partir du palais de la République, comme une machine de spoliation, méthodiquement organisée, des biens du pays. L’autorité politique, l’Administration, comme les autres services publics, ici considérés, constituaient un tout : une machine folle anti-progrès, un instrument d’organisation de désordre plutôt que d’ordre. Le centre du pouvoir ne s’est jamais mis en dehors du système de prédation institutionnalisée, faite de détournements de deniers publics, de pratiques de corruption, de concussion, de trafics d’influence, d’escroquerie, etc. La spoliation des ressources et des biens publics, le détournement des fonds du Trésor, la corruption dans l’exercice des fonctions publiques, le pillage n’étaient pas interdits. Dans le contexte actuel, la déclaration de patrimoine se présente comme un pari sur l’avenir. Il importe d’en saisir la portée politique et de décoder le signal fort ainsi lancé à travers sa matérialisation, en direction de ceux qui ont trop fait mal à la nation, en s’appropriant indument ses biens et ressources. Ceux-là ont raison d’avoir peur. Tout ce qui est à la disposition de l’Etat : tous les moyens de droit, procédures diverses et autres textes seront utilisés, sans faiblesse ni sévérité indue, pour recouvrer les biens de la nation. Aucun débat, juste ou spécieux, malicieux ou insidieux, aucune diversion orchestrée ne pourront sauver les prédateurs du passé qui se sentent naturellement menacés par la réactivation de la Cour de l’enrichissement illicite. Ils savent que les nombreuses réformes envisagées par l’Etat pour donner plus de moyens d’action aux différents corps de contrôle et aux autres organes de lutte conçus contre la délinquance économique ne les épargneront pas. Les sorties récentes de l’ancien président, Abdoulaye Wade jurant la main sur le coeur ne pas vouloir déstabiliser le nouveau pouvoir n’est rien d’autre que de la diversion. Il sait qu’il a fort à faire avec sa propre conscience face à l’ampleur des dégâts qu’il a laissés derrière lui. Ces dernières sorties ne sont que de la fanfaronnade. Une de plus. Sans consistance ! En réalité, Abdoulaye Wade n’a aucun moyen politique lui permettant de secouer sensiblement les bases du pouvoir nouvellement installé. Il bluffe. Il est cependant conscient que par ses sorties à l’emporte-pièce, il peut momentanément troubler certaines âmes fragiles. Ni plus. Ce qui est annoncé à travers la déclaration au-delà de son caractère légal, ne peut non plus laisser indifférents certains qui, parmi ceux qui s’installent, pensent naïvement que la traque qui sera menée au nom de l’éthique n’opérera que pour le passé. Erreur tragique ! Un bon chef, disait l’autre, doit savoir se montrer ingrat, face à ses amis les plus fidèles, dès lors qu’ils se mettent au travers de l’intérêt général. C’est une marque de grandeur chez l’homme d’Etat. Le Sénégal dispose de réelles chances de travailler à l’installation d’une gouvernance vertueuse. Nous avons touché le fonds par le passé. A présent, nous ne pouvons que sortir la tête de l’eau. Une partie du débat entretenu sur la déclaration de patrimoine du président de la république et certains arguments utilisés dans la discussion apparaissent, sous certains rapports, comme des tentatives de torpiller la volonté clairement exprimée par les autorités de la République d’aller
jusqu’au bout de la guerre qu’il faut impitoyablement livrer contre tous les délinquants à col blanc.
Par Abdou Latif Coulibaly

2 Commentaires

  1. Latif ne nous seuvre pas de tes analyses pertinentes. Nous avons toujours besoin de ta plume que ton raprochement du governement ne t’empeche pas de commenter de temps en temps. J e lance cet appel a Jules Diop aussi.
    Merci de cette analyse.

  2. latif captif mange et tais toi… c’est d’ailleurs très impoli de parler en mangeant… aucun débat spécieux…occulter l’essentiel…dis tu ? Beau sang ne saurait mentir…
    … ndeketeyoo tu sais aussi être un larbin ! qu’un larbin !

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