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Le Cinquantenaire d’une école privée française mixte fêté ce 21 décembre: Qui fut Gaindé Fatma, ce petit fils de Bamba qui transcende sa génération?(Par Dr Moustapha Fall)

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Dans un café au cœur de Chicago où les vents frais matinaux annoncèrent le spectre d’un hiver glacial 2020 et où les soubresauts d’un monde d’hommes et de femmes pressés se faufilèrent devant moi, je mesurai le sérieux avec lequel ces américains vaquaient impatiemment à leurs boulots. Isolé et seul devant ma tasse de thé servi avec le plus grand respect et le sens du pragmatisme à l’américaine, je cogitais sur l’existence de ma propre existence de noir, loin des siens au Sénégal. Soudain le souvenir de mon enfance cogna sur les propos de mon père durant nos échanges nocturnes sur Serigne Cheikh Gaindé Fatma. Un proche et inconditionnel disciple de Serigne Cheikh Gaindé Fatma, mon père (Serigne Fall NGuig) ne pouvait jamais évoquer le nom de Gaindé Fatma sans qu’il s’éclatât en sanglots et se fondât en larmes. Comment Gaindé Fatma a-t-il pu marquer son temps et ses disciples en si peu de temps de vie sur terre?

À l’occasion de la célébration du cinquantenaire de la mise sur pied de son école privée française mixte, nous ressentons le devoir moral de reprendre la plume pour honorer cet homme grâce à qui des milliers de jeunes cadres universitaires, comme moi-même, avons pu gravir les échelons du succès social voire professionnel pour servir leur nation et le monde entier.

Pour ce faire, nous entendons d’abord inscrire notre propos dans une histoire prophétique comme modèle parfait dont certains des actes trouvaient quelques échos dans la manière d’être et de faire de l’homme à qui nous consacrons ces quelques réflexions. Ensuite, nous allons essayer de cerner la vie complexe de l’homme avant de réfléchir sur le sens et la pertinence de la célébration du cinquantenaire dans un monde qui se dédale plus-que-jamais dans un obscurantisme intellectuel angoissant et d’absence de vision manifeste.

1. Mohammed le modèle parfait  

Le poète et romancier Alphonse Lamartine, en parlant du prophète de l’Islam, dit ceci : « Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Muhammad ? »

Certes les propos d’un non-musulman, Lamartine, sur le prophet Muhammad (PSL) sont d’une véracité absolue car le prophète avait transcendé tout génie d’œuvre humaine pour asseoir le message de l’islam et le concrétiser dans la praxis quotidienne de son entourage dans un contexte mecquois hostile, imbu de pratiques païennes, d’esclavage et de violence envers les femmes. Et pourtant, malgré tous les obstacles qui se dressaient devant lui, le prophète mena son combat dont le plus grand, le plus noble et le plus éternel fut celui de l’âme (Nafs) contre l’instinct grégaire, contre l’ignorance et l’obscurantisme profondément inscrits dans les traditions ancestrales qui furent aux antipodes de l’adoration exclusive de Dieu. 

De la Mecque à Médine, en passant par Taif où le spectre d’une jeunesse égarée le chassa hors des confins de la cité à coup de pierres.  L’homme blessé dans sa physique et dans sa morale, continua d’implorer Dieu pour le pardon de cette génération et de la génération future. Bref, sa vision de l’avenir avait eu raison sur les considérations de l’heure et des succès du moment car il construisait sur le long terme, sur l’éternel, sur l’ineffable. Imperturbable devant toutes les formes de calomnies, d’injustice et diabolisation de son message pour l’accomplissement duquel il fut envoyé sur terre, le prophète  tient bon jusqu’ à ce qu’un verset coranique sonna le glas de sa mort imminente mais fixa  pour l’éternité les rudiments d’un message du monothéisme pure se nourrissant des deux mamelles de la Sunna et du Coran.« Aujourd’hui j’ai complété pour vous votre religion et parachevé sur vous mon bienfait et agrée pour vous l’islam comme religion » [le Coran 5, 3]  

