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Enquête : ces handicapés qui refusent la fatalité

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Mendier. Une activité que refusent certaines personnes vivant avec un handicap. Elles déplorent le fait que certains de leurs camarades, au lieu d’aller travailler, passent tout leur temps à tendre la main. Pour elles, handicap physique ne signifie guère invalidité au travail.

Dakar. La circulation est très dense sur le pont Sénégal 92 de la Patte d’Oie. Les passagers se bouchent les narines à l’aide de mouchoirs pour éviter de respirer la fumée des pots d’échappement des « cars-rapides ». La circulation ne bouge pas. Les vendeurs d’eau et de cure-dents en profitent pour écouler leurs marchandises.

En cette matinée, on a l’impression que c’est tout Dakar qui est dehors pour vaquer à quelque occupation. Y compris les personnes vivant avec un handicap. Elles sont visibles dans certaines ruelles et s’activent dans la vente des cartes de crédit prépayé de téléphone, du tabac, etc. D’autres sont dans le commerce des habits et d’autres encore dans la couture. Tous les moyens sont bons chez cette tranche de la population pour gagner dignement leur vie sans tendre la main, dans un pays où le handicap physique est souvent synonyme de mendicité.

Aziz Niane, un jeune handicapé, circule avec des cartes de crédit sur l’épaule. « Promotion, promotion !», ne cesse-t-il de répéter pour attirer l’attention des passagers des véhicules. Teint clair, Aziz, 26 ans, marche à l’aide de béquilles. Ce jeune marchand ambulant ne compte en aucun cas baisser les bras. Il travaille comme toutes les personnes actives pour subvenir à ses besoins. « Je ne dépends de personne. On ne vit pas pour tendre la main. Je veux gagner ma vie en travaillant dur. Etre handicapé ne veut pas dire être dans une incapacité », argumente-t-il.

 

« Jamais de complexe à cause de mon handicap »

 

« Je me lève tôt le matin pour récupérer les cartes chez un boutiquier. Ma paie dépend du nombre d’unités vendues par mois. Je ne vais jamais baisser les bras pour dépendre de quelqu’un, encore moins prendre l’aumône », explique Aziz en souriant.  Dans son atelier de couture aux Parcelles assainies, Amina Badji a l’air très occupée par ses activités. Elle se bat nuit et jour pour nourrir ses parents. Elle exprime sa gène de voir des personnes qui tendent la main juste parce qu’elles traînent un handicap physique.

« Ce n’est pas normal. Quand je vois les handicapés mendier, j’ai envie de me tuer. C’est honteux. Nous ne sommes pas des invalides, même si nous vivons avec un handicap. Donc, nous ne devons pas accepter qu’on se moque de nous », souligne la dame, tout en demandant aux autres personnes en situation de handicap d’arrêter de tendre la main. Elle suggère à ces derniers de chercher un métier au lieu d’occuper les rues de Dakar pour tendre la main.

« Je recevais les mêmes punitions à la maison avec mes sœurs. Il n’y a pas de distinction. Mes parents sont très sévères sur notre éducation. Ils n’hésitaient pas à me donner une correction quand il le fallait. C’est pourquoi je n’ai jamais eu de complexe par rapport à mon handicap. J’ai arrêté les études en classe de troisième. Et je me suis lancée dans la couture. Aujourd’hui, je gagne ma vie convenablement. Je n’envie personne », déclare Amina.

 

« Quand je rencontre les Sénégalaises à Dubaï, elles s’étonnent »

A côté de la Police de Grand-Yoff s’est installé Babacar Sy. Vendeur de tabac, il étale sa marchandise sur une petite table. Assis sur un banc en bois, lunettes noires barrant son visage, Babacar croque de la cola.  Interpellé, il raconte : « je suis contre ceux qui profitent de leur handicap pour mendier. Certains font même du porte-à-porte pour se nourrir.  D’autres jouent aux mourants devant les arrêts-cars ou les garages. Ce n’est pas honorable de se rabaisser ainsi ». Cet homme n’a jamais mendié en dépit de son handicap physique.

« J’ai une famille et mes enfants auront honte de voir un jour leur papa traîner dans les rues pour demander l’aumône. Il faut se faire respecter dans la vie », déclare notre interlocuteur. A l’en croire, les personnes vivant avec un handicap peuvent travailler dans les bureaux.

« Ils ne sont pas des incapables, encore moins des profiteurs ou des paresseux. Ils sont juste victimes d’un handicap », précise-t-il.  Visage maquillé, tête bien coiffée, Alice Sagna est bien sapée. Elle nous gratifie de son joli sourire.

« Soyez la bienvenue », lance-t-elle. Un bon parfum se dégage du magasin où nous l’avons trouvée à Liberté 2. Alice n’a jamais tendu la main, d’après ses confidences. Elle lutte pour les droits des handicapés. « Je fais partie des personnes qui luttent pour le bien-être des handicapés. Chaque premier week-end du mois, nous organisons des réunions pour sensibiliser les personnes vivant avec un handicap sur la mendicité. Ce n’est pas décent de voir des pères et des mères de familles tendre la main. Certaines personnes pensent que les handicapés ne doivent pas travailler. Non, nous avons des droits et des devoirs. Que les gens arrêtent de nous minimiser. Nous ne sommes pas des morts. Nous pouvons et nous voulons travailler comme tout le monde », explique la jeune dame. Et de citer son cas en exemple : « je suis commerçante depuis 12 ans. Tous les deux mois, je vais à Dubaï pour chercher de la marchandise. Parfois, quand je rencontre les femmes sénégalaises à Dubaï, elles ont l’air étonnées.

Elles pensent être les seules capables de faire le commerce. Cette situation nous dérange. Nous faisons tout notre possible pour faire partie de ceux qui travaillent pour leur pays », soutient Alice.

Certaines personnes en situation de handicap et qui refusent la mendicité, se sentent fières d’elles-mêmes. Raison pour laquelle elles aimeraient que leur refus de la fatalité fasse tache d’huile chez les autres handicapés.

lesoleil.sn

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