Notre volonté d’inscrire notre propos à travers ce rappel de cette histoire prophétique tient non pas du fait de nous verser dans une tentative de comparaison, mais dans un élan pédagogique pour tirer les leçons à partir de ce model prophétique parfait. Comme l’atteste fort bien le coran : « En effet, vous avez dans le Messager d’Allah un excellent modèle [à suivre], pour quiconque espère en Allah et au jour Dernier et invoque Allah fréquemment” [le Coran 33, 21]

Encore faut-il tout simplement noter que les actes que l’homme à qui nous consacrons ces quelques réflexions a posé au cours de son bref séjour sur terre héritent de certains caractères de son homonyme, le prophète Mohammed (PSL). Autrement dit, par son dévouement à la cause de l’humanité, par son attachement à la quête du savoir et du respect de la dignité humaine, Gaindé Fatma émulait le model prophétique de service à l’humanité. L’histoire humaine est certes jalonnée d’hommes et de femmes qui ont transformé leur milieu et transcendé leur génération. Néanmoins, le génie de Gaindé Fatma résidait dans sa capacité à se hisser au-dessus des oppositions, des calomnies et des partisanneries de son époque et de son contexte pour le triomphe des générations futures.

2. Gaindé Fatma, l’homme qui transcende les générations

La personnalité de cet homme qu’on surnommait « Gaindé » se confondait souvent avec la personnalité de son grand-père, Serigne Touba. C’est lui-même qui l’avait baptisé et donné son propre nom après sa naissance en 1913 dans une famille royale de Cayor, ce qui lui donnait le statut de noblesse. Quand il naquît, Serigne Touba dit : « j’ai espoir en lui ». Cet espoir, son petit-fils, ne l’avait jamais trahi comme son surnom le démontre : « Gaindé Fatma ». Que recèle donc le surnom « Gaindé Fatma? 

Nous disons que la sémantique qui couve derrière ce surnom est multiple et peut s’appliquer sur plusieurs actes que l’homme avait posés au cours de sa courte vie de 63 ans. Cependant, nous retenons tout simplement par ce surnom l’attitude d’un homme qui avait le sens de l’écoute, du partage et de la haute considération envers ses disciples. Les plus démunis trouvaient refuge et consolation en lui. Sa demeure fut le lieu de toutes sortes de bombance, et où défilaient des repas de toutes sortes à longueur de journée.

Ce fut l’un des rares marabouts qui ont su réconcilier parfaitement le temporel et le spirituel en envoyant ses talibés à la conquête du savoir vers l’Égypte et vers d’autres contrées lointaines. Pour Gaindé Fatma, le talibé n’est pas seulement celui ou celle qui travaille à la sueur de son front pour ensuite donner cette pitance à son marabout, mais celui qui contribue au développent de sa société. Nous en voulons pour preuve la création des Dahiras, qui dans son article 1 de la loi du 1er Juillet 1901, entendaient réunir les musulmans plus particulièrement les mourides.

            En revanche, ce qui fait que cet homme fascine le plus c’est son silence éloquent et son dévouement à la cause de l’humanité. Il effectua plusieurs voyages en dehors de son pays pour rencontrer des rois, des présidents et des autorités suprêmes à l’échelle mondiale pour porter le message de la paix et de réconciliation aux hommes et aux femmes en paroi à la faim, à la guerre intertribale et à l’exploitation.  Ainsi contribua-t-il à créer des partis politiques, comme le PDS en 1974 au Sénégal, et exerça sa citoyenneté sénégalaise dans sa plénitude, bref il fut le model parfait d’un citoyen qui transcende son statut de marabout pour revêtir le boubou de serviteur, de défenseur des plus faibles, des opprimées. Il serait l’auteur de 250 écoles et des huileries et une banque islamique au Sénégal (Voir Leral.net du Mercredi 21 Août 2019).

Quarante et une année après sa disparition en 1978, Cheikh Mbacké Gaindé Fatma vit encore dans le cœur des disciples mourides et même au-delà. L’évocation de son nom suscite respect et considération dans beaucoup de couches sociales sénégalaises car l’homme fut multidimensionnel; il œuvrait pour le social, le politique et l’éducationnel. La configuration de notre monde contemporain marqué par la quête effrénée du savoir et la disparition progressive des frontières physiques, lui donne raison et explique tout le sens derrière le cinquantenaire d’une école privée française mixte construite, malgré tout, sur les cendres de la contestation et du rejet social.

3. Le sens et la pertinence de la célébration de son cinquantenaire

Comme cela semble malheureusement être le destin de tout visionnaire, Gaindé Fatma a aussi vécu des moments difficiles pour dialoguer avec sa génération, par ricochet, ses pairs. Souvent incompris, il fut souvent diabolisé pour avoir eu le courage de créer une école française au cœur de Touba dans une époque où celle-ci est vue comme un instrument colonial d’asservissement et domination morale et de lutte contre l’Islam.

 Ses plus farouches détracteurs et détractrices ne pouvaient concevoir l’idée de créer une école française au cœur de Touba, compte tenu du fait qu’elle fut le moyen par le truchement duquel les autorités coloniales ont accompli l’esclavage et l’asservissement du peuple noir. Pour ses ennemis non-déclarés, l’implantation de l’école française fut tout simplement une façon de naviguer à contre-courant de l’idéologie de son grand-père, Serigne Touba. Bref, l’homme fut le punching bag de tous les coups et le centre de toutes les critiques et de toutes les invectives à caractères religieux. Calme et imperturbable , il avait compris une chose que sa génération n’avait pas pu comprendre pendant cette époque : Que pour lutter contre un ennemi, il faut apprendre sa méthode, sa langue, sa culture et ses manières de voir le monde. Autrement dit, Gaindé Fatma avait compris très tôt qu’il fallait armer ses disciples de la science, et toutes les sciences sans exclusivité, pour mouvoir vers un monde d’ouverture et de partage, un monde calqué sur le « donner et le recevoir » comme aimait nous le rappeler, le poète sénégalais, Léopold Sédar Senghor.

Comme tout mortel, l’homme ne saurait rester éternel et, par conséquent, il laisse derrière lui une société émue et nostalgique qui ne cesse de se rappeler sa grandeur, sa générosité et sa vison exemplaire. Après avoir lancé les bases de l’unité dans la Oumah Islamique particulièrement au soin de la communauté mouride, le Gaindé s’en est allé le 11 mars 1978, mais son rugissement fait toujours écho dans cette armée de jeunes femmes et hommes cadres et universitaires de diverses promotions formées dans son école. Aujourd’hui, ils dispensent de la connaissance dans les universités partout dans le monde; ils travaillent dans les banques; ils sont chefs de partis politiques; ils sont immigrants réussis qui sont porteurs de projets sociaux et societaux dynamiques qui font la différence chaque jour dans la vie des individus dans la société.

Sous ce rapport, nous félicitons ces imminents chercheurs et universitaires, comme le Professeur Bassirou Lô, ces hommes et femmes qui ont eu la lucidité intellectuelle et le sens du devoir moral face à l’histoire pour porter plus haut le flambeau de cette figure emblématique à travers la célébration de ce cinquantenaire.

Comme le dit de fort belle manière Victor Hugo « rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue »

Vivement que la première célébration de ce cinquantenaire continue de faire son petit bonhomme de chemin  dans un Sénégal qui se souvient de Gaindé Fatma pour l’éternité.

Docteur, Moustapha Fall

[email protected]

4 Commentaires

  1. Très belle contribution Dr FALL. Serigne Cheikh MBACKE Gaindé Fatma que Dieu soit satisfait de lui était en avance sur son temps. Juste pour rappeler que Serigne Cheikh a vécu 66 ans au lieu de 63 ans comme annoncé par erreur dans le texte. Les actes qu’il a posés durant son existence sur terre donnent l’impression qu’il a été centenaire.

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